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Sur le tournage de La Ressource Humaine

Publié le 29/01/2020 par David Hainaut / Catégorie: Tournage

Sur le tournage d'Adriana

 

Révélée comme actrice en 2016 par Laurent Micheli (Lola vers la mer) grâce à Even Lovers Get The Blues, lequel lui valut une nomination pour le Magritte du meilleur espoir féminin, Adriana da Fonseca a aussi prouvé qu'elle savait manier la caméra: en 2018, Capote Percée, son premier court-métrage où elle campait le rôle principal, a connu un parcours inespéré pour une autoproduction : sélectionné au Festival du Court-métrage de Bruxelles, il s'est ensuite qualifié pour le Festival Européen de Brest, tout en étant racheté par France Télévision et la RTBF. Entre autres.

 

Suite à cet essai fructueux, la réalisatrice a été repérée par la productrice Annabella Nezri (Kwassa Films) - qui chapeaute entre autres la future série Unseen pour la RTBF et le film Jumbo, sélectionné au prochain Festival de Berlin – pour concevoir, dans des conditions professionnelles cette fois, La Ressource Humaine, titre de son second court-métrage. Da Fonseca y joue à nouveau le rôle central. Petite visite sur le plateau.

C'est à Bruxelles, plus exactement au 8e et dernier étage de la Tour Fédris à Saint-Josse – à deux pas de Madou – que l'équipe de La Ressource Humaine nous a donné rendez-vous. Film se situant dans une entreprise oblige, le décor du jour est un vaste open space : "Ce type de décor est très recherché au cinéma", rappelle à notre arrivée Adriana da Fonseca elle-même, réalisatrice et donc actrice pour l'occasion. "Cet espace de bureaux a complétement été transformé pour le film. Certaines parois qui nous entourent sont fictives. On l'a déniché grâce à une stagiaire de la production. Et c'est exactement ce que j'avais en tête !" Un lieu essentiel dans ce court-métrage, comédiens et techniciens y ayant passé une dizaine de jours, en plus d'une plus petite partie tournée dans un appartement ixellois.

 

La RTBF en coproduction

Si Capote Percée constituait pour elle "un petit tournage entre potes", presque hasardeux, La Ressource Humaine est donc à présent un film dit "financé". C'est le moins qu'on puisse dire : initié par l'éclectique boîte bruxelloise Kwassa Films, qui sortira aussi dans quelques semaines la comédie Losers Revolution, cette future fiction est par ailleurs soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la RTBF, la SACD, une ASBL (Mme Véro) et le Tax Shelter (Belga Films Fund). De quoi, on l'imagine, modifier un peu la donne : "Vachemen t!", rétorque da Fonseca. "Là, on n'est à plus 6 mais 25 ! Et je découvre de nouveaux termes de tournage comme département ou chef de poste (sourire) et des gens s'investissent à fond pendant deux semaines, avec amour, même. C'est excitant et grisant de sentir que tout cela est mis en place pour aller plus vite, tout en étant efficace. L'union fait la force comme on dit ! Tout cela est un peu neuf pour moi, mais je l'accepte. C'est agréable, gai et merveilleux" confie-t-elle, avec l'enthousiasme qui la caractérise.

 

Adriana da Fonseca : actrice + réalisatrice

L'histoire, venons-y. Camille, une jeune fille sensible, du genre constamment enfermée chez elle, est contrainte de dénicher un travail pour (sur)vivre. Par un improbable quiproquo, cette rêveuse inadaptée se retrouve embauchée dans une grande firme, au sein d'un univers compliqué pour elle. "Elle doit en fait bosser alors qu'elle ne sait pas du tout", détaille da Fonseca. "En gros, la ligne du film part de l'idée que quelque part dans la vie, tout le monde fait semblant et que tout le monde joue un rôle en prenant une posture. En tout cas, c'est ce que j'observe chez beaucoup de gens." Y aurait-il là un cousinage avec Capote Percée qui, dans une cour de récré, narrait l'histoire d'une ado rejetée et vivant en marge de ses congénères ? "C'est sûr que j'aime les personnages inadaptés ou qui le sont a priori. Des gens qui cultivent quelques bizarreries et se retrouvent dans des endroits qui n'ont rien à voir avec leur personnalité. Mais ce personnage-ci est très différent. Camille est beaucoup plus lumineuse. Je me suis d'ailleurs volontairement transformée en décolorant mes cheveux en blond, car je n'avais pas envie de faire un Capote Percée dix ans plus tard", se défend-elle.

