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Space Boy d'Olivier Pairoux

Publié le 20/10/2021 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

J’irai au bout de mes rêves

1986. À la fois rêveur et surdoué en sciences et en mathématiques, Jim Goodman (Basile Grunberger), 11 ans, vit avec son père, Graham (Yannick Rénier), un astrophysicien veuf qui doit prochainement se rendre dans l’espace. Jim est un solitaire qui a tendance à s’attirer des ennuis et son seul ami est un petit robot, Cosmo, à qui il confie ses joies et ses peines. Lors d’un concours de jeunes scientifiques organisé dans sa nouvelle école, Jim est amené à travailler en binôme avec Emma (Albane Masson), une jeune fille à la santé fragile, atteinte de la mucoviscidose, dont la mère (Bérénice Baoo), sévère et protectrice, l’étouffe tellement qu’elle a fini par la convaincre qu’elle n’est capable de rien. Alors que leurs parents respectifs croient qu’ils bricolent une simple maquette, et malgré la réticence initiale d’Emma, Jim la convainc de construire en secret une vraie montgolfière, sur le modèle du « Projet Excelsior » (1959-1960), une série d’exploits scientifiques et sportifs réalisés par son idole, le pilote de l’Air Force Joseph Kittinger, premier homme à avoir battu quatre records : la plus haute ascension en ballon, le saut en parachute le plus haut, la plus longue chute libre et la plus grande vitesse atteinte par un être humain dans l'atmosphère.

Space Boy d'Olivier Pairoux

 

Albert Einstein disait que l’on peut appréhender la vie de deux manières : comme si rien n’était un miracle ou comme si tout était un miracle ! Lorsque Jim apprend que son père a abandonné sa mission spatiale suite à l’explosion en vol de la navette Challenger, il opte pour la seconde solution et décide de lui prouver qu’il a eu tort de renoncer à ses rêves. Installés dans une grange abandonnée à l’abri des regards, Jim et Emma relèvent ce défi fou qui va, petit à petit, les rapprocher, et ce, malgré le manque de tact embarrassant du jeune garçon envers la gent féminine (il coupe sans prévenir la queue de cheval de sa partenaire pour supprimer tout poids superflu dans la nacelle du ballon). Entre temps, jaloux de cette amitié naissante, Spencer (Sacha Teichman), un jeune tyran à la coupe de cheveux indescriptible, amoureux d’Emma, entreprend de persécuter notre héros et de contrecarrer tous ses beaux projets, allant jusqu’au sabotage.

Difficile, à première vue, de s’emballer à l’idée d’un énième film pour enfants tant le genre, avec ses bons sentiments factices, sa mièvrerie et ses valeurs familiales débitées à la louche, a trop souvent montré ses limites. En tant que critique de cinéma adulte et raisonnable, on entre donc dans la salle qui projette Space Boy en traînant les pieds. La bonne nouvelle, c’est que, si le film d’Olivier Pairoux (dont nous avions aimé le court-métrage Puzzle, avec Philippe Katerine) n’évite pas tous les écueils du genre, on en sort avec le sourire aux lèvres. Pas de cynisme déplacé dans Space Boy, mais une honnêteté et une bonne humeur rafraîchissantes ! 

Entre les bagarres dans la cour de récréation, les rivalités et mesquineries enfantines, des expériences scientifiques qui virent à la catastrophe (un test de vol en catapulte), des aventures où l’on brave les interdits (un séjour dans un réfrigérateur pour s’habituer au froid de l’espace, une virée pour voler des bouteilles d’hélium dans un Jardin Botanique férocement gardé par un inquiétant colosse (Peter van den Begin) et son serpent), une sérénade à la guitare (une jolie reprise de Girls Just Want to Have Fun interprétée par la jeune Albane Masson), sans oublier le charmant côté désuet d’une époque moins compliquée (les années 80), quelques touches poétiques qui font mouche (les taches de rousseur d’Emma qui forment la constellation d’Orion) et une justification déchirante au caractère turbulent de Jim (il veut aller dans l’espace pour retrouver sa mère décédée), Space Boy, malgré son inévitable côté gentillet, a un côté « Club des Cinq » étonnamment plaisant, avec des relations entre enfants et adultes plus justes et plus complexes qu’à l’accoutumée dans ce genre de production. Les décors (la tour du Centre Spatial, la campagne environnante) s’avèrent particulièrement inspirés, tout comme le score électronique signé par le groupe The Penelopes et l’excellente chanson du générique de fin, Dream Baby, Dream, interprétée par The Penelopes et Asia Argento.

 

Space Boy d'Olivier Pairoux

 

Si certains dialogues s’avèrent maladroits et qu’ils sont truffés d’anglicismes qui gâchent l’écoute - on pourra également critiquer cette tendance agaçante à nommer des personnages francophones par des patronymes anglophones (Jim et Graham Goodman, Mlle Adams, Spencer, etc.) - et si la direction d’acteurs ne se montre pas toujours à la hauteur (certains semblent un peu livrés à eux-mêmes), on se réjouira de la présence d’une poignée de seconds rôles savoureux, notamment le directeur d’école dépassé interprété par Michel Schillaci, l’institutrice que joue la toujours irrésistible Marie du Bled et le faux méchant que campe Peter van den Begin, chargé de délivrer, à sa façon, la morale du film : « Dans la vie, quand tu tombes, tu te dépoussières le cul et tu y retournes ! »… Joliment dit et joliment illustré !...

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