Cinergie.be

Sur le tournage de Space Boy

Publié le 27/08/2019 par David Hainaut et Constance Pasquier / Catégorie: Tournage

2020, l'Odyssée d'Olivier Pairoux

 

Si à 11 ans, construire une montgolfière pour se rendre dans l'espace n'est pas chose courante, l'imaginer en pitch de film belge francophone l'est encore moins. C'est pourtant bien autour de ce sujet ambitieux qu'Olivier Pairoux, néophyte à ce niveau mais loin d'être inconnu dans le paysage audiovisuel, tenait à réaliser Space Boy, dans sa première tentative en long-métrage.

Tourné cet été avec les moyens de ses ambitions, celui-ci sera un film d'aventure familial. Sortie prévue en 2020.

"Dans ce film, le personnage principal se rend compte que si oui, il faut toujours poursuivre ses rêves, un bémol existe : on ne peut les réaliser en mettant en difficulté ou en porte-à-faux les gens qu'on aime ou qui nous aiment. Je pense que la moralité du film est là. Elle est plus fine que simplement dire qu'il faut croire en ses illusions en y allant à fond, et qu'importe le prix. Car ce n'est pas la réalité. Pas celle, en tout cas, que je veux transmettre à mes enfants. J'ai plutôt envie de leur dire : "Croyez-y, donnez tout, mais le jour où vous serez père à votre tour, peut-être que vous vous poserez des questions. Comme, est-ce que je peux vraiment me permettre de partir trois mois en tournage sans vous voir ?" C'est aussi cela qui m'a travaillé pendant la préparation. Et ça rejoint bien sûr le thème du film".

Fidèle à sa volubilité et à son enthousiasme, tout en se disant "stressé, heureux et soulagé d'être là", c'est ainsi qu'Olivier Pairoux, figure du petit écran depuis près de vingt ans - sur la chaîne Plug RTL notamment – et à présent cinéaste, se livre, dans le jardin ensoleillé d'une vaste villa wavrienne, constituant l'un des - très - nombreux décors du tournage estival de six semaines (entre la Belgique et les Pays-Bas) de Space Boy, son premier long-métrage. Un projet couvé depuis l'adolescence, qui méritait bien d'en prendre le pouls. "Le film a commencé à mûrir il y a huit ans, mais on s'est donné du temps pour l'écrire, car il a évolué en fonction de ce qui m'est arrivé dans la vie depuis : mariage, enfants, etc... Car si on veut être sincère au cinéma, il faut fatalement être porté par son expérience de vie. C'est elle qui gonfle le scénario."

 

Un petit garçon de retour en 1986

Hors-norme, l'histoire nous replonge en 1986. Malgré la désintégration (médiatisée) de la navette Challenger en janvier - qui causa le décès de ses 7 membres d'équipage -, un événement d'ailleurs utilisé dans le récit, la conquête spatiale bat son plein. Jim, un rêveur surdoué de 11 ans, vit avec son père Graham, un astrophysicien s'apprêtant à voyager dans l'espace. Mais un événement va modifier les plans de ce dernier, de quoi provoquer chez Jim l'envie de lui succéder. Épaulé par Emma, une amie d'école, il va alors profiter d'un concours de jeunes scientifiques pour, en secret, construire une montgolfière. Porté par Basile Grunberger, révélé dans Nos Batailles – lui valant une nomination pour le Magritte du Meilleur Espoir -, le rôle principal a été confié à un jeune garçon débordant de charisme, de sympathie et de lucidité : "On pourrait définir le cinéma comme un travail, mais pour moi, ça reste de l'amusement à côté de l'école. Ce rôle est sympa, car l'enfant du film me ressemble, à toujours vouloir chercher des solutions, même si l'espace m'intéresse moins. Ce n'est qu'un deuxième tournage, donc je continue à apprendre et à me concentrer. Car j'ai envie de poursuivre là-dedans".

 

Parfum de Goonies et de Dallas

Sur le plateau, d'autres comédiens sont présents lors de notre visite, comme l'un des frères Renier - Yannick -, et Bérénice Baoo, (Tueurs). Affublée d'une perruque "eighties", cette comédienne belge repérée par la casteuse Kadija Leclere il y a trois ans - pour le film Fauves, avec Jonathan Zaccai - concède avoir été scotchée en découvrant le scénario. Elle campe Cristina, la maman d'Emma, interprétée par la jeune Albane Masson (Boule & Bill 2). "En lisant, j'ai même pleuré devant l'équipe, c'était parfait comme entame ! Mais j'ai dit à Olivier : “Tu fais ce que tu veux, mais Cristina, c'est moi!”, tant l'histoire m'a pris aux tripes, pour son émotion et ses images de notre enfance, comme Les Goonies. Mon personnage, sophistiqué, se situe quelque part entre Dallas et Dynastie, d'autres références de l'époque. C'est une fille hors du temps, comme on en voit parfois autour de nous." Au même moment, Renier – Graham, dans le film -, rôde, à un écart toujours respectable. Baoo s'explique : "Dans le film, il y a un malaise palpable entre leurs personnages. On garde aussi nos distances sur le tournage pour maintenir cette tension. Comme on ne se connaissait pas encore, cette méthode fonctionne bien ! (sourire)"

