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La Nuit se traîne, de Michiel Blanchart – 2024

Publié le 26/08/2024 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Série noire pour une nuit blanche

Cette nuit-là, à Bruxelles, Mady (Jonathan Feltre), étudiant le jour et serrurier la nuit, voit sa vie basculer, accidentellement mêlé à une affaire de grand banditisme. Piégé par Claire (Natacha Krief), qui l’engage pour la dépanner en ouvrant la porte d’un appartement qui n’est pas le sien, avant de disparaître avec un sac rempli d’argent volé, il est attaqué par le vrai propriétaire des lieux, un néo-nazi qu’il tue en légitime défense au terme d’une baston à mains nues de longue haleine. Capturé par les complices du défunt (Jonas Bloquet et Thomas Mustin), Mady se retrouve face à leur commanditaire (Romain Duris, suave et menaçant à souhait), un boss mafieux qui lui lance un ultimatum : Mady a une nuit pour retrouver son argent. Au cœur d’une ville en pleine ébullition – suite à la mort d’un jeune homme noir, une manifestation « Black Lives Matter » contre les brutalités policières paralyse le centre-ville -, le compte à rebours est lancé.

La Nuit se traîne, de Michiel Blanchart – 2024

Pour son premier long métrage, Michiel Blanchart (dont le court T’es morte, Hélène avait été présélectionné pour les Oscars de 2022) signe un film d’action nocturne d’une efficacité remarquable, maîtrisant admirablement l’art du suspense (Mady, en fuite, échappe toujours de peu à ses poursuivants) dans un exercice hitchcockien de course contre la montre au sens du rythme époustouflant. Soignant son découpage (l’action est d’une fluidité rare et les coups font mal !), le cinéaste prend pour inspirations des mésaventures se déroulant sur un laps de temps très court - After Hours, de Martin Scorsese, Une Journée en enfer, de John McTiernan, Meurtre en suspens, de John Badham, Cours Lola, cours, de Tom Tykwer, Collateral, de Michael Mann - et nous plonge dans les recoins les plus glauques du ‘Brussels-by-Night’. D’une maison de passe sordide (lieu d’une impressionnante échauffourée) en passant par des rues bondées et une boîte de nuit crasseuse, Mady court dans tous les coins de la capitale pour retrouver Claire, le mystérieux complice de cette dernière et l’argent dérobé. 

Ponctué par la chanson La Nuit n’en finit plus interprétée par Petula Clark (le titre s’inspire de ses paroles), ce premier film, intégralement tourné à Bruxelles, surprend par sa maîtrise technique, le dynamisme de sa mise en scène et des personnages plus fouillés qu’à l’accoutumée, loin des archétypes inhérents au genre. Le film doit beaucoup à l’interprétation intense du jeune Jonathan Feltre. Jeune homme honnête et sans histoires, qui marche dans les clous et « fait toujours ce qu’on lui dit de faire », Mady a simplement eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Il doit prendre au cours de la nuit plusieurs décisions qui mettent sa vie en danger, ébranlent certaines de ses convictions morales et le confrontent à ses petites lâchetés. Un personnage ordinaire, mais attachant et malin, dont l’humanité contraste avec le cynisme de ses poursuivants, des gangsters aigris et misérables. 

Si le métrage souffre de quelques invraisemblances narratives (notre héros s’attache un peu trop rapidement à la jeune femme qui l’a mis dans ce pétrin d’anthologie) et si les bruxellois ne manqueront pas de pointer du doigt les impossibles détours géographiques que prend Mady dans sa fuite (du centre-ville au Palais de Justice en quelques secondes, roulant dans le mauvais sens pour se rendre à la Gare du Nord…), ces libertés artistiques ne gâchent en rien le plaisir de découvrir cette réussite inattendue d’un cinéma de genre bien de chez nous qui peut se targuer, une fois n’est pas coutume, de n’avoir absolument rien à envier à ses confrères anglo-saxons.  

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