Dans le court métrage Grand Bonhomme, Émile, 7 ans, désireux de tirer un trait sur son enfance, s’est soudainement métamorphosé en adulte. Cette transformation concerne seulement son corps car il garde son âme d’enfant, se retrouvant déphasé par rapport au monde. Cette disjonction entre corps et esprit reflète le paradoxe qui traverse le personnage contraint de devoir changer de vie, d’affronter un trouble émotionnel anormal pour son âge.
Grand Bonhomme de Colin Cressent

Le père de notre héros est décédé et sa mère doit faire face à ses comportements étranges, irrationnels et son tempérament bilieux. Ce rôle est incarné par Myriem Akheddiou qui y ajoute une touche d’ironie, de sarcasme et de sensibilité. Elle personnifie à merveille la délicatesse d’une mère forcée de confronter son enfant à la perte de son autre parent et la tension engendrée par l’invitation à lui faire accepter un nouveau partenaire.
Le réalisateur fait preuve d’innovation en mêlant humour et morosité pour dépeindre une histoire de deuil, vivier d’émotions occultées et difficiles à discerner. Le film nous rappelle quelque part aussi la limite ténue entre deux âges que le monde distancie, alors qu’ils partagent beaucoup plus de similarités qu’il n’y parait. Quelle part de l’enfance est acceptable dans l’âge adulte et vice-versa ? Quels aspects de l’un et l’autre peuvent s’entrecroiser ? Jean Le Peltier et son jeu maîtrisé fait de sentiments ambivalents répondent avec brio à cette interrogation tout aussi ambiguë en questionnant les visions du monde des autres personnages.