Lors des premières occupations d'églises par des réfugiés clandestins, notre conscience a été interpellée. Les premières grèves de la faim entamées par eux nous ont même heurtés. Les délogements musclés des sanctuaires par les forces de l'ordre nous ont choqués. Le débat a fait rage dans la presse et l'opinion publique, tout comme les autorités ecclésiastiques, s'est sentie prise en otage par une question à laquelle elle ne se sentait pas directement concernée. De quel droit peut-on violer l'hospitalité des lieux de prières? Peut-on accepter le chantage des sans-papiers qui entament une grève de la faim pour obtenir leur droit de séjour, ou pire, la menace au suicide en grimpant sur une grue?
Hudûd de Féderico Ariu
Il y a une dizaine d'années, tous ces événements avaient bouleversés le débat politique des sociétés européennes calfeutrées dans l'espace Schengen. Actuellement il faut des films comme Welcome de Philippe Lioret pour relancer la discussion. Un récit mis en scène peut avoir un impact plus fort sur les esprits.
Hudûd, le court métrage de fiction, librement inspirés de faits réels, que Federico Ariu vient de terminer, est l'histoire de réfugiés iraniens, clandestins depuis des années à Bruxelles, en quête de régularisation de leur situation. Bien que l'Iran soit reconnu comme état bafouant les droits de l'homme et de ce fait les demandes d'asile politique de ses ressortissant recevables, des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants, qui arrivent à nos frontières et demandent la protection aux autorités de notre pays, voient leur dossier se perdre dans les tas de cas à classer. L'attente peut durer une dizaine d'années.
Dans ce film, en désespoir de cause, certains réfugiés, mais ceci n'est qu'une fiction, ont entamés une grève de la faim, occupant une église bruxelloise. Au moment du débarquement de la police pour les déloger, deux d'entre eux ont tenté de s'immoler, tandis qu'un de leur compagnon se cousait les lèvres. Mais précisons encore, qu'il s'agit-là d'une fiction... Le héros de ce film, Shayan, jeune iranien d'une vingtaine d'années ayant fuit la répression sévissant à l'égard des homosexuels (pendaison publique), harassé de toujours se cacher des autorités, a décidé de grimper au haut d'une grue de construction (mais, répétons-le, c'est une fiction).
Hudûd est le premier court métrage signé par ce jeune réalisateur autodidacte, qui, a force de persévérance et ténacité, a reçu l'aide de la Commission du film, ainsi que du VAF. Hudûd, qui signifie en perse, frontières, limites et par extension, dans le droit iranien, peine non modulable par le jugement humain contre des crimes considérés comme suprêmes (blasphèmes, non respect de la religion, homosexualité, etc.) commence son parcours festivalier, par une première étape outre-Atlantique. Il a été primé parmi les meilleurs courts métrages de contestation par le magazine du cinéma américain Moving Pictures Magazine. On souhaite à son réalisateur, Federico Ariu, un avenir plus ouvert que celui de son héros.