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Kino Kabaret de Bruxelles

Publié le 01/10/2013 par / Catégorie: Dossier

Fais-le toi même

Printemps faste pour les cinéastes en herbe belges. Pas moins de trois Kino-Kabaret en un mois sur le territoire francophone ! L'occasion de revenir sur un mouvement alternatif qui réunit de plus en plus d'adeptes.

kino kabaret de BruxellesLe mouvement Kino fut fondé au Québec en 1999 par une bande de potes désirant réaliser un court métrage tous les mois avec un principe simple, résumé par une formule devenue slogan : « Faire bien avec rien, faire mieux avec peu, mais le faire maintenant !». Le Kabaret apparaît en 2001. Il consiste en sessions de 48 à 72 heures où les « kinoïtes » se rassemblent pour tourner, monter et projeter des films, qui peuvent ensuite être envoyés dans les festivals. Rapidement, ces événements annuels deviennent le phare d'un mouvement qui se répand. On dénombre une soixantaine de cellules sur tous les continents, un nombre qui devrait croître compte-tenu des possibilités offertes par Internet et le numérique.

Chaque session de Kabaret débute par une réunion de production. Les réalisateurs viennent présenter leur projet, et évoquent leurs besoins tant humains que matériels. Le matériel, justement, provient pour une part des kinoïtes eux-mêmes et d'autre part de prêts ou de locations par des partenaires. Les équipes se constituent ou se complètent… et c'est parti pour une ou deux journées de tournage. Celui-ci terminé, en route pour le « Kino-Lab », salle rassemblant les monteurs qui auront bien besoin de « Kino-Kafé » et de « Kino-bière » pour boucler leur tâche à temps... Chaque session se conclut par la projection de tous les courts métrages, suivie d'un verre où chacun, la banane aux lèvres, s'échange force anecdotes avant d'aller glaner quelques précieuses heures de sommeil pour la session suivante : rendez-vous demain 10h00...

Entièrement organisé par des bénévoles, les « Kinos » sont devenus un symbole d'indépendance et de débrouillardise, à l'opposé des obligations et délais imposés par les commissions et les producteurs. Les seules contraintes étant les thèmes éventuellement choisis, et la durée maximum autorisée. Amateurs plus ou moins éclairés, étudiants et professionnels se réunissent pour essayer, créer et s'amuser. La gêne temporelle oblige à des réaménagements de scénarios, requiert de l'ingéniosité pour triompher des problèmes matériels ou météorologiques. Impossible de tergiverser, il faut trancher et avancer. Il faut également réussir à collaborer durant un ou deux jours avec des personnes que l'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam, dont on ne connaît pas les compétences et avec qui l'on ne partage parfois aucune langue commune, juste de la bonne volonté. Et ça fonctionne. Très bien même, puisque rares sont ceux qui ne finissent pas un Kabaret avec un sourire presque aussi grand que leurs cernes.

Une fois le virus intégré, il est difficile de s'en débarrasser, comme Stéphane qui a pris une année sabbatique pour voler de Kino en Kino. Et il est loin d'être une exception. Outre son côté addictif, le mouvement Kino se caractérise par son ouverture à l'international. Les Kabarets sont en effet une excellente occasion de se confronter à l'autre et à l'ailleurs, de connaître des expériences inédites et de nombreux kinoïtes étrangers sont logés par les locaux. Si la majorité des participants printaniers étaient Belges ou Français, on a pu croiser des kinoïtes venus d'Allemagne, de Slovaquie, d'Italie, du Québec, de Chine ou d'Ukraine...

Mais revenons au plat pays, qui a accueilli trois Kabarets en l'espace d'un mois ; le KIF de Bruxelles (du 29 mars au 4 avril), le Kabaret International de Liège (du 8 au 14 avril) et le Kino Kabaret International de Bruxelles (du 24 avril au 4 Mai). Pourquoi deux Kabarets en si peu de temps dans la capitale ? Il ne s'agit pas (pour une fois) d'une querelle linguistique, mais d'une scission représentative des deux tendances traversant le mouvement Kino.

La première, encore largement majoritaire et prônée par le KIF, défend les principes fondateurs du mouvement : la gratuité (hors frais de bouche), la possibilité à chacun de participer et de réaliser ce que bon lui semble, et l'affirmation de l'amateurisme et de l'indépendance face à l'industrie.

