Nous tous de Pierre Pirard

D'enseignant, Pierre Pirard devient ménestrel des temps modernes, son sac à dos sur l'épaule, avec une idée en tête. Partir à la rencontre de celles et ceux qui œuvrent, aux quatre coins du monde, pour cultiver cette tolérance et cet art du vivre ensemble.

Au-delà d'être bien évidemment un film construit pour faire jaillir le débat et déclencher des réflexions ainsi que des questionnements, Nous tous est un documentaire porté par la qualité de sa structure. Introduit par une puissante séquence animée détaillant la genèse du projet et les prémices de la réflexion de son auteur, le film se poursuit par un enchaînement de témoignages poignants de nombreux personnages déjà ambassadeurs et représentants du vivre ensemble. Sans altérer de manière trop agressive ou intrusive les propos récoltés auprès de ces différents témoins, le réalisateur parvient à construire un récit et une méthodologie de l'acceptation de l'autre en quatre axes. Plus encore, il nous démontre par l'exemple cette ténacité et cette capacité à accomplir un vrai changement de la part de ces ambassadeurs dont il capte les faits et les actions. On peut d'ailleurs souligner cette humilité du preneur d'images, être humain parmi d'autres, se mettant en scène quasi systématiquement de dos, marchant vers son prochain témoignage, à nouveau à la manière d'un conteur, d'un colporteur d'histoires plutôt que d'un messie. La solution - Pierre Pirard l'exprime clairement à travers son récit-, viendra des gens et de leur capacité à écouter, à pardonner, à accepter et à enseigner l'autre. Quatre grands pans de la création d'un "faire ensemble", qui commence nécessairement par les initiatives citoyennes, devenant elles-mêmes porteuses de changement à plus grande échelle. Des citoyens que le cinéaste filme avec simplicité et maîtrise technique, mais aussi avec beaucoup de respect, à l'image de ce survivant des camps de concentration serbes où seul le silence accompagne son témoignage aussi rude qu'émouvant.

De mise en scène, le réalisateur ne semble pas trop s'embarrasser. Les propos et les récits de chacun sont assez forts pour vivre eux-mêmes devant la caméra. On ressent bien sûr le côté résolument positif de la démarche. Cet optimisme renforcé de temps à autre par une piste musicale parfois très (trop?) emphatique et des intertitres à la typographie enfantine peuvent faire sourire, mais n'est-ce pas nécessaire lorsqu'on traite un tel sujet ? Pour Pierre Pirard comme pour les protagonistes qu'il a pu rencontrer, c'est une évidence, il n'y a pas d'autre alternative à la survie de notre espèce.

Une réalité de terrain et un constat social que l'auteur appuie et souligne par l'avis de spécialistes de taille. Amin Maalouf, théoricien de la tolérance et du vivre ensemble, occupe avec sa pensée une grande part du récit, dont on sent qu'il est l'un des inspirateurs principaux. Benoît Scheuer, sociologue belge, inspire également dès les débuts du film le spectateur, comme il a sans doute inspiré le réalisateur par ses pistes et par ses premières esquisses de réponse.

Ensemble, tous ces protagonistes proposent un modèle de solution. Perfectible tout comme ce film honnête manquant parfois de nuances mais résolument positif, ouvert, et tourné vers un avenir qui semble évident. Nous devons réussir à briser ces barrières, à dépasser nos différences, et à aller au devant de l'autre. Car comme en témoignent les plans aériens superbes de simplicité qui parsèment le film, vus d'en haut, on est égaux après tout, nous tous.