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Sur le tournage de Vizorek raconte le cinéma belge

Publié le 22/10/2025 par David Hainaut et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Critique

Voyage au centre du cinéma belge

À Liège, Alex Vizorek vient de boucler les prises de vues du quatrième épisode de Vizorek raconte, sa série documentaire pour la RTBF. Après Raymond Goethals, Jacques Brel et Annie Cordy, il s’attaque cette fois à une sorte de mythe collectif : le cinéma belge. Accompagné par la journaliste Valérie Savoir et le réalisateur Hugues Jossa, l’humoriste a bouclé une année d’entretiens et de rencontres.

Liège, octobre 2025. Entre les arbres du parc de la Boverie, le soleil parvient à percer. Aux abords du musée, une poignée de techniciens s'affaire pendant que de jeunes joggeurs curieux ralentissent la foulée. Car c’est ici que s’achève un tournage "nomade", mené des Flandres à Bruxelles avant de revenir sur les bords de Meuse, pour l’une de ses dernières scènes. Et si depuis de nombreuses années, Alex Vizorek enchaîne les salles, les plateaux, les studios de radio et les chroniques télé, ici, il n’est plus un chroniqueur ou un humoriste. Mais le fil conducteur d’une série documentaire.

Bouli Lanners, dernier acte

Sur des marches, autour d'un dispositif réduit, Vizorek est installé face à Bouli Lanners, pour une conversation sur le 7e art belge. D'abord un peu réticent quant à l'idée de participer à une nouvelle émission sur le thème, l'acteur du coin a finalement accepté de consacrer une partie de sa journée de repos d'un (autre) tournage qui l'occupe en ce moment: celui d'un ambitieux long-métrage Le Faux Soir, de Michaël R. Roskam.

Les prises de vue se déroulent dans une atmosphère paisible. Tout le monde a le sourire. Le présentateur écoute, rebondit et improvise, toujours avec bienveillance. “Ici, je ne suis jamais qu’un instrument, un personnage qu’on utilise pour interviewer des gens. L’idée, c’est juste d’être une sorte de guide.”, nous rappelle-t-il. Le réalisateur Hugues Jossa, habitué des tournages légers, a privilégié la sobriété, avec deux caméras. “C’est un cinéma documentaire, mais avec une vraie mise en scène.”, nous confiera Valérie Savoir, la journaliste et éditrice de cette collection.

Une collection pensée pour durer

Coproduit et diffusé par la chaîne publique ainsi que par Proximus, Vizorek raconte s’est imposé comme un ensemble patrimonial à part. Il ne s'agit ni d'un documentaire “classique”, ni d'un pur divertissement, mais plutôt d'un format hybride, qui explore la mémoire collective. Les trois premiers volets – Raymond Goethals (2022), Jacques Brel (2024) et Annie Cordy (2025) – ont réuni jusqu’à près d’un demi-million de téléspectateurs sur La Une. Leurs rediffusions sur Auvio et en France – sur Paris Première – ont prolongé leur vie, confirmant le potentiel de la formule. “On parle de personnalités qui ont marqué la Belgique, mais sans faire un panthéon. On essaie de faire des histoires vivantes.”, résume Vizorek.

À l’origine du projet, on retrouve David Haremza, Éric Willem et la production de Switch On Prod, basée à Bruxelles. Leur credo ? Raconter les figures populaires avec autant de fraîcheur que de rigueur. La RTBF les a suivis dès le départ, convaincue par l’idée d’un “passeur cultivé, mais proche du public.”, incarné par Vizorek donc. “La RTBF souhaite dans ce cas un programme familial. On parle peut-être de mémoire, mais jamais de façon figée. L'objectif, c’est de donner envie aux Belges de regarder leur patrimoine avec curiosité. On tente de faire une série fédératrice, qui parle à toutes les générations, et Alex incarne parfaitement ce ton-là, en étant cultivé, drôle et accessible.”, détaille Valérie Savoir. Ce quatrième épisode change donc d’échelle. “Jusqu’à présent, on abordait des personnalités. Pour une fois, c’est tout un milieu, foisonnant, et que je découvre un peu, comme journaliste généraliste.” L’équipe a ainsi sillonné le pays pour rencontrer comédiens, réalisateurs, techniciens et producteurs.

Le contenu de l’épisode

Ce numéro ambitionne de dresser un petit panorama de la production belge actuelle et de son histoire récente. Où les intervenants évoquent leurs débuts, leurs influences ou même la manière dont la Belgique est perçue à l’étranger. Outre Lanners, on pourra y croiser Yolande Moreau, Jaco Van Dormael, Gérard Corbiau, Jan Bucquoy, Benoît Mariage, Fabrice Du Welz, Patrick Ridremont, Laura Wandel, Virginie Hocq et beaucoup d'autres, comme le journaliste-maison Hugues Dayez.“On voulait un panel large, du plus populaire aux métiers de l’ombre, du son à la lumière", précise Savoir. “On a essayé d’avoir une vraie mosaïque de la création nationale”, ajoute-t-elle. “Des acteurs qu’on connaît bien, d’autres qu’on découvre, et surtout une égalité entre les deux communautés linguistiques." Ainsi, Veerle Baetens et Adil El Arbi seront aussi de la partie. "C’était important pour nous de montrer qu’il n’y a pas un seul cinéma belge, qu'il a plusieurs visages.”

Les frères Dardenne, bien qu'incontournables, n’ont hélas pas souhaité participer au concept. “Ce sont des figures tutélaires. Mais leur cinéma ne résume pas tout. Notre cinéma, c’est aussi Corbiau, Van Dormael ou Michiel Blanchart, qu'on a interviewé juste avant qu'il ne reçoive ses dix Magritte pour La Nuit se traîne, sourit Vizorek. L’acteur Olivier Gourmet est lui aussi absent du volet, bien qu'également cité. “Indirectement, on les évoque forcément de plusieurs façons”, nous préciseront autant Savoir que Vizorek.

Humour et transmission

Dans le jardin de la Boverie, Vizorek et Lanners s’amusent des clichés, parlent d’argent, de météo, de langue, de culture. Le ton oscille entre dérision et fierté tranquille. “Le cinéma belge, c’est un peu un art de la débrouille”, nous glisse Vizorek. Un mélange d’autodérision et de lucidité devrait traverser tout l'épisode. “Je n’essaie pas de faire rire à tout prix. Mais on apporte un peu de légèreté, qui est aussi une manière de faire passer quelque chose.”

Valérie Savoir complète : “On a parlé de Goethals, de Brel et de Cordy, toujours avec humanité. C’est ce mélange de curiosité et de respect qui fait la différence. On fera pareil ici.” Pour la RTBF, cette série s’inscrit dans une logique de prime time culturelle : un documentaire grand public diffusé lors d’une soirée spéciale, souvent précédé d’un plateau présenté par Vizorek lui-même. “Ces soirées permettent de prolonger la conversation. On sait que des familles regardent ensemble, rient et commentent. C’est la plus belle récompense.”, observe Savoir.

Une aventure collective

Au fil des années, Vizorek raconte est devenu une petite famille de tournage. “Tout le monde sait comment Alex fonctionne, ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas. C’est plutôt rare, une telle fidélité.”, sourit Savoir. “On n’a pas le dispositif d'une grosse production, mais ça permet de garder une vraie proximité.”, explique Savoir. “J’aime bien travailler avec des gens”, commente Vizorek. “Je suis pris par la main du début à la fin, et quand je pose ma voix sur le montage, je redécouvre tout. C’est là que je mesure le travail formidable effectué, et qu'on perçoit cet équilibre entre émotion et information”

Un Vizorek qui jongle en ce moment entre ses chroniques et son jeu quotidien sur RTL France, ses interventions dans Télématin sur France 2, dans La Grande Galerie sur TV5 (un nouveau talk sur l'art animé par Hugo Clément) et sa tournée scénique 2 et demi. Toujours sur tous les fronts, son livre à succès L’histoire du suppositoire sera adapté en spectacle familial - produit par le TTO - avec Alice on the Roof et Thomas Mustin. Outre ses multiples casquettes, Alex Vizorek a aussi goûté au jeu d’acteur, entre autres chez Jan Bucquoy (La Dernière tentation des Belges) ou Véronique Jadin (L'Employée du Mois). Et si ce diplômé du cours Florent parisien dit ne pas courir après les rôles, il ne cache pas que “Si quelqu’un pense à moi et a envie de m’embarquer, j’y vais. Mais je ne me lève pas le matin pour appeler des réalisateurs."

Un film qui poursuit sa fabrication

Si ce documentaire s'est – réellement - terminé avec quelques séquences de micro-trottoir près de la gare des Guillemins, prises juste au terme de notre visite, le montage, lui, est entamé depuis un moment à Bruxelles, où Hugues Jossa et Valérie Savoir doivent ordonner des heures d’entretiens. La recherche d’archives s'est comme toujours avérée essentielle, avec des extraits de films, des interviews oubliées et quelques documents rares, issus de la Cinematek ou de la Sonuma. “Les archives donnent de la profondeur et ancrent notre propos dans le temps.”, note Savoir.

Quant à la diffusion, elle est prévue sur Proximus (Pickx) en novembre, puis La Une et Auvio début 2026, en marge des désormais futurs ex-Magritte du cinéma. L’idée, selon Switch On Prod, est aussi de pérenniser la collection : un cinquième épisode est déjà en discussion, à nouveau autour d'une thématique. L’humour, la chanson et la BD ont déjà été évoqués. La RTBF tient à poursuivre ces aventures, forte du succès d’audience et des retours presse, souvent élogieux sur le “ton singulier et bienveillant” de Vizorek. En attendant, “Si les gens ont envie de revoir un film belge, ou simplement d’en découvrir un, alors on aura réussi!”, conclut Vizorek.