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Marchands de miracle de Gilles Remiche

Publié le 06/10/2006 / Catégorie: Critique

Gilles Remiche réalise son premier documentaire. Un film produit par Les Films de la Passerelle (Le Cas Pinochet, Carnet de tournage…), sélectionné au Festival du film francophone de Namur, et qui fera sans aucun doute grand bruit. Une plongée avec des mégalomanes au pays de toutes les misères.

Gilles Remiche vient poser sa caméra à Kinshasa auprès des marchands de miracles, les prédicateurs religieux qui promettent la richesse et la guérison par la prière. D’emblée, le réalisateur nous averti en nous rappelant qu’à Kinshasa, l’espérance de vie est de 42 ans, qu’une majeure partie de la population est illettrée et que la famine et la maladie menacent chaque individu. Voilà le lit creusé. Les prédicateurs évangélistes sont un symptôme, un drame économique et social conjugué avec la nature la plus universelle qui soit : c’est toujours l’espoir qui part le dernier. Dès lors, Marchands de miracles est un constat, un constat brutal. Une brutalité qui réside dans une représentation inhabituelle de l’Afrique.
Si le film semble s’adresser d’abord au spectateur occidental, c’est sans volonté de convaincre ni d’inciter à la charité. Le film est centré sur l’humain. Pas de prouesse esthétique, mais un langage du cinéma-vérité sans compromission.

cover du film Marchands de MiraclesLa mesure du malheur détermine la force de l’espoir, nécessaire à chacun, et ce, jusqu’à la déraison. L’espoir du mourant est universel, sa seule infortune est la réalité. Comment réagir face à une séropositive qui refuse de croire qu’elle est toujours malade après avoir été touchée par le grand prophète ? L’image est odieuse parce que la crédulité s’éteint avec violence et que le désespoir apparaît, emmenant avec lui le constat de sa misère, du caractère répugnant de sa situation. Bien entendu, le prophète riche, qui dépassera Mathusalem en longévité et se dit capable de ressusciter les morts (textuellement dans le film) renvoie l’image déplorable du charlatan sans scrupule. Filmé à la strip-tease, l’escroc se découvre avec une suffisance pornographique, déblatère une série d’inepties qui met en transe les foules et vident leurs poches.
Dans le contexte ainsi montré, on en vient pourtant à se poser une série de questions :Est-ce que ces gens croient vraiment ce qu’ils racontent ? Est-ce que vendre de l’espoir n’est pas, au fond, un phénomène nécessaire dans une société violente et moribonde ? Des questions immorales, certes, on ne peut légitimer l’infantilisation d’une population. Chacun sa carotte au bout du bâton. Celle du tiers-monde serait juste très très grosse. Il y a, en tout cas ici, une complaisance à la montrer. C’est parfois risible, souvent tragique, mais toujours percutant. Les petites maladresses de formes sont écrasées par la force des images. L’énormité des situations brusquera, sans aucun doute, le plus insensible des spectateurs. La fin du film qui dévoile sans ambiguïté la tragédie du sida, de la maladie, de la misère dans ce qu’elle a de plus épouvantable nous interdit toute condescendance vis-à-vis de ces gens à qui on vendrait la lune. C’est là toute la force du film. Les bons films sont ceux qui ne laissent pas indemne.       

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