Le monde du cinéma belge a son village : Moustier !
Si le BE Film Festival rend hommage au cinéma belge depuis 2005 à Bruxelles, ce dernier est également mis à l’honneur au Festival de Moustier (du 4 au 10 mars), à quelques kilomètres de Namur. Et depuis 1976, déjà.Ce n’est un secret pour personne : en Belgique, le nombre de films produits n’a jamais été aussi élevé de toute l’histoire. Un bel état de santé qui a presque logiquement permis la naissance d’initiatives telles que le BE Film Festival à Bruxelles en 2005, ou plus largement encore, la Cérémonie des Magritte en 2011.
De son côté, le Festival de Moustier, vingt-cinquième du nom cette année, n’a pourtant pas dû attendre cet engouement pour exister, puisqu’il a été lancé en 1976 sur les cendres du Festival de Welkenraedt, un événement presque mort-né qui se consacrait, lui aussi, au cinéma belge et qui, à l’époque, était bien plus confidentiel.
À l’aube de ce rendez-vous dont l’invitée d’honneur est la comédienne Natacha Régnier (elle succède à des noms comme Yolande Moreau, Olivier Gourmet et Bouli Lanners) et qui accueille une pléiade de personnalités et de professionnels de notre plat pays (on épinglera les présences de Frédéric Fonteyne, Sam Garbarski, Joachim Lafosse, Vincent Lannoo, Marie Kremer, Philippe Reynaert, Patrick Ridremont, Astrid Whettnall, Jonathan Zaccai…) nous avons rencontré son Président-fondateur Claude Leclercq, pour faire le point.
Festival de Moustier
Cinergie : Votre événement est aujourd’hui annuel. Mais cela n’a pas toujours été le cas !
Claude Leclercq : En effet. Quand nous l’avons lancé dans les années septante, le cinéma belge était assez marginal. Il y avait, bien sûr, un public intéressé par ce qui se faisait, mais le nombre de films produits par an se limitait à trois ou quatre maximum, rendez-vous compte ! Les choses se sont décantées entre les succès internationaux qu’ont été Le Maître de musique de Gérard Corbiau, en 1988, et Toto le héros de Jaco Van Dormael, en 1991. C’est véritablement là qu’on a ressenti un tournant pour le cinéma belge, que les productions se sont multipliées et que notre festival a pu devenir annuel.
C. : Que proposez-vous pour cette édition 2013 ? Des exclusivités ?
C.L. : Nous programmons une quinzaine de films pour tous les goûts, et qui ont fait l’actualité ces derniers mois, comme À perdre la raison, Ernest et Célestine, Populaire, Dead Man Talking - que j’ai personnellement beaucoup aimé - ou Tango Libre. Natacha Régnier étant notre invitée d’honneur, nous diffusons deux de ses films : La vie rêvée des anges d’Erick Zoncka et Le Capital de Costa Gavras. Et quelques semi-avant-premières oserais-je dire, puisqu’Au nom du fils et Sous le figuier ont déjà été diffusés dans des Festivals, mais ils ne sont pas encore sortis en salles. Nous nous efforçons aussi de diffuser des courts métrage belges avant chaque séance, car le public n’a pas toujours la chance de les voir. Puis, il y a des soirées musicales ou la diffusion de C’est arrivé près de chez vous à l'occasion de ses vingt ans. Ce sera pour beaucoup une occasion unique de le revoir sur grand écran. Bref, sans tout vous citer, d’autant que nous avons dû refuser pas mal de films, vous conviendrez que notre programmation est assez éclectique.
C. : Il y a 5 ans, votre budget avoisinait les 30 000 euros. Quid aujourd’hui ?
C.L. : Quasiment le double, puisqu’il approche aujourd’hui les 60 000 euros, ce qui reste peu. Nous sommes passés au numérique grâce à la Province de Namur, qui a offert un projecteur à tous les centres culturels de la région. Et pour nos vingt-cinq ans cette année, nous allongeons le Festival d’une journée, raison pour laquelle il commencera un lundi et non un mardi comme d’habitude.
