Cinergie.be

Sur le tournage de la série Trentenaires

Publié le 13/12/2022 par David Hainaut et Harald Duplouis / Catégorie: Tournage

Avec Trentenaires, la RTBF innove encore

C'est une première. Après avoir été l'un des plus grands succès télévisés de l'histoire en Flandre – 750 000 personnes sur la VRT et plus de deux millions pour la diffusion en ligne ! –, la série Dertigers s'apprête à connaître une adaptation francophone (Trentenaires, sa traduction), dont le long tournage se boucle en ce moment, à Charleroi.

Coproduits par la filiale belge de la Warner avec la RTBF, les vingt-quatre épisodes de vingt-six minutes ont été réalisés par Joachim Weissmann (1 semaine sur 2) et verront le jour au printemps, sur Tipik. Une nouveauté de plus dans le paysage...

Depuis fin d'année dernière et l'annonce d'un casting public lancé par la RTBF ouvert à "toute personne âgée de 27 à 38 ans", on supposait qu'un projet d'un genre nouveau se tramait quelque part, en coulisses. Renseignements pris, c'était de l'adaptation d'une série flamande-phare dont il s'agissait : Dertigers (Trentenaires, en français) en l'occurrence, qui lancée en 2019 sur la VRT pendant quatre saisons, a suscité un engouement quasiment unique, puisque dans l'histoire du petit écran flamand, seule une (!) série (Thuis, qui dure depuis ...1995) avait réalisé de meilleures audiences. Un succès que la RTBF espère évidemment vivre de son côté, dans la foulée de son tournant "local" amorcé en 2013, notamment en créant le Fonds Séries - avec la Fédération Wallonie-Bruxelles -, qui a fait naître La Trêve, Ennemi Public, Unité 42, Baraki, Pandore et plus récemment, Des gens bien. Si dans ce cas précis, la reproduction d'un pareil scénario n'est bien sûr pas encore garantie, cette initiative inédite peut se saluer. Débuté le 11 juillet, le tournage, allongé de quelques semaines, se termine fin novembre.

Une série adaptée aux Pays-Bas et en Allemagne

Et si le projet original s'est entièrement tourné à Anvers, c'est Charleroi, une ville jugée peu sollicitée dans le paysage belge, qui a été sélectionnée pour cette version francophone. L'occasion, après quatre-vingt jours de prises de vue, de palper l'ambiance sur le plateau, lors de scènes filmées dans le cimetière surplombant le célèbre Bois du Cazier. Et au moment d'une pause, de nous entretenir avec le réalisateur de ce marathon. Choisi sur un casting organisé par la branche belge de la Warner, Joachim Weissmann a, comme on s'en doute, d'abord été un peu intrigué par cette sollicitation. "Oui, car le projet est particulier. On appelle ça de «l'authentique fiction», précise celui qui a à son actif de nombreux courts-métrages. "Soit un tournage dans des conditions réelles et légères, avec un budget limité. La méthode permet une certaine créativité et offre de la souplesse. Comme on fonctionne en équipe réduite, on peut facilement modifier nos plans. C'est ce qui m'a attiré. Et puis surtout, en découvrant les résumés des épisodes, j'ai tout de suite compris le potentiel de la série et les raisons de son succès en Flandre, ainsi que l'adaptation aux Pays-Bas et bientôt en Allemagne."

Charleroi, un personnage à part entière

Nous demandons alors à Weissmann ce qu'il a exactement saisi, en parcourant le scénario de Trentenaires. "On y parle de sujets actuels et modernes. Le transfert au niveau du spectateur est direct, car on peut s'identifier à travers un ou plusieurs personnages, à différents moments, par le côté amical et bienveillant qu'il y a dans cette dramédie. On est tous passé par les moments et les événements que vivent nos héros au jour le jour : des couples qui se séparent ou qui se reforment, des secrets enfouis qui remontent à la surface, des barbecues ou des week-end entre potes, etc... On a envie de les suivre ! Et la ville, filmée de tous les côtés, est un personnage en soi." Plutôt qu'un remake, Weissmann parle d'une adaptation libre. "Car ce qui se passe à Anvers ne peut pas se dérouler de la même façon à Charleroi. On garde les mêmes ressorts dramatiques, mais en les faisant parfois évoluer. L'avantage, c'est que je bénéficie du passif de la série. Parlant souvent avec Wim De Smet, l'initiateur de la série flamande, j'ai pu savoir ce qui fonctionnait bien, moins ou pas. On a donc pu ajuster en fonction de ces éléments."

Des conditions de tournage inédites

Trentenaires, malgré des moyens limités donc – avec à peine une dizaine de techniciens sur le plateau, du jamais vu à ce niveau ! -, sera une série mobile. "C'est notre volonté de mettre en avant Charleroi, dans des décors différents et naturels. Quand on tourne par exemple dans une maison, on change juste quelques cadres pour s'approprier le décor. On n'est pas bloqué des jours dans un même lieu coûteux. On peut donc vite bouger ! On retrouve bien sûr les habitations de nos personnages, mais là aussi, on jouit de liberté. Et on tourne parfois avec de vrais habitants carolos". Ainsi, un (vrai) boulanger, une (vraie) libraire et une (vraie) directrice d'école apparaîtront entre autres dans la série. "Au début, ça a été compliqué de s'approprier tout le système de fonctionnement du projet. Mais assez vite, j'ai compris les avantages. Et les textes et les dialogues, on les revoit avec les comédien.enne.s au fur et à mesure du tournage, ce qui fait aussi progresser la série. C'est plaisant !". Et qui dit équipe restreinte dit membres soudés. "Je ne travaille ici quasi qu'avec des gens que je connais. Car je savais que l' entreprise serait compliquée et qu'il fallait une équipe unie. Simplement pour tenir le coup, car on accumule beaucoup d'heures et donc de fatigue. La cohésion entre comédien.enne.s et technicien.enne.s est d'autant plus essentielle dans ce cas."

Collaborant donc à l'écriture avec ses acteurices, Weissmann a aussi bénéficié des conseils de Wim De Smet, ainsi que de l'apport de deux auteurs, Camille Didion et Maxime Pasque. "À la base, ils étaient là l'adaptation, Wim nous ayant donné les résumés des séquences. On a travaillé sur les versions dialoguées, en implantant le tout à Charleroi. Cette scénarisation a duré jusqu' à l'arrivée sur le plateau, pour garder un côté réaliste et pour que les acteurices puissent se projeter tant dans leur personnage que dans le texte. En fait, c'est le dialogue qui va aux comédien.enne.s. Et dans certains cas bien précis, je peux les laisser improviser."

Près d'un millier de comédien.enne.s casté.e.s...

Comme dans la version flamande, la Warner, pour une meilleure identification des personnages, a opté pour des visages encore peu connus du public. D'où le fameux casting initial, pour lequel la production a reçu... neuf cents candidatures ! "Moi, j'ai dû en voir deux cents. Après, ça a été un puzzle pour trouver les caractères en adéquation avec les personnages. Et il fallait composer un groupe homogène. Avec celles et ceux qui ont été choisi.e.s, on a organisé une visite de Charleroi avant le tournage. Car un tel casting peut faire peur et questionner, mais une belle synergie s'est créée. Entre les prises, je les vois s'amuser, alors qu'il y a parfois des choses dures à tourner. On passe parfois d'une séquence du 23e épisode à une autre du 2eme ! Cet été, on a tourné quinze jours aux barrages de l'Eau d'Heure, avec des scènes intenses et difficiles à tourner. Sans atomes crochus, le groupe aurait pu éclater. Ce qui n'a pas été le cas !

...pour une poignée de rescapés

Des personnages arrivant en cours de route, d'autres s'en allant, Weissmann préfère parler d'un «petit groupe de trentenaires», plutôt que de citer un nombre précis. "Il y a un couple formé par Carole Matagne (Sophie) et Benjamin Ramon (Vincent). On a aussi Amandine Hinnekens (Alexandra), Boris Prager (Lucas), Marie Diaby (Sarah) et un autre couple, avec Max (Gabriel Da Costa) et Karim (Nahim Belhaloumi). Et parmi ceux qui gravitent autour, il y a Yassin Fadel (Malik, le petit ami de Sarah), Issam Messaoudi (Diego) et Jeanne Abraham (Marie)." L'histoire a comme point de départ une poignée de mi-trentenaires se connaissant depuis leurs années d'études. Tous et toutes luttent avec les défis de leur génération, en cherchant à trouver un équilibre entre la famille et le travail. En parallèle, un vieux traumatisme les lie, mais qui pourrait à tout moment les séparer...

Un paysage belge francophone qui évolue

Se disant appliqué et soucieux d'être à la hauteur des attentes, Weissmann se réjouit de l'évolution du paysage, notamment pour les réalisateurices belges francophones. "Ce que la RTBF met en place avec ces séries permet à des réalisateurices de s'épanouir dans leur métier au quotidien, comme je suis en train de le faire. Pendant longtemps, le travail se limitait pour nous à du court-métrage ou de la publicité. J'espère que le public y trouvera son compte, mais je nourris déjà l'espoir d'aller jusqu'à la quatrième saison. Les personnages en valent la peine !" La série mise aussi sur la musique, la bande-son ayant aussi participé au succès flamand. "Elle est importante en effet, car on passe en revue beaucoup de succès planétaires. Mais des artistes belges aussi. En ce moment d'ailleurs, j'en découvre beaucoup pour les besoins du projet !"

Signalons enfin que malgré l'éclatant succès sur la VRT, celle-ci a, en accord avec les créateurices de la série, choisi de la boucler après quatre saisons, n'empêchant pas l'aventure de se finir en beauté par un... long-métrage ! Ce qui a suscité de nombreuses réactions (frustrées) chez beaucoup de téléspectateurices. Dans la foulée, la chaîne flamande a alors entamé la production d'une autre série dans la même veine, articulée cette fois autour de ..vingtenaires – il ne faut parfois pas chercher bien loin...-, avec bien sûr, de nouveaux comédien.e.nne.s. En attendant, un groupe Facebook de Trentenaires a spécialement été créé, avant que le verdict de la version francophone ne tombe au printemps. "C'est une série qui se regardera la larme à l'œil et en dansant devant la télé !", prévoit en souriant Weissmann.

Tout à propos de: