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Saint Nicolas est socialiste de David Leloup

Publié le 23/09/2020 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Après son film A leak in Paradise qui s’attelait à suivre le combat de Rudolf Elmer, lanceur d’alerte et ex-banquier dénonçant le règne des paradis fiscaux, David Leloup revient avec son long-métrage documentaire Saint-Nicolas est socialiste, un travail immersif au cœur de la commune du même nom.

Le journaliste et réalisateur propose une réflexion transversale et engagée autour des motivations de deux citoyens qui rêvent de plus de transparence et de faire rendre des comptes au pouvoir. Roger Boeckx et Filippo Zito sont deux conseillers communaux de l’opposition dans la ville de Saint-Nicolas et se voient comme des lanceurs d’alerte face à une autorité communale opaque dont ils fustigent les débordements. Depuis près d’un siècle la ville n’a connu que la majo­rité absolue du parti socialiste. Alors qu’approchent les élections communales, ils rêvent, pour leur dernier tour de piste électoral, de bouleverser le jeu politique local.

 

Saint Nicolas est socialiste de David Leloup

 

Sous des airs rappelant l’émission Strip-Tease, le réalisateur suit le quotidien de ces deux conseillers communaux. Dans ce combat vécu rapidement comme David contre Goliath, le combat du siècle à l’échelle belge, la caméra active et militante, engagée, nous plonge dans une absurdie loufoque où les « barons » locaux ne se soucient guère des scandales.

Séquences après séquences, le film poursuit une narration en lutte jusqu’au jour des élections, montrant minutieusement la rigueur de Roger Boeckx et Filippo Zito au sein des débats et des conseils communaux, apostrophant volontiers les politiques et demandant des comptes. Alors que le film pourrait s’envisager comme un plaidoyer démagogique, il apporte cependant une épaisseur supplémentaire, appuyant les allégations des deux protagonistes par des flash-back d’images d’archives issus des médias traditionnels. Et, assistant aux débats, les réponses aux quémandes de Filipo Zito et Roger Boeckx sont le plus souvent classées sans suite malgré les relances, telle une boîte de pandore que le PS local garde bien fermée. De plus, le film a, d’une certaine manière, une valeur pédagogique, puisque nous pénétrons, à travers le regard critique du réalisateur, dans les rouages politiques et le fonctionnement communal, les limites de ses ficelles procédurales.

Finalement, David Leloup esquisse un film de micro-histoire cinématographique, dont l’objet, si particulier qu’il soit à l’échelle nationale, glisse au fil de la narration vers un portrait général de la politique belge. La politique est finalement un prétexte pour aborder la place des lanceurs d’alerte ainsi que la fissure grandissante entre les citoyens et leurs représentants, les faux-semblants, les combats perdus, à l’image de la séquences finale. Car ici, les visages ne changent pas, les méthodes restent, et avec elles, les vieux réflexes de la machine socialiste.

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