Auteur, metteur en scène, producteur et réalisateur de courts et de longs métrages, Lofti Achour (Demain dès l’aube) est un artiste complet et l’une des voix plus influentes du cinéma tunisien contemporain. Avec Les Enfants rouges, son second long-métrage, écrit avec Doria Achour, Sylvain Cattenoy et Natacha de Pontchara, il porte à l’écran la résilience de l’enfance face à l’inhumanité du monde et la violence abjecte et impitoyable. Une œuvre bouleversante inspirée de faits réels, récompensée par le Bayard d’Or du meilleur film ainsi que par celui de la meilleure photographie au Festival du Film francophone de Namur cette année.
Les Enfants rouges – Lofti Achour – 2024
Dans Les Enfants rouges, l’idylle bucolique de Nizar, 16 ans, et Achraf, 14 ans, est de courte durée. Alors qu’ils s’aventurent dans la montagne – interdite – avec leurs chèvres, Nizar est violemment assassiné par des hommes armés dont on ignore les motivations. Achraf, détruit, doit rapporter le message macabre à la famille de Nizar et à la sienne. Et en chemin, c’est le fantôme du défunt qui l’accompagne, apparition qui accompagnera Achraf dans son deuil jusqu’au dernier au revoir.
Comment survivre à une telle violence ? Comment ce traumatisme peut-il être à la fois dépassé et jamais oublié par cet adolescent et ses proches, tant adultes qu’enfants eux-mêmes ? C’est à ces questions que le cinéaste et son équipe tentent de répondre dans ce film fait de soubresauts de terreur et de tristesse, auxquels succèdent tant le terrible silence du deuil que les hurlements du désespoir.
Des changements d’état qui se traduisent par une caméra tantôt calme et apaisée, tantôt chancelante et en pleine détresse, à l’image de son protagoniste qui oscille entre le refus de la réalité et l’acceptation de celle-ci. Et ce, alors que les causes de la mort de Nizar se dévoilent peu à peu, mettant toute la noirceur de l’humanité et l’absurdité de cette exécution en avant. Achour, en alternant les plans-tableaux avec les séquences vibrantes prises du point de vue de son personnage, parvient brillamment à nous transmettre les états d’âme multiples de cet enfant écrasé par la brutalité du monde, qui semble avoir perdu la plus grande partie de lui-même.
Porté par la performance de ses jeunes comédiens et par une écriture subtile aux dialogues qui transpercent le cœur et l’esprit, Les Enfants rouges dresse un portrait sans complaisance d’un monde où la violence dicte ses lois, tant dans le chef des assassins que dans celui de ceux qui consolent par leur paroles sans protéger par leurs actes. Une œuvre tantôt teintée d’une atmosphère rappelant les westerns crépusculaires, tantôt teintée d’instants de résilience malgré tout, comme s’il n’y avait rien d’autre pour ceux qui n’ont plus rien que l’espoir d’un jour meilleur.
Un film à la mémoire de ceux qui l’ont inspiré, et pour témoigner de cette violence dissimulée au cœur des montagnes qui transforme ces familles en prisonnières du désert, où la réalité dépasse bien encore la fiction.
Distribué par O’Brother et co-produit par Versus Productions, Les Enfants rouges sortira dans les salles belges en 2025, après être présenté au Cinemamed en cette fin d’année.