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Sur le tournage de la future série "Aegidium"

Publié le 31/07/2021 par Constance Pasquier et David Hainaut / Catégorie: Tournage

Projet à défendre

Avec plus de vingt millions de vues depuis 2017, Le Biais vert, ce canal virtuel de sensibilisation à l'écologie créé par Félicien Bogaerts, est aujourd'hui une plateforme incontournable.

Après un premier essai dans la fiction (Anita, un court-métrage sorti il y a deux ans), cette ASBL voit plus grand, en mettant en chantier une série abordant des thèmes aussi actuels qu'importants, de l'écologie à l'aménagement du territoire, en passant par l'urbanisation, les technologies ou les nouvelles alternatives de société.

C'est au sein d'un bâtiment bruxellois classé, l'ancien cinéma Aegidium – qui est d'ailleurs le titre du projet – que nous sommes allés prendre la température de ce tournage, jour où Jean-Luc Couchard (Dikkenek, Les Barons...) était de la partie.

Difficile, quand on nous informe d'un ambitieux projet traitant d'écologie, de rester indifférent. Comme pour cet appel venu des initiateurs d'Aegidium, titre d'une future série tournée sous forme de docu-fiction (6 X 26', en plus de bonus) et portée par Félicien Bogaerts, icône belge dans le domaine et bien connu du paysage audiovisuel, ce natif de Braine-l'Alleud de vingt-quatre ans étant animateur sur la RTBF (radio et télé) depuis 2013. Et c'est du côté du Parvis de Saint-Gilles que nous ont amené les prises de vue de ce projet, dans un lieu – gracieusement - prêté par son propriétaire, avant une rénovation complète dès la mi-août: L'Aegidium donc, un lieu Art Nouveau érigé en 1905 où, après un repérage il y a quelques mois et un gros travail de décoration, deux tiers des scènes intérieures y étaient mises en boîte.

L'Aegidium, un endroit-clé

Endroit autrefois lumineux, fréquenté par la bourgeoisie et incarnant quelques splendeurs du passé, cet ensemble architectural, aussi symbolique que pratique, collait à merveille à l'histoire. Celle-ci, qui se déroule dans un théâtre abandonné d'une ville désolée, retrace le quotidien d'une communauté vivant en autarcie, entre bricolage, jardinage et réalisation d'une émission de radio pirate, leur dernier lien avec le monde extérieur.
"Ce groupe nous sert de prétexte aux réflexions et aux interrogations d'une nouvelle génération, prête à inventer d'autres façons d'habiter ce monde. Mais à l'extérieur, dans une voiture banalisée, quelqu'un semble les observer. L'ancien monde va-t-il les laisser construire sans lui? ", questionne le dossier de présentation concocté par un trio créatif. Car aux côtés de Bogaerts, on retrouve Elias Sanhaji et Ilyas Sfar, deux habituels acolytes - de 24 ans chacun, aussi -, avec qui les tâches sont équitablement réparties. "C'est un projet fou, mais nous n'avions pas le temps d'attendre pour le faire. Tout se fait à échelle humaine dans une ambiance bon enfant, où on reste ouvert à toute proposition : absolument rien n'est figé", clame le jeune triangle.

Les réalisateurs:  Ilyas Sfar, Félicien Bogaerts et Elias Sanhaji

Un docu-fiction vulgarisateur

Aux abords de la place, une petite conversation s'improvise lors d'une pause. Bogaerts, également en partie acteur dans le projet (il donne la réplique à un technicien, le débutant Germain Cabot), évoque sa genèse, avec la clarté qui le caractérise.
"Aegidium, c'est un mélange entre les chroniques, les reportages et même le court-métrage Anita, soit tout ce que nous faisons depuis des années. C'est une web-série mixant ces formats avec, en plus des personnages de fiction, des entrevues mises en scène avec des spécialistes (anthropologues, écrivains, historiens, philosophes...). On garde notre côté vulgarisateur et didactique, à la manière de "C'est pas sorcier".
Sfar, par ailleurs storyboarder, enchaîne : "Ce monde parallèle qu'on décrit s'inspire en fait de ZAD (Zone à défendre), des foyers d'intelligences collectives, où on échange de nouvelles idées, on s'émerveille et on créée, en s'opposant au monde qui nous nuit et détruit les rapports sociaux."

Sanhaji évoque lui la réappropriation de rêves enfantins. "On essaie de retrouver notre regard de gamin, quand on rêve à de belles choses pour l'univers, sans pour autant romantiser les choses. Et notre but n'est pas de prêcher des convaincus, mais aussi de toucher de nouvelles personnes".

Les auteurs mentionnent leur inspiration d'une ZAD belge (la Zablière), créée en 2019 en vue de bloquer la bétonisation d'une sablière près d'Arlon, un site biologique primordial, avant le démantèlement de la zone par la police, en mars dernier. "Beaucoup de choses se déroulant autour de nous sont frustrantes", commente Bogaerts. "Car les effets du dérèglement climatique frappent à notre porte, alors que les personnes en charge de cette question, bien au courant depuis des années, gardent des visions à court-terme." Sfar renchérit, en s'interrogeant : "Comment pourrait-on en vouloir à ces gens qui composent les ZAD de tendre parfois vers l'illégalité, quand on leur annonce en permanence que le monde court à sa catastrophe ?"

Jean-Luc Couchard en guest

Jean-Luc Couchard sur le tournage de Aegidium

Ayant déjà participé à une vidéo pour la petite bande, le comédien Jean-Luc Couchard, costumé en policier, est à nouveau de la partie. "Je joue le mauvais dans la série, puisque je représente un peu la répression, celui qui va tout faire pour déloger ces jeunes. Mais si je suis ici, c'est surtout parce qu'on parle d'écologie et de défense de la planète. Comment ne pas y prêter attention, surtout après le covid et cette catastrophe naturelle terrible qui a touché certains de mes proches et ma ville natale, Limbourg ?"

Résidant à Beyne-Heusay et entre deux coups de main auprès de sinistrés, l'acteur reste occupé. Récemment, il jouait au Maroc aux côtés de Jean Reno dans Le Dernier voyage, un film de science-fiction, et de fin août à octobre, il reprendra à Paris le tournage de la mini-série La Petite histoire de France créée par Jamel Debbouze. Tout en composant son premier album musical solo (intitulé Le Baron, "Mais c'est un pur hasard") comme chanteur et en peaufinant les réalisations d'un deuxième court (après Il Padrino, sélectionné au dernier Brussels Short Film Festival) et d'un premier long, coécrit avec le routinier Laurent Brandenbourger (Les Barons, Angle Mort).
"Je reste passionné par mon métier de comédien et la réalisation de mon premier court n'était qu'un pari, mais ça me plaît tellement d'écrire et de mettre en scène, que je prends ça au sérieux."

"Je voulais m'engager dans quelque chose qui a du sens" (Bertrand Leclipteux, coproducteur)

Grâce à sa notoriété acquise sur la toile francophone, Le Biais Vert a su fédérer du monde sur ce projet – jusqu'à plus d'une centaine de personnes sur le plateau, certains jours ! – puisqu'en plus de l'ASBL, on retrouve parmi les aidants les Bruxellois de Big Trouble in Little Belgium, le Centre du Cinéma français (CNC), Synchrone Médias et Clair-obscur productions, qui produit pour la RTBF Le Jardin Extraordinaire et L'Agenda Ciné (commenté par ... Bogaerts).
Depuis 2008, cette société bruxelloise reste active sur de nombreux documentaires (dont bientôt Jean-Michel Folon, de Gaëtan Saint-Remy). Bertrand Leclipteux, à la tête de Clair-Obscur et investi sur le plateau, concède avoir eu un coup de cœur en recevant le projet. "Mon assistante et moi sommes quasi à temps plein dessus depuis deux mois ! Je voulais m'engager dans quelque chose ayant du sens et en phase avec le climat qui se dérègle, dont plus personne ne peut dire qu'il n'est pas lié à ce qui vient de se passer chez nous et en Allemagne. Notre métier est aussi d'instruire les gens. Beaucoup voudraient le faire mais n'ont pas toujours les capacités techniques et la force de frappe que nos moyens audiovisuels peuvent offrir, ainsi que la visibilité du Biais Vert."

Bertrand Leclipteux , producteur

Un projet fédérateur, prêt pour début 2022

Toujours en financement – le tax-shelter a été sollicité -, le budget avoisinerait les 70.000 euros. "Cela ne nous permet pas d'aller aussi loin qu'on voudrait car c'est normalement le prix d'un seul épisode (sourire), mais on a une très grosse ambition. Et vu que je donne cours à l'ESRA, - comme la directrice photo, Émilie Montagner -, je peux compter sur des stagiaires, qui forment le tiers de l'équipe. Ils n'ont pas une expérience énorme, mais leur motivation est gigantesque. On a donc fait appel à pas mal de bonne volonté, de tous les côtés. Ce que l'équipe a fait du décor pour 2.000 euros est inimaginable : ils ont transformé ce lieu en quelque chose de surréaliste et magique".
Par ailleurs, Benoît Debie, le directeur photo belge césarisé en 2019 pour Les Frères Sisters, de Jacques Audiard a prodigué quelques judicieux conseils à l'équipe lors de la préparation, et plus cocasse, on retrouve au casting Plastic Bertrand, en guise d'un clin d'œil au... plastique. Alors qu'un groupe de musique, répondant au nom de Yotta Newton, apporte aussi son aide, en échange d'images qui leur serviront à un clip.

Et si tout ce beau monde se dit pressé, il faudra patienter jusqu'à février voire mars prochain pour voir le résultat final d'Aegidium, le tournage se poursuivant en août et septembre jusqu'aux quatre coins de la France, pour récolter les témoignages de spécialistes et membres de ZAD. "Les réalisateurs ont évité la facilité en allant vers des gens connus, qui auraient pu ramener encore plus de visibilité," explique Leclipteux. "Mais à juste titre, ils ont préféré aller vers des personnes moins célèbres et plus en phase avec le projet..."

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