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Les liens du sang d'Hakim Atoui

Publié le 26/11/2025 par David Hainaut / Catégorie: Critique

Maman, le robot et nous

Présenté au 25e Festival méditerranéen de Bruxelles (Cinemamed), Les Liens du sang poursuit une trajectoire enviable pour un court: du Brussels Short Film Festival jusqu'aux États-Unis, en passant par l'Europe et une présélection aux César. Cette coproduction franco-belge est portée par Myriem Akheddiou (On vous croit, Quiproquo) et Saadia Bentaïeb (Les Baronnes, autre titre du festival).

Les liens du sang d'Hakim Atoui

Le film s’ouvre sur un retour à la maison : une mère (Saadia Bentaïeb) reçoit ses enfants après un séjour à l’hôpital. Mais un nouvel habitant perturbe l’équilibre familial. Un robot d’assistance médicale veille désormais sur elle. Sa présence, son visage presque immobile et ses mouvements mécaniques intriguent autant qu’ils dérangent. Il est interprété par Adrien Dantou, un danseur contemporain dont la précision corporelle rend la machine étrangement proche de nous.

Dès qu’il intervient, la conversation se fissure. Forcément, le robot ne comprend ni les détours, ni les maladresses, ni certains gestes d’affection. Il applique une logique droite à des relations qui reposent sur la nuance. La mise en scène d’Hakim Atoui, un cinéaste formé à La Fémis, accompagne cette montée avec une retenue précise. John Pirard, figure belge du montage, connaît bien ce type de tension (on l’a vu sur Ennemi public ou Coyotes), et donne à l'ensemble un rythme qui fait grimper la pression.

Les comédien·nes donnent au film une belle intensité. Myriem Akheddiou, la Belge du trio, avance sans détour, avec une justesse immédiate. Djanis Bouzyani, vu notamment dans Tu mérites un amour d'Hafsia Herzi, apporte une énergie nerveuse crédible. Saadia Bentaïeb, au centre du drame, trouve une humanité bouleversante dans cette mère qui s’attache au robot. Parce qu'il ne la lasse pas et l'écoute, tout simplement.

Le film aborde une thématique très actuelle en questionnant la place laissée aux machines dans nos espaces intimes. Peut-on déléguer l’attention, l’écoute ou le soin ? Et que se passe-t-il lorsqu’une IA applique sa logique là où l’humain n’existe que dans la contradiction ?

Sa trajectoire festivalière en dit long: Grand Prix à Gérardmer, distinction au Champs-Élysées Film Festival, une présélection aux César 2025 dans la catégorie court-métrage, accueil chez nous au BSFF, puis circulation en Italie, en Suisse, au Royaume-Uni, en Estonie et jusqu’au Palm Springs International ShortFest. Peu de courts franchissent autant de frontières en une année. Et cette vitalité repose aussi sur une production solide. Le projet a pris forme côté français chez Yukunkun Productions et Avant la Nuit, avant d'être rejoint par Cookies Films pour la partie belge, le Tax Shelter, et l’appui du Centre du Cinéma de la FWB. Cette alliance franco-belge lui offre un socle solide et une belle visibilité des deux côtés de la frontière, la preuve.

Les Liens du sang est un film vif, inquiet et drôle par éclats, qui rappelle combien le court-métrage peut parfois aller aussi loin qu’un long.

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