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Mexico 86 de César Diaz

Publié le 16/04/2025 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Choisir de ne pas choisir

Film d’ouverture de la troisième édition du festival Kinolatino, Mexico 86 du réalisateur belgo-guatémaltèque César Diaz se dévoile comme un film tendu, oscillant entre touchants moments familiaux et oppression constante d’un régime ennemi face auquel les protagonistes ne peuvent que fuir en avant, encore et toujours. Mais loin d’être défaitiste, le film rayonne d’une énergie de lutte et de survie, dans laquelle Bérénice Béjo navigue avec finesse.

Mexico 86 de César Diaz

Mexico 86 commence en réalité dix ans plus tôt, au Guatemala. Maria, militante révolutionnaire guatémaltèque, est témoin de l’assassinat de son compagnon par la police d’État. Avec son fils nouveau-né, elle parvient à fuir au Mexique malgré les dangers, avec l’aide de sa mère.

Dix ans plus tard, elle poursuit son action révolutionnaire infiltrée dans la rédaction d’un magazine mexicain. Et lorsqu’on lui demande de choisir entre la garde de son fils, et la poursuite de son combat, Maria refuse. Elle prendra les précautions nécessaires, mais son fils restera auprès d’elle.

Car l’une des forces de Mexico 86 se trouve dans l’écriture du personnage de Bérénice Béjo, que celle-ci interprète tantôt avec force, tantôt avec douceur. Une résistante, une combattante qui refuse d’oublier, mais qui refuse aussi de le laisser avaler toute entière par la lutte, sacrifiant ainsi sa relation avec son fils. Et le film de réussir habilement à nous faire rentrer dans la psychologie de ce personnage finement écrit, dont les hésitations sont profondément humaines. Et ce, alors que s’entrechoquent autour d’elle petite et grande Histoire d’un vingtième siècle de troubles, de violence inhumaine et de répression brutale et sournoise.

Cette menace silencieuse et pourtant bien présente, Diaz la met en scène en dehors du cadre, ne la laissant transpirer que dans quelques instants brefs, mais d’une violence extrême. Un parti pris qui résonne aussi dans un travail minutieux du son, entre silences tendus, bruits fugaces, mais loin d’être anodins et conversations monocordes lourdes de sens. De sorte que la tension est présente dans chaque arrière-plan, dans chaque hors-champ, et qu’à l’instar de la protagoniste, nous en venons à questionner chaque visage, à interroger chaque angle mort. Une violence qui induit une peur latente, présente dans les mots, présente dans les gestes, mais aussi dans les silences, qui habite chaque fait et geste de Maria et modèle son comportement, créant un personnage complexe servi par l’interprétation plurielle de Béjo.

Au sempiternel choix cornélien entre la famille et le devoir, Mexico 86 répond par un récit touchant et beau mettant en scène une protagoniste puissante. Il n’est que peu question de larmes dans ce conte de résistance où la rigueur et la force sont gage de survie. Mais dans les rares moments où Maria, son compagnon ou sa mère s’y abandonnent, c’est pour dévoiler leur humanité face à un monde qui les écrase, et contre lequel ces combattant·es luttent malgré tout. Un puissant message de soutien et de bienveillance vis-à-vis tant de son public que de ses personnages.

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