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Sur le tournage de Anita

Publié le 26/07/2019 par Constance Pasquier et David Hainaut / Catégorie: Tournage

Ces grenouilles et leurs prophéties

Mi-juillet, un court-métrage atypique mais dans l'air du temps était mis en boîte entre la capitale et Namur, quatre jours durant. Avec notamment la jeune Fantine Harduin et un célèbre visage de la série Ennemi Public, Angelo Bison.

Inspiré du vécu de la Suédoise Greta Thunberg, l'icône mondiale pour le climat, ce film, conçu en à peine deux mois (!) par un trio de jeunes auto-didactes, est une co-réalisation des Belges Félicien Bogaerts, 22 ans, – déjà bien connu comme militant écologiste et animateur culturel sur la RTBF - et Ilyas Sfar, 22 ans aussi, ainsi que du Français Arnaud Huck, l'aîné du trio (30 ans).

Destiné à susciter des débats sur des thèmes essentiels autour de l'humanité et de sa survie, Anita sera virtuellement (Facebook, Youtube...) prêt pour la rentrée. Mais ses initiateurs tablent également sur une vision dans les salles.

Une fois n'est pas coutume, en parallèle à notre passage sur un tournage, c'est aux répétitions de celui-ci que nous avons pu assister, elles qui se tenaient à Bruxelles, plus exactement à la Maison européenne des Auteurs et des Autrices (la MEDAAA), inaugurée l'an dernier. C'est dans ce lieu situé à la rue de Prince Royal en effet, que les trois co-réalisateurs - Félicien Bogaerts, Arnaud Huck et Ilyas Sfar - ont donné rendez-vous à deux de leurs comédiens, Angelo Bison et Fantine Harduin, à la veille de tourner les premiers plans de leur court-métrage, Anita. Une opération de pré-tournage loin d'être systématique, que justifie dès notre arrivée Ilyas Sfar, la caution "visuelle" du film (Huck se chargeant de la technique, Bogaerts du jeu et du texte) : "La densité du rôle interprété par Fantine, incluant un long discours et un texte très ciselé, nécessitait tout simplement cette préparation-là!"

Félicien Bogaerts et Greta Thunberg: deux icônes

Plus connu des trois jeunes larrons, Félicien Bogaerts, animateur sur la chaîne publique depuis ses ...16 ans, tant en radio (sur Classic 21) qu'en télé (Plan Cult, depuis janvier), s'est fait un petit nom auprès du grand public l'automne dernier, à travers une vidéo mobilisatrice sur l'écologie ("J'peux pas, j'ai climat"), visionnée plusieurs millions de fois en quelques jours. Œuvrant, à l'instar de ses deux comparses, pour des contenus virtuels sur l'environnement (Le Biais Vert, J-Terre), cette icône belge n'a pas puisé trop loin en imaginant le pitch de son premier court-métrage de fiction, puisqu'il s'agit d'une projection du phénomène médiatique Greta Thunberg. "Comme le film raconte ce qu'on imagine dans un an ou deux, il nous fallait être rapide dans sa conception", détaille ce toujours volubile et passionnant Bogaerts. "L'histoire revient sur ce lourd poids que porte cette adolescente sur ses épaules. Dont on se rend compte que la position, aussi inspirante et sincère soit-elle, arrange en fait pas mal de monde, car elle est devenue le symbole d'une lutte ...dépolitisée! On va tenter de comprendre dans quelle mesure cette fille n'est-elle pas récupérée et utilisée par les systèmes (économique, consumériste...) qu'elle est censée combattre et qui nous amènent dans l'abîme. Ce qui va à l'opposé de son objectif initial et de l'intérêt collectif: la conservation de l'espèce humaine et du vivant sur la planète..."

