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Deux fois mon frère

Publié le 13/04/2022 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Sélectionné au BSFF en compétition Next Génération, catégorie visant à dévoiler au public des créations des étudiants en école de cinéma, le film Deux fois mon frère réalisé par Mickey Broothaerts interprète avec inventivité et engagement la citation d’Amadou Hampâté Bâ : «  Si tu penses comme moi, tu es mon frère. Si tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois mon frère car tu m’ouvres un autre monde ».

Deux fois mon frère

Avec Angèle Baux-Godard, Baptiste Sornin, Oumar Diolo, Benjamin Ramon, le film Deux fois mon frère met en scène la rencontre insolite entre Damien et un jeune exilé soudanais, Abdo. Mais dès le début de leur cohabitation, ils se devinent respectivement homosexuel et homophobe. 

Alors que la caméra arpente délicatement les détours d’une maison, Damien, interprété par Baptiste Sornin (Je me tue à le dire, La fille inconnue, Le canapé, … ) retentit. Avec un engouement serré, propre à une rencontre récente, il laisse un message vocal à un autre homme. Le réalisateur installe progressivement les marqueurs d’une comédie, à l’image du dialogue où Damien nous raconte avoir menti pour plaire, prétextant qu’il travaille dans le social et l’accueil de migrants comme son prétendant. Mais ce petit mensonge que l’on devine quotidien, est le point névralgique du film, le moteur qui permettra de dérouler les séquences toujours plus savoureuses. Car Damien doit faire face à son mensonge et assumer son homosexualité lorsque son « crush » lui demande d’accueillir un migrant soudanais. Son sang ne fait qu’un tour, et, avec l’aide de son amie, il se lance dans un furieux rangement de toutes choses laissant transparaître ses attirances : statues, affiches de Tintin embrassant langoureusement le capitaine, photographies de soirées, sextoys. Savoureuses encore, comme cette scène de la douche remplie d’ironie, où chacun campe sur ses positions, l’un essayant de cacher sa sexualité et ses attirances, s’attelant à occulter les moindres objets intimes et renvoyant à un imaginaire homosexuel, l’autre réagissant par peur, s’emmitouflant dans le rideau, guettant le moindre bruit suspect qui trahirait in fine son homophobie. À la légèreté du jeu, jouant volontiers sur des registres absurdes, viennent se greffer les fondements réflexifs du film qui tendent vers un véritable plaidoyer pour accepter les différences que l’on pensait, à tort, séparatrices. 

Les séquences comiques s’additionnent mais laissent des traces critiques et insufflent des réflexions sur les imaginaires collectifs, sur ce qui façonne nos représentations, mais également sur nos propres peurs et mensonges enfouis, et nos interactions avec l’absolument « autre ». Le film réussit haut la main son pari comique. Il intègre, avec un équilibre intelligent, le comique et le politique, ce qui rend la rencontre entre ces deux hommes que tout semblait opposer puissante, jusqu’à la découverte d’un autre monde qu’ils parviennent chacun à assimiler, et où chacun s’accepte.

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