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In the Palace de Nelson Polfliet

Publié le 04/04/2019 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

La salsa du Démon

Le catholicisme est en crise. Les gens ne prient plus et le Diable (Tomas Pevenage) a pour mission de se débarrasser des apostats. Sillonnant les routes du pays flamand à bord de son camping-car, flanqué de deux démoniaques assistantes, il intercepte les prières des vieilles dames désespérées avec son équipement d’espionnage et les tue en musique pour les conduire gaiement vers leur destination finale tant attendue.

In the Palace de Nelson Polfliet

Elvira (Willeke Van Ammelrooy) est une danseuse burlesque de 75 ans, qui se languit de Jean, son mari décédé. La mort prématurée de ce dernier l’a empêché de fonder une famille. Comme Gloria Swanson dans Sunset Boulevard, elle vit dans une petite maison isolée qui ressemble à un musée commémorant sa propre vie d’artiste. Sa chambre, qu’elle ne quitte pratiquement plus, ressemble à un sanctuaire. Pensant toujours à son Jean, elle erre dans ses souvenirs de jeunesse et se revoit sur scène, applaudie par des spectateurs sous le charme. Pour ses derniers jours sur Terre, elle prie le Seigneur de lui accorder une ultime danse avec son mari. Mais c’est le Diable qui répond à son appel.

Le flamand Nelson Polfliet s’est fait connaître par une flopée de courts-métrages faisant la part belle au kitsch, au mauvais goût, à des chansons de variété dégueulasses et à une imagerie ouvertement gay (tendance La Cage aux Folles), le plus connu étant Stacey and the Alien (2016) qui avait remporté plusieurs prix dans divers festivals. Il nous propose cette fois une sorte de rêve éveillé, sans cesse tiraillé entre le grotesque et le glauque, noyé dans une musique de fanfare omniprésente. Comme ses précédents essais, In the Palace se déroule dans des maisonnettes de province poussiéreuses et sur des petites routes désertes de la campagne belge, endroits oubliés où il semble tout à fait possible de commettre un crime sans que personne ne s’en aperçoive.

Derrière l’outrance du jeu des acteurs et l’imagerie de night-club enfumé, In the Palace fait le portrait mélancolique de vieilles personnes et de leurs rêves non-réalisés. C’est aussi une réflexion sur la disparition des rêves une fois que l’âme du mourant s’est éteinte. Elvira a passé les 30 dernières années de sa vie à regarder en arrière. Tout ce qu'elle a construit et rassemblé au cours de ses 75 années d'existence - ses contacts humains, ses souvenirs, ses objets - perdent soudainement toute leur valeur à sa mort. Dès qu'Elvira sera partie, son palais s'effondrera comme une maison en pain d'épices sous une pluie battante. Parallèlement, le film évoque la disparition des cinémas et des théâtres de variétés flamands et bruxellois au cours des dernières décennies du siècle dernier. Un regard « à la flamande » sur la mort, à la fois poignant et drôle.

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