Fantine Harduin, tuyautée par ...Angelo Bison

Période de vacances oblige, s'impliquer dans un film à 14 ans, même quand on est déjà rodé comme l'est Fantine Harduin, s'avère forcément plus simple à gérer dans un agenda. Pour rappel, cette Mouscronnoise révélée en 2012 grâce à une émission de télé (Belgium's Got Talent, sur RTL-TVi) a depuis tourné – entre bien d'autres choses - pour Lola Doillon (Le Voyage de Fanny), Michael Haneke (Happy End) et Fabrice Du Welz (Adoration, présenté en août au Festival de Locarno). C'est elle qui incarne le rôle central, son nom ayant été soufflé par celui qui lui donne la ...réplique, soit Angelo Bison lui-même, les deux acteurs s'étant croisés lors de la deuxième saison d'Ennemi Public. Un casting d'une trentaine de jeunes filles n'aura d'ailleurs en rien changé ce petit "tuyau"! "Quand on a vu son professionnalisme et – surtout - son regard, on s'est très vite dit que c'était elle." ajoute Bogaerts. "Mais c'était tellement beau et facile qu'on a veillé à garder le recul pour bien le comprendre, avant de la rencontrer". Un peu plus loin, la principale intéressée se confie: "L'équipe a contacté mon père, qui m'a proposé le projet. J'ai lu et beaucoup aimé le scénario, car je suis aussi impactée par le climat, dont on parle pas mal à l'école. J'essaie de faire moi-même des gestes, comme éviter de manger la viande ou réduire ma consommation de plastique. Je suis donc contente d'être ici. J'ai beaucoup travaillé le texte et regardé plein de vidéos sur Greta Thunberg, sur le climat etc...". Toujours sollicitée, la jeune comédienne sait déjà qu'elle sera au casting d'au moins un long-métrage l'an prochain, celui de Cette Famille!, premier long-métrage de fiction d'Élodie Lélu (Lettre à Théo), qui traitera de la Maladie d'Alzheimer.

"Notre avenir et celui de la terre sont en jeu"

De près d'un demi-siècle son aîné, celui qui interprète face à elle Thanas ("Ou plutôt sa conscience", rectifie-t-il) est Angelo Bison, le fameux Béranger d'Ennemi Public. C'est au cours de la récente promotion de la deuxième saison de la série, durant l'émission Plan Cult, qu'il a rencontré Bogaerts. "Quand Félicien m'a appelé, je lui ai dit que contribuer à une juste cause auprès des jeunes était un honneur. Un cadeau, même! Thanas est censé montré à Anita la dure réalité des choses, le fait qu'on ne l'écoute pas et qu'il n'y ait pas de suite à son combat. Car en fin de compte, car c'est ce qui passe, ce qui provoque chez beaucoup de jeunes une détresse, un mal de vivre, un futur pas très intéressant (...). Donc voilà: à partir de ce constat d'échec, que fait-on et comment agit-on? Ce que le spectateur verra et comprendra. Ayant deux enfants en bas âge, forcément, cela me touche. " Particulièrement impliqué par son rôle, ce néo-Carolo vient de tourner dans un long-métrage suisse (Atlas, de Niccolo Castelli) et peaufine un troisième monologue théâtral consécutif (après L'Avenir dure longtemps et Un homme si simple). Il insiste sur l'aspect symbolique d'Anita. "Il faut se battre, ne pas lâcher le morceau. Et c'est maintenant qui faut le faire, pas en 2030. Car c'est notre avenir et celui de la terre qui sont en jeu."

Un court-métrage ambitieux

Capitalisme vert, médiatisation des luttes, numérisation (...): tels sont donc quelques-uns des thèmes d'actualité traités par Anita. "Le but est de participer aux débats sur l'écologie, mais de poser aussi les bonnes questions, en jouant avec les codes qui fonctionnent sur les réseaux sociaux, de s'interroger sur nos systèmes, etc...", commente encore Bogaerts. "Certains sont persuadés que l'avenir sera une sorte de grand ordinateur où les gens seront hyper-connectés, avec énormément de matériel et de supports. Or nous, on pense au contraire qu'on sera forcé à une résilience matérielle non-choisie qui sera violente et donc beaucoup de personnes vont en pâtir, justement car la technologie repose sur énormément de ressources. Et ce sont celles-ci qu'on épuise! Je ne prétends pas que notre film abordera tous les aspects de l'écologie, mais l'idée est de se questionner à travers l'icône. De se dire que ce n'est pas parce qu'on a aimé la page Facebook de Greta Thunberg qu'on croit être engagé et qu'on a conscience de ce qui se passe. Il faut voir plus loin!"

Dévoilé à la rentrée, déjà!

Auto-produit – un budget a pu être réuni via des financements participatifs du Biais Vert – vu l'urgence du sujet estimée par ce trio d'amis, Anita, également co-écrit par Elias Di Sanhaji, devrait durer entre 7 et 8 minutes, les Français Pierre Cachia et Lénie Chérino faisant eux aussi partie du casting. Ses instigateurs n'écartent pas l'un ou l'autre partenariat. Filmé à Bruxelles – à la RTBF notamment - et à Namur, il sera dévoilé dès septembre sur Internet (Facebook, Youtube...), mais envisage des projections en salles en vue de susciter des débats avec le public. Au-delà de la Belgique, même. "Ce qu'il y a de chouette dans ce court-métrage, c'est son alliance belgo-française. Cela enrichit le mélange de nos cultures et de nos forces. Cela pourrait élargir nos horizons!", conclut Arnaud Huck, le Français de la bande. Rendez-vous à la rentrée, donc...

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