C. : Ce Festival vous occupe-t-il à plein temps ?
C.L. : Désormais oui, car je suis un retraité de bientôt 68 ans ! À la base, j’étais fonctionnaire pour le Ministère de la culture, dans une branche qui est devenue plus tard le centre du cinéma. Je travaillais à la promotion des films, ce qui m’a permis de bien connaître les gens de ce milieu. Depuis presque trois ans, je consacre tout mon temps à la gestion d’un centre culturel et au Festival de Moustier, donc. Tout en faisant un peu de relations publiques en me rendant dans d’autres événements et Festivals.
C. : Car le Festival de Moustier souffrirait d’un léger manque de notoriété ?
C.L. : J’ai conscience que c’est un Festival assez régional, que Moustier n’est pas une grande ville comme Charleroi ou Namur. Donc, avoir des papiers dans des journaux nationaux comme Le Soir ou La Libre Belgique, c’est forcément plus compliqué. Mais nous sommes régulièrement appelés par la RTBF pour des interviews, et nous pouvons compter sur la présence de Canal C, la télévision locale. Mais tout de même, ces dernières années, j’ai remarqué que de plus en plus de gens se déplaçaient de Bruxelles ou de Liège pour voir un film qu’ils avaient loupé en salle.
C. : Le BE Film Festival, qui se déroule au Bozar en décembre, se consacre lui aussi au cinéma belge, depuis quelques années. N’y aurait-il pas là doublon ?
C.L. : Je ne pense pas. D’ailleurs, avant de lancer leur festival, Pascal Hologne et Céline Masset sont venus nous trouver pour savoir s’ils pouvaient eux aussi faire ça à Bruxelles. Nous nous sommes donc parlés, mais je n’y ai vu aucun inconvénient : pour moi, les deux événements se complètent et je ne pense pas que leur festival, qui draine un autre public, chipe le nôtre. Organiser un festival, c’est avant tout être passionné et être persévérant. À Moustier, je précise que personne n’est payé pour organiser ce Festival. Nous sommes 35 bénévoles. Puis, regardez, des gens comme Joachim Lafosse ou Patrick Ridremont viennent chez nous après avoir déjà fait un crochet au BE Film. Et si Benoît Poelvoorde, grand habitué du Festival ne vient pas cette année, c’est simplement parce qu’il tourne beaucoup.
C. : Quel est votre potentiel public ?
C.L. : Entre 2500 et 3000 personnes. N’oublions pas qu’il n’y a qu’une salle de 200 places qui, excepté pour l’une ou l’autre séance de l’après-midi, se remplit bien. En fait, suite à l’incendie du Centre Culturel de Moustier en 2009, nous avons dû reprendre une ancienne salle de cinéma à Jemeppe-sur-Sambre. Elle a fermé dans les années 60 pour devenir une salle de fête destinée aux ouvriers de l’usine Solvay toute proche, mais elle reste toujours propice à ce genre de manifestations. Et puis, elle intègre un bâtiment Horta assez magnifique, doté d’une belle verrière, qui semble inspirer pas mal de photographes. Nous sommes tellement satisfaits que nous avons d’ailleurs repoussé quelques offres financières alléchantes de villes voisines. Surtout que nous tenions à maintenir ce Festival à Moustier.
C. : Le public belge, comment le définissez-vous ?
C.L. : Certes, on le sait, il ne va pas encore voir assez ses films, mais je pense qu’il est tout doucement en train de changer de comportement. Notre Festival est aussi là pour lui permettre de découvrir des films qu’il n’a pas toujours l’occasion de voir. J’ai bien sûr compris les réactions d’Olivier Gourmet et de Joachim Lafosse au moment des Magritte. Evidemment qu’on ne doit pas dire que tout ce qui se fait chez nous est nécessairement formidable ! Mais ne pas snober le cinéma belge, ce serait déjà bien, vu son immense potentiel. Moi, en tout cas, je songe à mettre en avant les films que j’aime ! Et la bonne nouvelle pour Moustier, c’est que nous sommes repartis pour cinq éditions au moins !
En pratique : du 4 au 10 mars à la Salle de L’Amicale Solvay, Rue du Brûlé n°32, 5190 Jemeppe-sur-Sambre (à 5 minutes de la gare)
Prix par séance : 5€. Tel +32 (0) 479 64 70 87.
Site : www.cinemabelge.be
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