Pour l’édition 2018, le Mois du Doc est parrainé par les cinéastes Jean Libon et Yves Hinant, réalisateurs du documentaire Ni juge, ni soumise.
Rencontre des parrains à propos de leur conception du documentaire.
Le Mois du doc - les mots des parrains
Petite histoire de mauvaise foi à propos du documentaire
Dès les premières images réalisées par les frères Lumière grâce au cinématographe de leur invention, l'idée du documentaire était déjà présente avec "La sortie de l’usine Lumière à Lyon", "L'entrée en gare de La Ciotat"... Tout de suite est arrivée l'idée de reproduire, de décrire la vie, la société dans laquelle l'homme vivait: une représentation de lui-même. Les frangins, forts de cette idée, envoyèrent partout dans le monde des types avec une caméra pour montrer cette réalité, regarder ce qui se passe, observer comment nous nous comportons.
La guerre 14-18 arrive et les pouvoirs en place ont besoin de créer des motivations pour que l'on se casse la gueule les uns les autres. Le documentaire se développe; en fait du faux documentaire. On remet en scène les images de bataille. Premières escroqueries et premier dévoiement d'une démarche soi-disant documentariste.
La révolution bolchevique aidant, l'histoire du cinéma retient souvent Dziga Vertov "L'homme à la caméra" comme le premier documentariste reconnu. En fait il est le premier documentariste militant et donc le premier assassin du documentaire. Il raconte une histoire pour défendre une cause qui lui tient à cœur. Il est malheureusement le pionnier d'une tendance qui au cours du siècle a façonné, a créé une forme de documentaire (de cinéma) militant dans lequel la bienséance, la bien pensance, le conformisme ambiant et la morale dominante ont souvent pris le pouvoir.
Au nom de son bon cœur, de ses bonnes intentions et de son humanité, le documentariste s'est enfermé dans un cinéma cul de sac où toutes les causes sont bonnes à prendre sans toujours beaucoup de discernement: l'élevage de la coquille de l'escargot en Basse-Saxe, la culture du pavot en Mer du nord.
Si le documentaire a mauvaise presse devant nombre de gens qui pourraient être intéressés, il ne faut pas allez chercher très loin la raison: le militantisme n'a jamais convaincu que les militants.
Nous croyons par contre que le documentaire doit se libérer de cette voie et doit rapporter la vie au plus près et mettre à la poubelle tous les trucs de l'écriture cinématographique au profit d'une image brute: pas de commentaire, pas d'interview, pas de musique (presque toujours redondante).
Il existait il y a quelques années une émission sur Arte qui s'appelait "Brut" et dont tous les documentaristes devraient s'inspirer en mettant leur bon cœur au frigo.
Pour parodier Jean Yanne "Quand j'entends le mot documentaire je ferme mes yeux et mes oreilles".
S'il fallait résumer en une phrase: "On ne fait pas de bons films (ou de bons bouquins) avec de bons sentiments".
Nous caricaturons naturellement mais nous assumons, c'est pire !
Yves Hinant et Jean Libon