Le Kino Kabaret International de Bruxelles, dans la lignée des pionniers de Montréal, représente la seconde tendance. Une vision « professionnalisante » considérant le Kino comme un tremplin où les réalisateurs sont présélectionnés. Ambiance.

kino kabaret de BruxellesCette année, le KIF s'est tenu dans la gigantesque Maison de la Création de Laeken. Il est organisé par Kino(b), la cellule historique bruxelloise. Dans le hall, à 11h00, la réunion de production bat son plein. Certains ont des scénarios aboutis, d'autres des embryons d'idées, voire pas d'idée du tout, on improvisera. Pas de thème cette année, sauf pour la dernière session où le film doit être muet. Des désirs de fictions majoritairement, mais on trouve aussi quelques documentaires et films d'animation. Un porno est proposé, mais les comédiens ne sont pas chauds, le projet capotera. Une fois la présentation achevée, les kinoïtes piaillent. Chacun souhaite se greffer à un projet, on cherche une actrice, un preneur de son, un monteur... On griffonne des numéros de téléphone, un café à la main, tandis que certains dégustent déjà une des vingtaines de bières trônant dans le frigo. Une fois l'équipe constituée, on se précipite vers les responsables du matériel afin d'en réserver selon les besoins du film. Et puis tout ce petit monde se disperse, le compteur tourne ! Le nombre conséquent de projets permet de se retrouver à plusieurs postes différents, selon les motivations et envie de chacun. Il n'est pas rare d'être tour à tour réalisateur, comédien, accessoiriste puis perchman. Tant qu'à ne pas dormir, autant enchaîner les expériences. Certains noms réapparaissent plus de dix fois au générique, pour une seule et même session !

À l'inverse, on ne participe qu'à un ou deux projets au Kino Kabaret International de Bruxelles. Coordonné par Géraldine Denis et accolé au Brussels Short Film Festival, il s'est déroulé sur quatre sessions de 72 heures sans thème imposé. Mais pour son dixième anniversaire, il proposait aux réalisateurs volontaires une série « huis clos », qui consistait à tourner un film dans des lieux préalablement repérés par les organisateurs et habituellement inaccessibles aux kinoïtes (un hôtel, la gare de Schaerbeek...). Il offre aussi, moyennant l'achat de pellicules, la possibilité de tourner en 16 mm !

Le KinoLab, situé rue Mercelis, est nettement plus exigu que la Maison de la Création. Mais peu de différences perceptibles cependant. Du matériel en veux-tu en voilà, des litres de café, des ordinateurs en surchauffe à toute heure et des participants exténués se calant une sieste dans le premier fauteuil venu. Les murs sont ornés du traditionnel trombinoscope de l'événement, avec compétences et coordonnées pour faciliter le recrutement, notamment en cas de coup de main de dernière minute. Contrairement au KIF, les réalisateurs sont préalablement sélectionnés et viennent souvent avec une partie de leur équipe, qui est complétée lors de la réunion de production.

Arrivent enfin les projections, ouvertes au public. Au KIF, chaque film est précédé d'une courte présentation de son auteur. Pas d'intervention des organisateurs, hormis pour donner des gages évidemment absurdes aux réalisateurs ayant pris trop de liberté avec les six minutes réglementaires. Deux écrans sont proposés, dans la salle mais aussi au bar, pour ceux souhaitant siroter une bibine en regardant les films. Le bar justement, se remplit conséquemment au fur et à mesure que la salle se vide. C'est que le nombre important de films donne une projection de quatre à cinq heures et ils sont peu nombreux à en voir l'intégralité...

Au Kino Kabaret de Bruxelles, les films sont projetés quatre par quatre avec, là-aussi, une présentation des réalisateurs. La séance est plus solennelle, avec la présence d'un maître de cérémonie et l'on sent que l'on est davantage dans un microcosme avec les nombreuses exclamations qui ponctuent la moindre apparition à l'écran de telle ou telle personne.

Ce côté pro' bien marqué en gêne certains qui reprochent à cette forme de ne plus être un Kino. D'autres, au contraire, ne participent qu'à celui-ci, préférant ce cadre plus traditionnel et mieux organisé. Mais l'on croise bon nombre de têtes à l'un ou l'autre Kabaret, appréciant justement ces différences et cette complémentarité. Un point de vue résumé par Adrien, qui participait à ses deux premiers Kino-Kabaret : « C'est vrai qu'au Kino Kabaret de Bruxelles c'est très bien préparé donc, il y a la fois un côté plus professionnel et moins spontané, mais on reste dans la même optique, on s'amuse. Le résultat est plus important ici alors que le KIF met en avant la démarche, les deux me bottent autant. »

Bref, ils sont nombreux à attendre l'année prochaine avec impatience, les autres étant en route pour Bratislava, Lyon ou le Lapland...


Prochain Kino : KinoDok dans le cadre du Festival Filmer à tout Prix

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