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L'Exposition ABC of porn Cinéma

Publié le 06/07/2021 par Sylvain Gressier / Catégorie: Événement

Ombre et Lumière

L’histoire commence en 2014, avec une tentative manquée de reprise de l’ancienne salle d’exploitation de cinéma pornographique l’ABC, par quelques membres du Nova. Dernier cinéma pour adulte alors en activité à Bruxelles et ultime bastion de l’empire de distribution créé par le businessman John Scott, le lieu cache en son sein un stock énorme de films, registres, affiches et autres matériaux promotionnels qui seront rachetés et sauvés de l’oubli par les aficionados de bobines. Une matière incroyable mais pas forcément évidente à mettre en valeur, la difficulté de susciter l’engouement lorsque l’on parle d’archive étant ici accentuée par la pruderie qu’entraîne généralement la question pornographique.

 

La découverte de ces archives n'en attise pas moins l’intérêt et plusieurs travaux y seront consacrés. En parallèle du long travail de recherches et de tri qui s’engage pour les nouveaux propriétaires de ces quelque trois mille bobines, est rédigé un livre, signé par Jimmy Pantera, et sorti en 2020, qui retrace l’aventure du Cinéma ABC. Notons notamment une série d’articles de Chloé Andries parus dans Médor et accessible en ligne, qui s’intéressent spécifiquement au personnage de John Scott.

L’exposition elle, après diverses tentatives infructueuses trouve finalement sa place au MIMA, grâce notamment à l’intermédiaire du collectif Gogolplex.

On y dévoile une sélection de documents d’exploitation datant de 1972 à 1990. Des films et affiches que l’on pouvait voir encore jusqu’en 2013 dans leur environnement d’origine, l’ABC recyclant ses films d’années en années, changeant simplement le titre de temps à autre. Vous apprendrez donc que votre ami cinéphile qui se targue d’avoir vu en une seule semaine L’amour recto-verso, Chattes en feu, Sweet Orgies, Sexy Weekend, Catins à roulettes, Gourmandes minettes, J’ai envie et Baby Love, n’a en réalité vu qu’un seul et même film.

 

 

Passant le rideau qui sépare le cœur de l’exposition ABC of porn Cinéma du reste du musée à l’instar du rideau de vidéothèque qui séparait Coppola de Coppula, l’on trouve beaucoup de gommettes fluos collées sur l’ensemble des représentations d’orifice exposées là. Pas mal de texte également, contextualisant la chose et rappelant de la plus crue des manières que le cinéma est une industrie bien avant d’être un art.

Loin de romantiser son matériel, l’exposition aspire à situer ces documents dans une histoire. Une approche factuelle, qui s’autorise néanmoins une virée dans le sensationnel avec l’installation de Gogolplex, dont il serait dommage de dévoiler ici la teneur.

Programmé simultanément à l’exposition Drama, The art of Laurent Durieux (dont l’entretien est visible ici https://www.cinergie.be/actualites/rencontre-avec-laurent-durieux ), comme mis en regard de celle-ci, dans un jeu d’ombre et de lumière, The ABC of porn cinéma, pose question par son existence même. L’exercice est singulier en cela qu’il extirpe une pratique de son environnement cloîtré pour l’exposer au plus grand nombre, dans un lieu de culture autorisée qu'est l’espace muséal. Nul besoin dès lors de se positionner éthiquement sur les pratiques mises en lumière, les questions se posent d’elles-mêmes et offrent un champ de réflexion foisonnant. Tant sur l’exploitation pornographique elle-même que sur l’existence des salles de cinéma dans leur ensemble, qui traversent aujourd’hui la période la plus périlleuse de leur histoire.