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Les Secrets de mon père de Véra Belmont

Publié le 27/09/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Le poids de l'Histoire sur les épaules d'un enfant

Dans les Secrets de mon père, adaptation de la bande dessinée de Michel Kichka, la réalisatrice Véra Belmont met en scène les cases et retrace l'après des camps, les ricochets de l'horreur mais aussi l'envie d'aller de l'avant. L'impossibilité de dire, puis le flot intarissable, qui tranche avec le silence de l'intime. Mutisme paradoxal d'un homme en quête de sens, et traumatisme d'un fils en quête perpétuelle de son père.

Les Secrets de mon père de Véra Belmont

Par l'animation signée Adrien Gromelle, les cauchemars reprennent vie. Mais dans la vie de Michel et Charly, au cœur de la Belgique de la fin des années 50, c'est d'abord l'insouciance de la jeunesse qui prime. Jusqu'à ce que l'absence de mots, les peurs et les fantasmes qui en découlent minent leur enfance, sans que leur père ne puisse - ou ne veuille - s'en rendre compte. Perdu dans ses propres souvenirs, enfermé dans son passé d'horreur, celui-ci se nourrit des pleurs et partage son expérience de survivant avec le monde, oubliant de la raconter à ceux qui comptent le plus, et qui en ont le plus besoin.

Malgré ce sujet difficile, le scénario de Véra Belmont et Valérie Zenatti aidé par la musique originale d'Elliott Covrigaru permettent à l'œuvre de rester lumineuse le plus souvent, centrée sur l'enfance de son protagoniste, en la personne de Michel. Espiègle et roublard, il navigue à travers les horreurs de son passé familial avec le sourire, opposant sa bonne humeur et son sourire au racisme de certains, à la méchanceté d'autres. Et dans un monde où certains pensent qu'il est plus facile d'haïr que d'aimer - une affirmation toujours valable aujourd'hui -, cette bonhomie de Michel donne au film une grande force, une légèreté nécessaire pour rendre ce récit accessible. Alors que les deux personnages s'éloignent de plus en plus, le dessin reste le seul lien qui permet encore à Michel de communiquer avec son père, inaccessible par ailleurs. Comme pour faire écho à cet état de fait, c'est aujourd'hui par l'animation que son récit continue à vivre, tout en perpétuant la mémoire de ces événements qui ne doivent pas être oubliés.

Et par des images évocatrices et des plans qui se passent de mots, l'on découvre ce que le père de Michel refuse de confier à ses fils. Les traumatismes, les blessures qui ne guériront jamais, et qui en créent d'autres, plus béantes encore. Avec, en dénouement, une réconciliation salvatrice, un pardon peut-être, s'il est possible malgré tout. Une vie brisée, dommage collatéral d'une autre ruinée par l'horreur, mais qui tente malgré tout d'aller de l'avant.

En ce sens, le film est un plaidoyer pour la tolérance et l'amour, autant qu'une fable mémorielle. Un morceau d'histoire animée entre Belgique et Israël, entre passé et présent, pour remettre des images sur l'une des facettes de la grande Histoire. Un cri du cœur, mais peut-être aussi une thérapie familiale, une lettre d'amour afin d'empêcher à tout prix la disparition de ces récits, de ces témoignages, tout en restant une histoire à taille humaine, à hauteur d'enfant.

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