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Sur le tournage de Zartmo

Publié le 01/04/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Dans le cinéma les rapports sont de plus en plus brutaux, on est confronté quotidiennement à du capitalisme sauvage.

Cédric Khan — Les Inrockuptibles

Tournage de Zartmo de Marc Dalmans

 

Neuf heures du mat. Toute la nuit, il a neigé. Des flocons qui en se déposant sur le sol forment 3 cm de neige poudreuse. Nous devons nous rendre sur le tournage de Zartmo (Mozart en verlan), un court métrage réalisé par Marc Dalmans. 

Le sujet est épatant. D'ailleurs les glissades c'est tout un art pour le cinéma belge qui surfe sur tout ce qui lui permet d'exister. Place Jeff Mennekens, un tram est bloqué. C'est à l'intérieur de celui-ci que se tourne Zartmo.

Nous sommes gelés et faisons rouler entre nos paumes un gobelet de café brûlant que la régie nous a offert, tout en observant la scène qui se déroule devant nos yeux.

Une dame âgée (Annie Cordy), habillée de vêtements sombres, les cheveux coupés courts, portant de petites lunettes de soleil est assise sur la banquette du tramway, Elle a la tête posée contre la vitre. Djamel, un jeune garçon (Saïd Hammes) se laisse tomber sur la banquette opposée. Il retire son bonnet de laine et met ses mains dans les poches de son blouson et entame une conversation avec sa voisine.

Il y est notamment question de foot. « Y'a un terrain de la mort qui tue, putain, grave ! », s'exclame-t-il. «Tu es obligé de dire « putain » comme ça, tout le temps ? », rétorque la dame. - « Quoi ? Tu vas pas m'prendre la teuté ! » --- « La Quoi ? » --- « La tête ! J'dis putain si je veux, putain ! » ---« Ce n'est pas terrible comme style ». ---« C'est ça, ouais ! Parce que ton style à toi, y va me dire comment y doit être mon style à moi ? »

La vieille dame hausse les épaules et lâche : « Pu-taaiin ! » et continue, en imitant le garçon « Putain ! Putain-putain !! Putain-putain-putain !! » Coupez ! Après trois prises captées par la DV-Cam Sony (dV, 13ccd) placée sur une mini dolly Panther qui permet de démarrer sur un plan d'ensemble des deux protagonistes (Saïd étant de dos en amorce) pour s'achever sur Annie Cordy en gros plan. Le tout enregistré sur l'Aaton Centar X par Philippe Vandendriesche (l'un des premiers à être sorti des ateliers de Jean-Pierre Beauviola) qui a 8 pistes, enregistre et grave sur DVD le matériel sonore de la journée.

 

Réalisateur

 

Zartmo de Marc Dalmans

 

« Faire du cinéma s'apparente à un rêve d'enfance, nous confie Marc Dalmans. A 18 ans j'ai failli être reçu à l'INSAS et, entre-temps, j'ai fondé une famille et j'ai donc eu un apprentissage d'autodidacte. J'ai eu la chance de rencontrer Gerald Frydman qui m'a pris pendant un an comme assistant bénévole et avec qui j'ai appris beaucoup sur ce métier à une époque où il y avait peu de films qui se faisaient en Belgique. Ensuite vers les années 95, on a commencé à faire des téléfilms. Cela m'a permis de me former. J'ai travaillé sur des films comme Une liaison pornographique, Les Portes de la gloire, Les Convoyeurs attendent, Jeux d'enfants, Madame Edouard, etc. Entre-temps, j'écrivais des scénarios de court métrage avec Jean-Sébastien Lopez, pour les dialogues. Après deux ans de travail sur Zartmo, on l'a présenté chez Artémis puis à la Commission de Sélection, qui l'a accepté.

Le sujet, comme vous avez pu le voir, est la transmission. Ce qui de nos jours est déjà difficile entre les gens âgés et les jeunes l'est davantage encore entre une dame âgée belge, ou européenne, et des jeunes immigrés. On est à des années-lumière. C'était plus intéressant de faire se rencontrer non seulement les générations mais des gens qui sont d'origine différente. Il y a à la fois un choc des cultures et de l'âge. Alors que tout est dans la communication qu'on soit vieux, jeune, immigré, qu'on ait envie de porter le foulard ou qu'on soit martien. Le scénario c'est vraiment cela. On essaye de faire passer cela avec humour ».

 

 

Tournage de Zartmo de Marc Dalmans

Il est important d'ajouter que le tram comme la rue extérieure est vide. Que la vieille dame raconte une histoire à Djamel qui ressemble à un conte. Le film étant tourné en DV nous en demandons les raisons au réalisateur. Celui-ci nous explique qu'il y a deux raisons à cela.

« Tout d'abord en Belgique on a de plus en plus de talents, continue Marc Dalmans, mais on a la même enveloppe budgétaire depuis des années. C'est pire encore pour le court métrage car il y a tout un foisonnement pour le moment sans pour autant avoir plus d'argent. Donc la Commission a eu cette idée de donner de l'argent à 5 courts au lieu des cinq qui étaient prévus( ?) sur les 35 qui se présentaient. Du coup tout le monde a moins d'argent. La solution est d'utiliser la DV qui coûte moins cher, et dans ce cas cela convient bien. On tourne dans un tram. Je n'ai pas besoin d'une image superbe, léchée. Ce n'est pas le propos. C'est un film un peu surréaliste, un peu magique. Le sujet tourne autour des personnages. Et ensuite la DV me permet de faire davantage de prises, d'essayer plus de choses. Et le kinescopage en 35mm est devenu de très bonne qualité à partir du moment où on garde certaines lumières, certaines couleurs. C'est-à-dire qu'il faut éviter de sous-exposer. Ici comme on a assez bien de lumière ---on a fait des essais avant de tourner - la qualité est plus que suffisante ».

 

La présence d'Annie Cordy dans un premier court métrage ? « Elle est proche des gens, comme dans l'histoire. Elle a une énergie incroyable et aime revenir en Belgique. On s'est rencontrés sur Madame Edouard, le film de Nadine Monfils et je lui ai fait lire le scénario. Elle l'a aimé. Ça s'est fait simplement. J'ai la chance de disposer d'une très bonne équipe. Ce que je regrette c'est de n'avoir pas le budget pour la payer. Raison de plus pour les remercier de leur participation et regretter que la plus grande partie du budget passe dans la location du tram.

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