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Rencontre avec Valérie Vanden Hove, coordinatrice de la Quadrature du Cercle

Publié le 09/12/2022 par David Hainaut et Harald Duplouis / Catégorie: Entrevue

"C'est aussi dans les centres culturels que le cinéma prend sa place."

En juin, lors d'une table-ronde organisée par le cinéma Kinograph sur l'avenir des salles belges - jugées trop peu nombreuses par beaucoup -, plusieurs intervenants ont évoqué le rôle non-négligeable que pouvaient jouer les Centres Culturels de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en diffusant des films récents, belges notamment. 

Suite à ce questionnement, nous avons rendu visite à Valérie Vanden Hove, qui coordonne l'association regroupant ces centres culturels, répondant au nom de La Quadrature du Cercle. Un organe né il y a dix ans et de plus en plus incontournable, qui chapeaute plusieurs événements, dont le Festival Ciné Mômes, qui se tient du 1er décembre au 7 janvier. 

Cinergie : Selon vous, face à ces salles de cinéma que certain(e)s disent manquantes en Belgique francophone, les centres culturels peuvent-ils être là pour leur donner un "coup de main", en diffusant plus de films ?

Valérie Vanden Hove : D'après moi, tout à fait. Producteurs, réalisateurs et distributeurs constatent que les centres culturels offrent de belles opportunités de programmation, même s'il s'agit parfois de projections plus épisodiques. Les chiffres sont d'ailleurs en augmentation constante, en marge d'initiatives que le public commence à connaître, comme le Mois du Doc, la Tournée des Magritte ou les fêtes du Court-Métrage et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette dernière a reçu près de cinq mille personnes en septembre, via une soixante de séances organisées avec une cinquantaine de partenaires.

 

C. : L'exemple, parmi d'autres, du dernier film de Bouli Lanners (L'Ombre d'un mensonge), qui a fait « centre culturel comble » deux mois après sa sortie dans des endroits bruxellois comme le Jacques Franck ou la Vénerie, il vous parle ?

V.V.H. : Oui, ça fait partie de l'idée que les centres culturels sont des lieux privilégiés pour donner aussi un accès au cinéma belge. Mais j'ai d'autres exemples. Fin septembre par exemple, le CC de Welkenraedt a organisé une projection de ce même film et la séance était complète, soit plus de trois cent personnes ! En fait, on a de plus en plus de demandes allant dans ce sens, vu l'embouteillage dans les salles classiques. N'oublions pas que pas mal de centres culturels abritaient autrefois des salles de cinéma, il y a donc une logique de continuité. Puis, dans le décret des centres culturels, il existe depuis 2014 une spécialisation des salles de cinéma, qui offre des subsides complémentaires, lorsqu'on met en avant le cinéma dans les CC.

 

C. : Ce regain d'intérêt envers ces lieux, vous vous l'expliquez ?

V.V.H. : Oui, car cela permet de voir un film près de chez soi, parfois en famille, sans devoir faire des kilomètres pour se rendre dans un cinéma commercial. La proximité, en général, fait qu'on connaît parfois l'animateur. Mais on y va aussi pour rencontrer son voisin, dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Un centre culturel reste l'un des rares lieux d'expression et de réflexion où la parole est donnée librement aux habitants. C'est en fait là que le cinéma prend sa place : en permettant à la population, à travers une séance, de discuter, d'échanger et de se rencontrer. Avec des prix démocratiques, ne l'oublions pas, puisqu'on ne dépasse jamais les 7 ou 8 euros. Certaines séances sont même parfois gratuites !

 

C. : De manière générale, les centres culturels sont-ils suffisamment équipés pour programmer des films ?

V.V.H. : Pour la plupart oui, car ils ont des locaux techniques développés qui attirent des pièces de théâtre et des spectacles assez lourds. En fait, les choses sont en train de bouger, des programmateurs et distributeurs se rendant bien compte que certaines localités reculées qui disposent d'un centre culturel, peuvent tout à fait faire office de cinéma. Notons aussi que des CC ont favorisé des (ré)ouvertures de cinéma de quartier. Je songe au cinéma L'Écran à Ath, le Ciné 4 à Nivelles ou le cinéma Jean Novelty à Leuze-en-Hainaut, qui renaît de ses cendres, grâce au CC local et à un mouvement citoyen. On espère voir ce genre d'initiatives se multiplier, surtout dans des endroits plus isolés. Puis, il y a aussi un cas comme le CC de Huy, qui dispose d'une salle à l'Imagix de Huy, où il propose du cinéma Art et Essai.

