Cinergie.be

Samuel Tilman pour Mode Avion

Publié le 30/04/2025 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

"Avec les films de plate-forme, on ouvre une nouvelle brèche"


Historique. Depuis quelques semaines, la RTBF a mis à disposition son premier film de plate-forme, sur Auvio. Et c'est à Samuel Tilman, remarqué en 2015 avec Une part d'ombre au cinéma, qu'est revenu cet honneur avec Mode Avion, un long-métrage de genre de 71 minutes coécrit avec Baptiste Lalieu, alias le chanteur Saule.

Entretien avec un cinéaste qui est aussi producteur, puisqu'il cogère avec Virginie Chapelle la société Eklektik, qui fêtera bientôt ses vingt ans. Tous deux espèrent à présent faire circuler ce
Mode Avion à l'étranger. En attendant que la RTBF – et même RTL – proposent d'autres films dans cette nouvelle fenêtre.

Cinergie: Heureux d'avoir fait ce film, et d'être un pionnier ?
Samuel Tilman:
Oui! On a fait une avant-première au Cinéma Galeries à Bruxelles, c'était stressant! On a conscience d'avoir ouvert une nouvelle brèche, mais c'est une initiative positive pour élargir les publics. Et je suis hyper heureux d'avoir pu aller dans un genre qui n'a pas d'équivalent en Belgique. Pour les chiffres, il faudra voir sur la longueur, car avec les plates-formes, les calculs restent particuliers. Et mon associée est partie à l'étranger en vue de dénicher un vendeur international.



C: Et vous avez bon espoir?
S.T.:
C'est toujours compliqué avec un film déjà terminé. Car les films se vendent aujourd'hui principalement sur un scénario. Mais le bémol, c'est que vendre un film sur scénario nécessite beaucoup de temps, de faire des concessions en casting, etc.Or, on n'était pas dans cette dynamique. Mais je me répète, c'est difficile, car les vendeurs ont 80 à 90% de leur catalogue déjà constitué sur scénario et prennent rarement des films terminés. Qui plus est, des films belges. Je l'ai vécu avec Une part d'ombre: j'ai eu un distributeur seulement quand le film a été primé à Beaune, alors que Natacha Régnier était déjà identifiée. Il faut parfois attendre un déclic pour que les choses décollent.  On doit être patient. La RTBF par exemple a fini par vendre sa série Baraki à Netflix...



C: Au-delà d'une potentielle revente étrangère, vu le timing, votre film n'aurait-il pas été une aubaine pour le Festival du Film fantastique?
S.T.:
Je ne sais pas si une vie est possible dans les festivals pour Mode Avion, à partir du moment où on a visé la diffusion sur plate-forme. En tout cas, je dirais que le film est au début de sa vie donc, tout reste possible. Ce qui est positif aussi, c'est que la presse a bien suivi. Je le dis, car pour moi, le triangle qui capte toujours, c'est le public, les festivals et la presse. Et les trois se nourrissent l'un l'autre, même si on n'obtient pas toujours ce trio. Combien de films aboutis qui ont une critique magnifique n'ont pas de public !



C: Votre film démontre que malgré un budget restreint – moins de 400 000 euros -, un bon réalisateur, une bonne idée et de bons acteurs permettent de voir loin. Non?
S.T.:
Merci. C’est vrai qu’ici, je n’avais quasiment jamais travaillé avec les gens du casting. Mais je voulais vraiment aller vers des comédiens (NDLR: Karim Barras, Camille Sansterre, Laura Sépul et Félix Vannoorenberghe) que j’appréciais. Il fallait de l’alchimie et un bon équilibre dans ce quatuor, puisque l'histoire aborde celle de quatre personnes ne se connaissant pas qui, pour survivre, doivent découvrir pourquoi ils ont été enlevés. Même si certains restent dubitatifs sur le genre, beaucoup d’avis soulignent la justesse des comédiens. Et ça, c’est un vrai cadeau: c’est leur talent et leur engagement qui font que le film tient la route. Ils ont pris le projet au sérieux. Et on a bien répété.

 


C: Vous vous verriez en faire d'autres, dans ce mode-là?
S.T.:
Mon gros défaut, c'est de ne jamais reproduire ce que j'ai déjà fait (rire). Ce que j'ai beaucoup aimé ici, c'est la souplesse du dispositif et le fait que les comédiens aient pu se filmer eux-mêmes, dans leur costume. Cela donne quelque chose de fort au montage. Si j'ai encore une bonne idée, je reproduirais volontiers ce format vertical avec des téléphones. Mais on a fait beaucoup de recherches techniques.



C: Autre avantage de ce format,  un temps court entre l'idée et la finalisation.
S.T.:
Oui et ça, j'en suis fort heureux aussi. Car à côté, j'essaie de monter un film musical sur le hip-hop avec de jeunes gens pas connus. C'est atypique, compliqué, ambitieux économiquement, etc. Donc, le fait d'avoir tourné un film plus court ici, avec un budget plus léger, ça a renourri mon écriture pour cet autre projet et même les autres. Le fait de pouvoir tourner quelque chose, ça remet toujours de l'oxygène dans la machine!



C: Pendant près de deux ans, vous avez travaillé à Paris sur Le Dernier Gaulois. Repartir à l'étranger, c'est quelque chose que vous pourriez refaire?
S.T.:
Je préfère créer à Bruxelles, par choix. S'il n'y avait pas parfois des contraintes de productions, qui dépassent mes désirs de mise en scène, je vous dirais que je préférerais travailler avec des comédiens belges. Car on a tous les talents. On peut tout faire ici! Et j'ai envie de continuer à aller vers des histoires et des questions qu'on se pose en Belgique.



C: Ce processus semble être en mouvement, non?
S.T.:
Oui, malgré les difficultés, on est dans une belle dynamique. Voyez RTL, qui commence à arriver dans le paysage, et qui recherche aussi des films comme Mode Avion. On a à présent des diffuseurs qui verbalisent et nous disent les choses qu'ils attendent, ce qui était encore inimaginable il y a dix ans. A l'époque, on était dans une bulle, on pondait des trucs, en allant même loin dans des développements, pour se rendre compte au final que ce n'était pas possible. Ici, et notamment grâce aux séries, tout a changé. Plus basiquement, des auteurs sont payés pour écrire! Et ça, ça change tout, à commencer par votre rapport au travail.

 

Le film, gratuitement disponible

https://auvio.rtbf.be/emission/mode-avion-28734

Tout à propos de: