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Jagdfieber, d'Alessandro Comodin

Publié le 07/07/2008 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Et si la Bardot nous confisque nos douilles…
Dur dur d’écrire et réaliser un documentaire « sérieux » sur le thème de la chasse tant le célèbre sketch des Inconnus intitulé « Les Chasseurs » aura marqué les esprits, représentant cette communauté controversée comme une joyeuse, mais pitoyable, bande de fêtards avinés, rigolards, incultes et cruels, plus habiles à manier leur litron de rouge que leur arme à feu. La France "d'en bas" dans toute sa "splendeur".
Loin de la vérité ? Difficile à dire tant un soupçon de critique sociale assez juste pointait derrière la caricature, comme toujours chez ces humoristes dont l'humour a parfaitement traversé les ans.
La chasse est un « sport » violent, barbare, brutal, inhumain. C’est un fait établi, et les nombreuses associations militant pour l’interdiction de la chasse pourraient sans aucun doute mener le débat au-delà de la caricature et des idées reçues. Car pour beaucoup d’hommes, la chasse reste encore aujourd’hui un noble sport, remontant aux époques ancestrales où nos aïeux chevelus et sans doute vêtus de peaux de bête (des peaux de chamois pour ceux qui restaient dans la grotte pour laver les vitres) parcouraient la forêt dans le seul but d'attrapper le rhinocéros laineux pour nourrir leurs familles.
Alessandro Comodin de l’INSAS, lui, a choisi de ne pas rouvrir le débat et après tout, pourquoi pas ? Il va juste, d’une manière efficace, nous décrire en long et en large la journée typique de ces hommes des bois. Et une constatation s’impose d’emblée : le premier abruti aviné venu ne peut faire un bon chasseur tant l’exercice demande une concentration extrême, des réflexes vifs, une bonne forme physique et surtout, une patience à toute épreuve.
Son film, d’une vingtaine de minutes, se déroule dans le Lot, et suit donc deux chasseurs, un vieux et un jeune lors d’une battue. Une chasse au sanglier diablement plus difficile que celles entreprises par le gros guerrier gaulois au pantalon à rayures d’une célèbre bande dessinée. Le point de vue du réalisateur est, et c'est assez rare dans les films de fin d'études de l'INSAS pour le souligner, simple, limpide et précis : suivre les chasseurs, caméra à l’épaule, en embuscade, en pleine course, bref dans l’exercice complet de leur passion et ce à l’aide de longs, très longs plans séquences diablement immersifs qui arrivent à créer une tension assez forte. En celà, Jagdfieber aurait tendance à rappeler les aventures de Philippe De Dieuleveut (disparu Dieu sait où) et ses Chasses au Trésor.
En effet, les cris des chiens au loin et le calme apparent des deux chasseurs pratiquement muets nous laissent à penser qu’un sanglier, ou, allez savoir, un mammouth ou la chanteuse Régine, pourrait surgir à n’importe quel moment dans le coin de l’écran. Le filmage est donc astucieux, cohérent et très à propos pour ce genre de reportage. Ne manque que la musique martiale d’Alan Silvestri et l’on se croirait par moments dans le Predator de McTiernan (toutes proportions gardées, hein...) On regrettera cependant au début du film d’affreux plans aériens shootés au caméscope par un malade de Parkinson… Mais outre ces plans introductifs dont on a mal à croire qu'ils aient survécu au montage, les plans séquences fascinent…
On constatera également que les chasseurs ont du, depuis quelques années, composer avec quelques sérieux bâtons jetés dans leurs roues : notamment l’obligation du port de casques et de brassards fluorescents qui rendent totalement obsolète toute notion de camouflage.
Les pauvres ? Bien fait pour ces salauds ? Comodin ne se prononce pas, et même si ses chasseurs ont de belles têtes de bouseux rudes et inquiétants rappelant Philippe Nahon et ses amis zoophiles dans Calvaire, on ne peut que tirer ce constat évident : la chasse, quoi que l’on en pense, c’est pas pour les fillettes...
Restez bien attentifs jusqu’à la fin du générique : une surprise de poids vous attend, tout comme elle attendait nos chasseurs…

Films de fin d’études (réalisation) INSAS 2008

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