Festival Argos 2002
En territoire inconnu
À nouveau le festival d'Argos tisse sa toile sur Bruxelles. Six lieux et neuf jours pour une sélection impressionnante d'expositions, de concerts, de performances, de films et de vidéos qui propose ce qui se fait de plus passionnant (entre autres dans notre pays) dans le domaine de la recherche et de l'expérimentation audiovisuelles. Basé sur une idée de programmes interdisciplinaires, l'approche d'Argos ignore les frontières entre les différents modes d'expressions liés aux médias et suscite de nouvelles relations, d'étranges connections, d'étonnantes filiations entre reproduction et live performances, esthétique avant-gardiste et préoccupations sociales, archéologie du regard et explosions détonantes vers de nouvelles formes de communication. De la Cinémathèque Royale de Belgique aux locaux flambant neufs d'Argos (son nouvel espace d'exposition vaut le détour) en passant par Recyclart, l'AB, le Cinéma Nova et Matrix Art Project, Argos multiplie les rencontres et dessine des parcours pour le moins peu courants.
Ici se choquent et se répondent les mutations sonores les plus folles et l'intime de la lettre filmée, la réflexion artistique de la légendaire émission de télévision Vidéographie et le travail de quelques novateurs de l'extrême audiovisuel, la vision de ces cinéastes nomades venus d'un lointain tiers-monde et dont le regard en retour se pose sur nous et les toutes dernières productions belges réunies en programmes thématiques. Ces dernières rassemblent quelques unes des plus récentes réalisations de nos deux communautés qui, chacune à sa manière, illustrent et prolongent les préoccupations et les enjeux de la démarche d'Argos.
Vitalité des surprises et des coups de foudre, importance des interrogations et des troubles, nécessité des marquages et des déflagrations dynamiques, le festival d'Argos tient le pari de la découverte. Car derrière la diversité de ces oeuvres qui parfois se conjuguent et parfois s'interpellent sans jamais s'ignorer, apparaissent encore diffus mais allant se précisant,des territoires inconnus qui , échappant aux normes et aux exigences du commerce avant tout, augurent d'aventures singulières et de plus en plus étrangères au fatalisme du normatif et du banal.
Enfin en guise de mise en bouche et ce de façon totalement partisane, parmi tous les films et vidéos du festival qu'il vous est loisible de voir en DVD à la médiathèque d'Argos, retenons les trois premiers volets de Panique à la ferme de Stéphane Aubier et Vincent Patar. On ne dira jamais assez l'invention délirante, l'humour dévastateur et cette poésie loufoque dont font preuve ces deux génies de l'animation. Reprenant l'univers de leur précédent Panique à la cuisine, Aubier et Patar en élargissent le champ, contaminant la campagne alentour de leurs dingueries, ravageant les limites du bac à sable de notre enfance de leurs espiègleries iconoclastes jusqu'à se faire gondoler les frontières de la planète toute entière. Eminemment représentatifs d'une certaine démesure qui anime le projet Argos, ne connaissant que la loi du fou rire et la foi du ludique sans limite, ces deux nouveaux pieds-nickelés de la plasticine, tout comme les initiateurs d'Argos, n'ont pas fini de nous étonner et de nous enchanter tout à la fois.