Marzenka, qui a quitté sa Pologne natale pour habiter en Europe occidentale il y a une vingtaine d'années, retourne au village où vit la dernière personne proche qui lui reste, sa tante Niuśka, l'héroïne de son enfance, et fait le portrait intime de celle-ci, tout en reliant sa protagoniste à sa propre histoire.
The Godmother, de Marzena Sowa - Festival Millenium
Gardienne de la famille et maîtresse de la maison, femme solide, intègre et chaleureuse, Niuśka a toujours été une figure importante pour la réalisatrice. Or, ce qui déclenche et guide le film, c'est la volonté de celle-ci de livrer une image plus proche de la vérité par rapport à Niuśka, une image qui, en creusant au-delà des rôles assignés aux femmes par la société polonaise, se met à l'écoute des vrais désirs de son personnage.
Si la réalisatrice filme souvent sa tante dans son quotidien, entourée de sa famille, elle a le souci de créer des moments de retrait, des moments à deux avec sa tante. Images de campagne, reflets de la lumière du printemps, ballades en vélo et visites aux amies de la tante, la narration du film est guidée par ces moments de repos et d'échange entre femmes. Se confiant facilement, Niuśka avoue qu'elle n'a jamais aimé son mari et que récemment, à quatre-vingts ans, elle a ressenti une émotion forte pour un homme, qui a mobilisé tout son corps, en la remplissant d'étincelles. Des moments d'échange entre femmes, des moments qui se balancent entre pudeur et envie de partage, composent des scènes très significatives sur la sexualité des femmes, une sexualité qui s'exprime insatisfaite, subie.
Caméra à l’épaule et sans cesse en interaction avec sa tante, ses nièces et sa cousine, la réalisatrice fait aussi un film sur l'amitié et l'échange entre différentes générations. Quand Marzenka, qui revient souvent sur le processus de la création du film, demande à sa tante quelle sera sa réaction devant un film qui contient tous ces aveux, la réponse de la tante montre que l'espace que la réalisatrice crée et les besoins d'expression de sa tante coïncident parfaitement.
Or, ce geste réflexif de la réalisatrice la concerne également lui-même, car en même temps qu'un portrait de sa tante, le film est une quête personnelle sur le rapport au chez-soi, les liens qui restent ou qui disparaissent avec les endroits d'où l'on vient. Proche des personnes qu'elle filme en même temps qu'observatrice extérieure, Marzenka compose une voix off lucide qui ponctue les scènes d'échange direct et apporte au film un caractère romanesque où la narratrice revient sur ce qu'on a vu, donne le contexte, se pose des questions. La disponibilité et la sincérité de la tante ainsi que la proximité de la voix off de la réalisatrice nous plongent généreusement dans un univers où la place des femmes ne cesse de se redéfinir et de se repenser, de la petite enfance jusqu'à la vieillesse.