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Tailor, un film de Sonia Liza Kenterman

Publié le 26/11/2020 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Deux hommes hors de leur temps. Un père tiré à quatre épingles, digne, à la prestance infinie malgré les coups que lui inflige l’existence. Un fils dans son ombre, mais pourtant tout aussi doué, qui tente de garder confiance en l’avenir. Face à eux, le couperet de l’argent, et la faillite qui menace la boutique familiale de costumes sur mesure. 

Tailor. Derrière ce titre sobre se cache le premier long-métrage de la réalisatrice grecque Sonia Liza Kenterman, qui fera cette année l’ouverture de la 20e édition du Festival du film méditerranéen de Bruxelles, le Cinemamed, une avant-première belge numérique bien sûr, compte tenu des circonstances. 

Un film pétillant et coloré, au casting chaleureux et à l’ambiance joyeuse qui donne une bouffée d’air frais dans l’atmosphère anxiogène de cette année difficile. 

Tailor de Sonia Liza Kenterman

 

Face à la saisie imminente de la boutique de son père malade, Nikos tente de garder son calme, son sang-froid et surtout son sourire, dans une société de plus en plus en décalage avec son métier et son mode de vie. À court d’argent, il part à la débrouille et devient tailleur ambulant, poussant son échoppe mobile à travers les rues d’Athènes. Ce projet un peu fou, mené par un personnage qui apparaît tout d’abord un peu simplet, semble voué à l’échec. Là où lui est fasciné par le beau et par le temps qui suit son cours, le monde qui l’entoure ne s’arrête plus pour admirer ses créations, pour caresser les étoffes qu’il travaille avec soin. Pourquoi se ruiner pour de la laine d'alpaga, après tout, alors qu’on peut si facilement avoir la même chose plus vite et moins cher chez le fripier du coin ? 

Pourtant, porté par son enthousiame et sans jamais se départir de son sourire et de son optimisme, Nikos nous entraîne dans son aventure. Une aventure que l’on suit avec bonheur, guidée par le regard d’une Sonia Liza Kenterman qui s’annonce déjà comme une réalisatrice de talent. Posant sa caméra là où il faut, à la recherche de plans pourvus de sens, elle nous transmet sa passion pour les belles mises en scène et nous offre la qualité d’une image aussi précise qu’un point de dentelle. Son intérêt pour le sujet semble d’ailleurs évident. Sonia Liza Kenterman paraît fascinée par le tissu et par son travail, par la matière en général, une texture palpable. Elle nous emporte dans cette recherche du beau, de l’art de la création, pour nous conduire jusqu’à l’instant où l’on aura l’impression de pouvoir caresser l’image. En échappant le plus souvent aux écueils bordant le chemin difficile que représente un premier long-métrage, elle parvient à offrir des plans splendides, tout en mettant en lumière la qualité de son casting. 

Dimitris Imellos crève l’écran par la finesse de son jeu, accompagné par des seconds rôles aussi pétillants qu’espiègles, aussi lumineux que délicats. Puisant à la fois dans le Charlot de Chaplin et dans le personnage du clown triste de Keaton, il porte le film par son charisme et sa bonhomie constante, qui contamine tous ceux qui l’entourent et le rencontrent. Il en va de même pour Olga (Tamila Koulieva) et Victoria (Daphne Michopoulou), entraînées dans l’aventure par la bonne humeur de Nikos, à laquelle elles ajoutent une bonne dose de joie et de gaieté. Fait notable autant qu’il est agréable, la réalisatrice traite avec respect et douceur l’ensemble de ses personnages, sans jamais les maltraiter ou les dégrader malgré les positions divergentes face aux défis de Nikos, et aux péripéties du récit. C’est pétillant, musical,  coloré et résolument positif, et ce cocktail fait du bien. Une histoire pleine de bonnes ondes malgré un sujet difficile. Un film simple mais très réussi, une petite fable urbaine qui fait plaisir à voir, à écouter et à ressentir.

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