Le 17 mai 2018, Mawda voyait sa vie s'arrêter, abbatue dans une course poursuite. La victime ? Une jeune enfant d’à peine deux ans, embarquée avec ses parents et d’autres migrants dans un van direction l’Angleterre promise. Le tireur ? Un policier imprécis qui, d’un tir supposé touché un pneu, détruisit plusieurs vies, dont la sienne. C’est de ce terrible fait divers qui, à l'époque, avait ému la Belgique, que la réalisatrice Belgo-roumaine, Marta Bergman est partie dans son second long métrage de fiction (après Seule à mon mariage) : L’Enfant bélier.
L’Enfant Bélier de Marta Bergman

Image volontairement trébuchante, instable, hésitante. Devant la tension, le drame qui s’apprête à nous noyer, notre cœur se fait comme cette caméra à l’épaule, chevrotante. Issue du documentaire qu’elle a expérimenté à l’INSAS à Bruxelles, Marta Bergman était déjà très largement reconnue pour son travail autour des communautés roms (Clejani - Povesti, histoires, stories) ou sur les inégalités de genre (Un jour, mon prince viendra…) qui sont allés jusqu’à lui ouvrir les portes de prestigieux festivals comme ceux de Visions du Réel ou du Leipzig Film Festival. C’est de cette science du réel que la cinéaste habille son film. Le traitement se fait brut, réaliste, mais aussi profondément humain.
Porté par l’incroyable duo d’acteurs français Salim Kechiouche, Zbeida Belhajamor, le couple de migrants Sara et Adam se fait touchant, tendre et brillant : on ne voit qu’eux. Pourtant, gravitent autour d’eux en costumes de policiers, Lucie Debay, Michael Aboutebille, Yoann Zimmer… Dans ce film poignant, les visages connus du cinéma belge se font silhouettes secondaires. Bourreaux involontaires. Mais bourreaux quand même.
La musique, quasiment inexistante hormis quelques nappes atmosphériques, vient renforcer la brutalité du film, le déchirement que l’on ressent et l’empathie profonde que l’on développe pour ces exilés qui croyaient pourtant avoir déjà vécu le pire en quittant la dictature syrienne et ses exactions. L’Enfant bélier est une véritable leçon sur l’inhumanité dont est capable l’humain. De la banalité du mal dont font preuve les policiers comme les passeurs à la récupération politique des représentants élus, le monde sur lequel Marta Bergman lève le voile n’a rien de réjouissant : comment continuer alors ?