 

"Ce projet va toucher beaucoup de gens " (Yannick Renier)

Plus tard, le comédien indique. "C'est la première fois que je joue un astrophysicien, et ça me passionne. Surtout que le scénario est bien ficelé, avec de beaux personnages, une belle intrigue et une histoire simple, mais bien racontée. Il y a quelque chose de Spielberg dans l'écriture. Avec Olivier et son co-scénariste Eusebio Larrea, l'alchimie est forte. Mais l'important, c'est le rapport avec mon fils Jim, qui est aussi un bon partenaire de jeu. Pour le reste, comme pour la plupart des tournages, le rythme est effréné. Mais sur ce plateau, l'enthousiasme règne à tous les postes. Et c'est rare que je dise ça, mais je pense que ce projet va toucher beaucoup de gens !" Prix d'Interprétation cette année au Festival du Court-Métrage de Bruxelles (pour Détours, de Christopher Yates) et lui-même réalisateur d'un premier film (Carnivores) l'an dernier avec son frère Jérémie, l'éclectique acteur, toujours actif au théâtre dans la compagnie de Christophe Sermet, n'est pas là pour prodiguer des conseils : "Ce que m'a justement appris la réalisation, c'est de pouvoir profiter du bonheur d'être acteur (sourire). Je le mesure encore plus depuis que je me suis retrouvé derrière la caméra."

 

Olivier Pairoux, trait d'union entre télé et ciné

Forcément, tant pour son aspect inhabituel dans notre paysage que pour ses nombreuses références des années 80’ (comme aussi E.T., Ghostbusters, Stand Be My...), Space Boy intrigue. Pour rappel, en préambule à ce tournage, Pairoux, avec sa bande, s'était testé au cinéma l'an passé sur un court-métrage (Puzzle, avec Philippe Katerine) qui, visuellement surtout, a impressionné. "C'était utile comme expérience", commente Pairoux. "J'ai mesuré des erreurs, mais j'en ai retiré quelque chose d'essentiel, de la préparation à la gestion des comédiens, en passant par l'écriture. Je ne le ferais plus aujourd'hui de la même façon, mais j'en suis fier". Avec sa longue expérience en télé, Pairoux, à 42 ans, symbolise bien le rapprochement actuel des écrans. "Quand j'étudiais à l'IAD, presque tout le monde voulait faire du cinéma, pas de la télé. Pourtant, des gens dont je suis fan comme David Lynch et Woody Allen ont débuté par le petit écran. Pour moi, la télé permet d'expérimenter et de découvrir énormément de choses et de gens, dans un environnement où le temps est ultra-compté et où il faut aller vite. C'est ce passif-là qui me permet d'avoir une réactivité ici, tout en respectant la qualité du film."

Ayant saisi depuis longtemps l'importance d'un bon entourage, Pairoux œuvre avec des fidèles. "L'avantage, c'est qu'on sait tous où on va. Avec Thomas Rentier par exemple, le directeur photo avec qui je travaille depuis vingt ans, on se comprend directement. Et c'est pareil à tous les postes, du son à la musique, des machinos aux effets spéciaux : chaque artiste peut amener sa patte. Cela permet d'impliquer tout le monde. N'oublions pas que le cinéma reste un sport d'équipe ! Et si artistiquement on reste ambitieux, on veille à ce que le tournage soit amusant." Et à l'instar de Puzzle, le sculpteur belge bien coté Stéphane Halleux figurera au générique puisqu'il a été sollicité pour la confection d'un robot.

 

Avec déjà, un important soutien européen

Après le tournage d'un autre long-métrage (Losers Revolution) cet été, et avant celui d'une série (Unseen) pour la RTBF à l'automne, c'est à nouveau la société bruxelloise Kwassa Film (d'Annabella Nezri) qui chapeaute ce Space Boy, également interprété par Jean-Benoît Ugeux (Le Fidèle, La Trêve, De Patrick...) et Peter Van Den Begin (Dode Hoek, King of The Belgians). Outre la Fédération Wallonie-Bruxelles et d'habituels financements belges (Tax-Shelter, Belga Productions, Screen Brussels, RTL TVI, Be TV...), le film est coproduit par les Anversois de Bulletproof Cupid et les Néerlandais de Bind Films, tout en bénéficiant du soutien continental de l'important Fonds Media Europe Creative. Des aides loin d'être anodines dans le cadre d'un premier film, alors que Pairoux table déjà sur l'écriture d'un second.

"Même si j'affiche ici une certaine sérénité, la tâche reste énorme. J'apprends donc encore avec ce projet. J'espère faire partie de la nouvelle génération qui arrive, car on sent qu'un courant naît en Belgique francophone, qui rappelle l'esprit flamand que je connais un peu, puisque je vis au nord du pays. Notre cinéma a les atouts pour s'ouvrir. Je me réjouis de voir plus de films de genre à l'avenir. Toutes proportions gardées, Stanley Kubrick disait lui-même qu'il faisait des films qu'il avait envie de voir. Et bien je dirais que Space Boy, c'est le film que j'ai envie de faire et que je voudrais voir avec mes enfants !”

Tout à propos de: