Stolen art, une collection particulière de Simon Backès
Le vrai du faux
En 1978 a lieu à New York une exposition d’art contemporain particulièrement dérangeante. L’artiste tchèque Pavel Novak y expose sous l’appellation de Stolen Art, une série de tableaux de peintres célèbres, Courbet, Van Gogh, Rembrandt, Malevitch et refuse de révéler s’il s’agit de copies admirablement bien faites ou au contraire
d’oeuvres volées dans des musées ou des collections particulières.
Le scandale éclate lorsqu’un riche collectionneur reconnaît dans le paysage marin de Courbet exposé lors de Stolen Art, l’original d’une toile qu’il possède et qui s’avère alors être un faux.
La police ferme l’exposition et la section des faux artistiques du FBI intervient et confisque l’ensemble des toiles sous prétexte d’expertise. A partir de là un silence total va régner autour de cette affaire et les toiles vraies ou fausses de l’exposition Stolen Art ne referont plus jamais surface, ne mettant pas en cause leurs jumelles qui de par le monde sont exposées dans de célèbres musées et dont l’authenticité semble au regard de cette histoire plus que douteuse.
Pavel Novak a pris la fuite et disparu sans laisser de traces. Faussaire de génie ou génial voleur, théoricien de l’art ou provocateur talentueux, hors d’un catalogue d’exposition et de quelques bribes d’interview, rien ne subsiste de sa démarche artistique et jamais plus jusqu’à ce jour, il n’a fait parler de lui.
Et pourtant Simon Backès va tenter avec son film Stolen Art de retrouver sa piste au cours d’une enquête aux allures de thriller philosophique, nous emportant d’un bout à l’autre de la planète, en une quète artistique qui ne ménage ni ses efforts ni ses surprises.
Reprenant pour lui-même cette réflexion de Pavel Novak sur la nature même de l’art qui refuse et l’objet culturel et la marchandise pour ne s’intéresser qu’à l’esthétique d‘une émotion, il va nous entraîner de critiques d’art en experts, de galeristes en copistes sur les traces de ces tableaux qui composaient l’exposition de 1978 et dont un mauvais film amateur permet d‘établir une liste vraisemblable.
De Prague à Tokyo en passant par Amsterdam, Paris et Saint-Petersbourg, Stolen Art, le film, mi-fiction, mi-documentaire, à la fin surprenante, met en place une véritable machine de guerre contre ce monde de l’art où règne une vérité dont le seul commerce semble tirer les ficelles.
Redoutable d’intelligence et d’érudition, fabriqué avec une précision de constructeur de bombes et investit jusque dans l’élaboration de ses cadres et de son montage, de cette question du beau, le film de Simon Backès n’a pas fini de dérouler ses arcanes métaphysiques où s’impose cette évidence : le vrai est un moment du faux.
Loin de toute école cinématographique, splendide jusque dans son maniérisme, Stolen Art ramène dans le champ du cinéma cette question de la création qui se résout encore (et ce film en est la preuve vivante) dans l’émotion et la gratuité du geste.