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Freddy Bozzo et le Japan Film Festival Brussels

Publié le 15/09/2021 par Josué Lejeune et Marceau Verhaeghe / Catégorie: Événement

Une affaire de bonnes volontés

Après avoir animé, pendant plus de 35 ans, l’incontournable Festival International du Film Fantastique (de science-fiction et de thriller) de Bruxelles (le BIFFF pour les intimes), Freddy Bozzo, raccrochait les gants en 2018. C’était une de ses figures emblématiques, appréciée de tous pour son impeccable professionnalisme, son abord d’une profonde gentillesse, et un enthousiasme qu’il sait communiquer comme personne. La relève étant assurée, il pouvait enfin goûter aux joies de la retraite, du moins le croyait-on. Mais, c’était mal connaître cette infatigable boule d’énergie. Aujourd’hui, il réapparaît aux commandes d’un nouveau festival, consacré au cinéma japonais. La première édition a lieu du 17 au 24 septembre à Bruxelles, à l’espace Lumen et à Tour et Taxis. Un festival tout en présentiel et cela à une période particulièrement difficile, marquée par le COVID et ses conséquences particulièrement rudes pour le monde de la culture. Pas de quoi miner l’enthousiasme de ce frénétique lanceur de projets et de la petite équipe de bénévoles qui l’entoure. Nous sommes donc allés à sa rencontre en cette occasion, en commençant par lui demander d’expliquer les raisons de son come-back.

Freddy Bozzo : Le BIFFF, c’est 35 ans de métier, c’est le parcours d’une vie, puis vient la retraite. Depuis, j’ai organisé des séances de cinéma en plein air, et des ciné-clubs à Schaerbeek et Saint-Josse, j’ai touché à de nombreux projets mais ce qui me plaît avant tout, c’est de lancer les choses, et en particulier les festivals. J’ai découvert le Japon il y a des années lors de mes voyages, j’y ai gardé des amis, et avec le BIFFF, nous étions en contact avec les milieux du cinéma japonais. Avec mon ami Francesco Serafini, qui connait encore mieux que moi le pays et qui se rend régulièrement là-bas, on s’est aperçu que la cinématographie japonaise n’était plus chez nous à la place qu’elle méritait et nous avons voulu la remettre à l’honneur, mais dans le contexte plus vaste de la culture nippone. Le cinéma japonais est un pan important du cinéma mondial. Il compte de grandes personnalités qui ont influencé des réalisateurs comme Spielberg, Lucas, Cameron, … Celles qu’on connait, qui appartiennent déjà à l’histoire du cinéma, comme Kurosawa, Mizogushi, Ozu…, mais aussi tant d’autres, moins connues du public, et bien sûr, des jeunes réalisateurs de talent qui ont beaucoup de choses à dire et qui font le cinéma japonais d’aujourd’hui. C’est tout cela qu’on veut montrer

 

Cinergie : Pour toi, organiser un tel festival, c’est un peu repartir d’une page blanche ?

F.B. : (Il rit) Cela me refait une jeunesse comme on dit. Je ne le vois pas comme un baroud d’honneur, mais plutôt le désir de remettre en lumière une culture et une cinématographie, à notre niveau bien sûr. C’est un petit festival mais avec une grande variété de films. Il faut dire qu’actuellement, le cinéma japonais n’est pas beaucoup montré. Je pense que le dernier film nippon que j’ai vu en salles, c’était le dernier Kore-eda, qui a obtenu la Palme d’or à Cannes en 2018. Quelques mangas aussi, qui sont sortis tant bien que mal, mais la culture japonaise est beaucoup plus riche que cela, et vous allez le voir.

 

C. : Quel public cherchez-vous à attirer dans vos salles ? Le grand public cinéphile ou celui déjà impliqué dans un ou l’autre aspect de la culture japonaise : arts martiaux, art de vive, cuisine, … ?

F.B. : On se veut tous publics. Ce qui nous motive, c’est de présenter dans toute sa diversité et de façon la plus large possible la cinématographie japonaise, puisqu’on a pas mal de retard à rattraper dans ce domaine. Pour un premier festival, notre objectif n’est pas d’être exhaustifs, c’est impossible en 20 films, mais plutôt de procurer du plaisir au public, de leur redonner l’envie et le goût de redécouvrir ce cinéma.

 

C. : Malgré l’abondance de films au Japon, ce ne doit pas être facile de faire venir en Europe des films qui ne sont pas destiné à y être exploités. D’autant qu’on est en pleine période COVID et qu’au Japon, la situation de ce point de vue est assez compliquée.

F.B. : On a prospecté à l’ancienne, dans les quelques rares festivals qui osent encore programmer aujourd’hui des films japonais récents et inédits, comme à Udine, ou encore à Francfort, deux festivals de cinéma asiatique qui présentent un panorama assez intéressant de la production japonaise. Puis, pour les programmateurs, Internet a beaucoup facilité la découverte des films via des liens sécurisés qui permettent de les visionner. Après, c’est une question de négociation parce qu’un film, on ne l’obtient pas en claquant des doigts, juste parce qu’il est intéressant. C’est un boulot que je connais bien puisque je l’ai fait pendant des années au BIFFF. Je dois dire que cet aspect s’est beaucoup compliqué ces derniers temps du fait de l’influence de plus en plus grandissante de la VOD (vidéo à la demande) qui complique la disponibilité des films, et bien sûr, l’arrêt complet pendant un an des projections fait qu’il faut vraiment relancer tout ce circuit de distribution. Mais cela repart. On sent l’envie du public, des organisateurs de partager à nouveau le cinéma, et pas seulement online, mais ensemble dans une salle. Une manière aussi de dire que la culture est là, qu’elle est essentielle et qu’elle est affaire de partage et de mise en commun.

 

C. : Si je n’avais qu’un mot pour qualifier votre programmation, je dirais diversité puisqu’à côté de grands films un peu mainstream, on retrouve des films de genre, des comédies parodiques et même des films à la limite de l’expérimental, comme le dernier Sabu.

F.B. : C’est une programmation très éclectique, en effet. On passe de la comédie au drame, on touche à l’histoire du Japon, aux films de genres, mais surtout, ce qu’on voulait, c’est passer à travers les clichés. Bien sûr, quand on parle de samouraïs, de Yakuzas, entre autres, on a tout de suite une idée de ce que cela va donner, mais on a vraiment essayé de choisir des films qui vont au-delà, et même à rebours des images toutes faites. Et on a essayé de varier nos choix. C’est un festival où on va rire, on va pleurer, on va s’amuser, et surtout on va partager des choses et cela, c’est le mot important maintenant que la vie culturelle redémarre un peu et que les gens retrouvent le sourire et le plaisir d’être ensemble et de passer un bon moment.

 

C. : Il est évidemment impossible de parler ici en détails de tous les films présentés.

F.B. : Mais toutes les informations ont disponibles sur le site Web du festival, www.jffb.org, où on retrouve une présentation de chacun des films programmés et où on peut également réserver sa place en ligne.

 

C. : Disons quand même qu’il y a deux parties dans cette programmation, une première à la salle Lumen, composée de films récents, et une seconde à Tour et Taxis, composée de films plus anciens, et aussi plus pointus.

F.B. : On a une vingtaine de films, dont une dizaine de productions très contemporaines, en avant-première à l’Espace Lumen, et une sélection plus cinéphile dans la magnifique petite salle de l’hôtel de la Poste à Tour et Taxis où on va montrer quelques perles rares et méconnues, pour la plupart inédites et sur lesquelles on veut attirer l’attention. Il s’agit de films produits il y a 20 ou 30 ans, parfois plus, où la partie de création artistique est importante et où des créateurs vont jusqu’au bout de leurs idées et ne craignent pas de secouer en utilisant tout ce que le cinéma peut leur offrir.