 

C. : On imagine le public des centres culturels assez âgé, non ?

V.V.H.: Oui, on n'échappe pas au vieillissement de la population (sourire). Cela dit, pas mal de centres font des actions avec des écoles – maternelles, primaires ou secondaires -, en développant des partenariats. On remarque que depuis l'après-covid, les écoles sont très demandeuses de films. Pas mal de gens ont envie de sortir, en fait. Mais là, on en revient au côté accessible du cinéma. S'il y a un bien un média qui parle à tout le monde, tout âge confondu et toute couche sociale, c'est bien le cinéma, qui est un art populaire. Chaque film est en fait propice à une rencontre, qu'on peut prolonger au bar. Ce sera toujours autre chose que regarder un film à la maison...

 

C. : La Quadrature du Cercle rassemble une cinquantaine de centres culturels à Bruxelles et en Wallonie. Mais comment définissez-vous votre organe, à quelqu'un ne le connaissant pas ?

V.V.H .: La question est intéressante, car lors de ma prise de fonction il y a cinq ans, je devais systématiquement rappeler que nous étions un réseau de programmateurs de cinéma dans le secteur non-marchand. Et aujourd'hui, je ne dois plus le faire car dans le petit monde du cinéma, 90% des gens savent de quoi s'agit-il. Désormais, les distributeurs connaissent les programmateurs, qu'ils invitent aux visions de presse. C'est valorisant et là aussi, les choses évoluent bien !

 

C. : Ceci dit, le secteur non-marchand, rappelez-nous...
V.V.H. : Le secteur non-marchand, ce sont toutes les salles qui ne font pas office de cinémas commerciaux, soit de petits cinémas et des centres culturels subsidiés en Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre du décret des centres culturels. On a donc pas mal de cinémas de proximité constitués en ASBL, comme le cinéma Les Variétés à Waremme. Et puis on a des ASBL d'éducation aux médias, qui ont une activité cinéma sans avoir forcément...d e salle. Car c'est la particularité, le cinéma se joue parfois en dehors des salles donc, ces associations font appel à des partenaires pour trouver des lieux parfois atypiques, comme des maisons de repos, des endroits pour travailleurs précarisés, du cinéma itinérant...

 

C. : Comment votre organe est-il financé ?

V.V.H. : L'initiative émane à l'origine du Centre du Cinéma, qui nous subsidie donc, et des Centres Culturels eux-mêmes, chaque membre versant une cotisation (NDLR: de cinquante euros). Et nous faisons aussi partie du mini-réseau continental Europa Cinémas, qui permet aux membres d'y adhérer en mutualisant sur leurs entrées. Ce qui peut s'avérer intéressant pour certains centres, comme Gembloux (Atrium 57), La Louvière (C'est Central) Marche (Cinémarche), Saint-Gilles (Jacques Franck), Watermael-Boitsfort (Vénerie) et bientôt Tournai (Maison de la Culture), qui bénéficient donc de subsides européens supplémentaires grâce à leur programmation de films. Mais au-delà de l'argent, ce lien est enrichissant, car ils peuvent participer à des colloques à l'étranger, avec d'autres centres culturels européens.

 

C. : Pour conclure, quels seraient vos prochains objectifs ?

V.V.H. : On a une demande croissante des membres pour se voir davantage, discuter et échanger, comme nous le faisons entre autres au Festival de Namur. Puis, beaucoup ont envie d'être peut-être pris plus en compte par le monde du cinéma belge. Car pour certains producteurs ou distributeurs, on a parfois l'impression d'être encore considéré comme un circuit trop secondaire. Alors que selon moi, et c'est d'autant plus valable sur un petit territoire comme le nôtre, nous faisons tous partie d'une même chaîne, où chaque acteur a son importance. On espère donc que ce point-là va aussi s'améliorer à l'avenir...

www.laquadratureducercle.be/

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