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Plaqué Or de Chloé Léonil

Publié le 19/08/2020 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Le film de Chloé Léonil est magistral. Non pas pour ce qu’il semble montrer, épousant une esthétique franche et directe à la Andrea Arnold, mais précisément pour sa concentration parfaite dans les détails. Dans ce court-métrage, la réalisatrice nous fait vivre le parcours houleux d'Inès qui prend conscience, entre honte et fascination, des injustices sociales.

Le film démarre sur un entretien d’embauche pour travailler pour une société de livraison de plats à domicile. Mais Inès n’a pas de vélo et est rapidement invitée à quitter les lieux. Subtilement, la réalisatrice dresse l’arène et caractérise sa protagoniste où tout l’enjeu passe par le visage et le corps de l’actrice plutôt que par les dialogues.

Elle n’a pas de vélo, mais en a besoin pour effectuer son travail, elle n’a pas d’argent mais en a besoin pour se payer le vélo. Chaque choix, bien que parfois immoral, renvoie à une nécessité plus morale, celle de résister et de vivre décemment, d’espérer toucher une autre classe du bout des doigts. Proche d’elle, enfermée dans le cadre comme dans les préjugées et son statut social, la caméra traverse un Bruxelles à deux visages, où la jeunesse dorée et la jeunesse populaire se croisent sans se confondre. Le film s’articule autour du « choc » de la rencontre entre Inès et une frange d’une autre jeunesse beaucoup plus aisée, avec qui elle ne maîtrise pas les codes, les jeux, les mots. Une rencontre frustrante et honteuse la renvoyant à sa propre situation, sa propre image car même avec le vélo, on lui refuse le job. La réalisatrice semble inscrire une lutte beaucoup plus profonde dans son personnage dans un monde qui ne veut pas de lui, un monde pour qui Inès est illégitime mais qui ne cesse de s’y confronter. 

Le cadre de plus en plus serré, ce point de vue d’Inès est celui d’une femme qui lutte, elle est une Rosetta du 21e siècle, motrice de sa propre existence avec les heurts qui la composent. Finalement, la réalisatrice fait un travail de micro histoire, en s’attachant à un détail de la vie d’une jeune adolescente mais qui englobe un problème inhérent aux grandes villes, celui de l’argent. Mais Chloé Léonil investit le champ d’une note positive dans lequel Inès en ressort gagnante. Un film intime qui traite de problématiques sociales avec une grande finesse.

 

En compétition au BSFF :https://bsff.be/programme/edition-2020/competition-nationale/

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