 

C. : Une belle programmation, mais pas d’invités cependant ?

F.B. : Malheureusement, nous n’aurons pas d’invités cette année, notamment en raison du COVID, et aussi pour raisons budgétaires. On le regrette mais finalement l’important, c’est ce que ceux que nous aurions invités ont produit et que nous verrons sur écran. En revanche, par la magie d’Internet, nous aurons quelques capsules en direct. Notamment une petite intervention de Takashi Koizumi, le réalisateur du film d’ouverture, une autre du réalisateur de Hokusai, Hajime Hashimoto, et aussi une de Yoshihiro Nishimura qui présentera son film Tokyo Dragon Chef, sur des chefs Yakuzas qui ouvrent des restaurants de ramen. Un film complètement marteau qui nous permet de finir en beauté en passant un super bon moment.

 

C. : Pas d’invités en direct mais des animations en plus des projections

F.B. : Pour moi, organiser un festival, surtout à thème comme celui-ci, c’est aussi inscrire les films qu’on propose dans la culture du thème abordé. Dans festival il y a le mot festif, ce qui veut dire qu’il est important de se retrouver en dehors du cadre strict du cinéma. Il y aura donc une après-midi de fête. Ce sera le dimanche 19 septembre, qui est aussi le dimanche sans voiture, et à cette occasion, on invite tout le monde à venir nous retrouver dans le magnifique espace intérieur tout récemment restauré de la gare maritime de Tour et Taxis où toute l’après-midi sera consacrée à la culture japonaise. Là, vont défiler des démonstrations de kendo, d’aïkido, des présentations et dédicaces de livres sur le Japon, des ateliers d’origami ou de furoshiki, qui consiste à emballer ses cadeaux dans du tissu en utilisant des techniques de nouages et de pliages typiquement japonaises, une cérémonie du thé où vous pourrez déguster du vrai thé japonais. Il y a aura aussi une démonstration des Taiko, ces fameux tambours japonais, et un groupe de musique qui proposera de nombreuses interventions à base d’instruments anciens, sans pour autant proposer une musique traditionnelle rébarbative mais quelque chose de très vivant et de très amusant. Et puis des stands, notamment de mangas. C’est une après-midi entièrement gratuite et axée sur la découverte. Il y aura aussi des expositions de photos au Lumen et à Tour et Taxis durant tout le festival, quelques animations avant et après les projections. Donc venez nous voir. Venez pour l’ambiance parce que, même si ce n’est pas le BIFFF, on s’efforcera de créer une ambiance aussi conviviale et sympathique que possible.

 

C. : Comment te sens-tu au moment d’ouvrir cette première édition ?

F. B. : Cela a été un gros boulot. Je ne veux pas rentrer dans des considérations financières mais on est un tout petit budget, en grande partie autofinancé grâce à du crowdfunding et donc, la mise en place c’est à tous niveaux une affaire de bonnes volontés. Cela s’est construit petit à petit, mais c’est une belle aventure humaine à travers l’amour de ce cinéma qui a quand même été le porte-drapeau de l’orient pendant de nombreuses années.

C’est une organisation de passionnés qui s’est montée avec beaucoup de courage et de motivation de la part des bénévoles, et donc on a besoin du soutien d‘un maximum de gens. On s’est efforcé de choisir des lieux atypiques mais reconnus pour leur convivialité. Venez les découvrir. À l’espace Lumen, nous disposons d’une belle grande salle art déco, où il y aura aussi la possibilité de boire un verre, de déguster des sushis. À Tour et Taxis, la salle de cinéma de l’hôtel de la poste est plus petite mais c’est un espace vraiment cosy et chaleureux. Notre motivation, c’est de vous faire partager notre passion et je pense qu’elle va se transmettre, à travers l’écran, à travers l’ambiance dans la salle et à travers tout ce que cette culture japonaise peut nous apporter de richesse. Merci aux quelques sponsors qui ont eu le courage de nous aider, mais c’est vraiment le public qui assurera le succès de cette initiative. On compte donc beaucoup sur vous pour remplir les salles. Venez nombreux.

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