 

Un collectif familial issu de l'INSAS

Difficile, vu son évocation, de ne pas revenir sur la destinée de Capote Percée, ce film-OVNI de vingt-quatre minutes qui a convaincu festivals de renom et grandes chaînes de télévision. "Ça m'a aidée à me sentir légitime, mais je ne m'attendais pas du tout à ça. Tout ça est allé largement au-delà de ce que je pouvais imaginer. Puis, Annabella Nezri est venue me voir en me demandant si j'avais une idée, et j'avais justement cette histoire, d'abord écrite pour le théâtre, mais qui était restée dans un tiroir. Cela me fait donc hyper plaisir de retrouver cette bande ici, cinq ans après un premier tournage, puisqu'on retrouve beaucoup d'acteurs communs dans les deux films, comme Sophie Jaskulski, Séverine Porzio, Viviane Thiébaud et Laurent Micheli. En plus des nouveaux venus Christophe Lambert et Anne-Marie Loop. On était pratiquement tous dans la même classe à l'INSAS. J'adore bosser dans ce genre de collectif familial. J'ai d'ailleurs écrit l'histoire en pensant à eux, puisque je les connais très bien", explique encore celle qui a joui d'une longue expérience théâtrale avant de faire des premiers pas au cinéma, dans des films comme Even Lovers get The Blues ou Je suis resté dans les bois (du trio Michael Bier – Erika Sainte – Vincent Solheid). Mais l'ex nommée des Magritte concède avoir quelques difficultés avec les castings du Septième art. "J'ai du mal à m'y confronter. Cela reste quelque chose qui m'angoisse. Et même si cela va mieux, j'ai encore l'impression que le cinéma est quelque chose qui est au-dessus de moi. Puis, vivre dans cette position de comédienne qui dépend du désir potentiel de gens, c'est quelque chose qui peut vite être anxiogène."

 

Des techniciens complices

Pour soulager l'actrice-réalisatrice dans sa double-casquette, celle-ci est également bien entourée d'un point de vue technique. "Faire les deux, ce n'est effectivement pas simple, mais Florient Berutti, qui était déjà directeur photo sur mon précédent film, est un super ami qui me connaît donc très bien. Sa présence est importante, car je peux lui faire une confiance absolue sans devoir vérifier toutes les prises, ce qui pourrait parfois plomber mon jeu. Si ce rôle est silencieux ? Cela dépend des moments. Mais Camille a tendance à s'effacer. Sa présence, son aspect étrange un peu "à côté de la plaque" et le fait qu'elle soit en constante observation mettent mal à l'aise. Elle oblige même ses collègues à sortir de leur fonctionnement habituel. Elle crée ça malgré elle, en fait..."

 

Un tournage de série qui s'amorce

Actuellement en post-production, La Ressource Humaine est, toujours selon sa créatrice, "Parti pour être un long court-métrage. J'ai cru du coup comprendre que cela allait peut-être être plus compliqué en festivals, mais j'espère qu'il sera vu et qu'il vivra". En attendant, da Fonseca intégrera en mars un nouveau collectif de réalisateurs créé pour tourner la prochaine série humoristique pour la RTBF (Baraki, 20 X 26'), en compagnie de Bérangère McNeese et du show-runner Fred De Loof, tout en poursuivant l'écriture de son premier long-métrage, la préparation d'un spectacle en Suisse et l'organisation d'un festival campagnard d'arts (Le Verrery Super Braine), dans son fief de Braine-Le-Comte. "Et encore en parallèle, je continue de chanter avec Fritüür, un groupe musical de 11 filles qui tourne depuis huit ans, avec des morceaux qui parlent d'amour, de fritse et de sexe. On a pensé à ce nom vu la disparition progressive des fritkots en Belgique, un endroit qu'on trouve pourtant chaleureux, fédérateur et populaire. J'aime avoir toutes ces choses artistiques différentes à faire. C'est nécessaire pour mon épanouissement", termine-t-elle.