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The Way Back de Maxime Jennes & Dimitri Petrovic

Publié le 20/03/2019 par Lucien Halflants / Catégorie: Critique

Si Hussein, jeune Irakien et protagoniste du documentaire, a laissé derrière lui toute une vie pour ne rien garder d'autre que ce qui le définit en tant qu'être, c'est bien sûr par nécessité plus que par choix apaisé. Et c'est à travers une lettre à sa fille pas encore née, qu'il offre - mis en images par Maxime Jennes et Dimitri Petrovic - un hymne à la vie bien plus forte que l'exil forcé.

 

The Way Back est un film migratoire avec les caractéristiques singulières du road movie. Il narre un trajet à contresens (Hussein repart de Belgique jusqu'en Grèce, soit l'inverse de son trajet européen) comme un retour à la source pour se souvenir et faire découvrir à sa compagne comme au spectateur, le chemin intérieur et géographique qu'il aura mené jusqu'à Bruxelles. C'est donc presque un film cartésien, qui expose avec évidence la difficulté de l'entreprise qu'est l’immigration mais surtout met de belle façon en exergue ses chances de réussite. Une existence ne s'arrête pas, dès lors qu'elle se meut. C'est là qu'elle bat le plus intensément, dans la douleur et dans la joie. Le film qui - à l'image de son protagoniste - avance et s'élève, démontre la difficulté imposée à des millions de gens de renaître ailleurs.
Les personnages tous plus intenses les uns que les autres s'offrent, lors des récurrentes rencontres, la possibilité de plaisanter sur l'absurdité de certains événements vécus. Certains pleureraient là où eux rient. Le film met ainsi à mal l'absurdité des situations et donc souvent les complications rencontrées par Hussein et ses comparses. Situations que même les exécutants autoritaires des différents pays traversés admettent être ridicules. Comment quelqu'un, un numéro dans un registre, peut séjourner dans certains pays distincts mais ne peut, par aucun moyen légal, en traverser les frontières ? Un exemple parmi tant d'autres...
Et puis, il y a ces instruments : les quarts de ton dansants d'un oud, luth oriental, qui embrasent les nappes des cordes frottées d'un violoncelle. Deux des plus beaux instruments du monde, aux origines éloignées (joués par Hussein, lui-même et par sa compagne) rassemblés par l'amour et par l'unicité de leurs beautés. Ces instants de grâce, dont le film est truffé, font ployer les âmes sous l'émotion et habillent en filigrane le post scriptum du métrage dans lequel résonne la charge symbolique d'une naissance. Oui, mettre au monde un enfant, peut aussi être un acte politique.
Par son montage et sa narration, le film fait preuve d'une grande malice dans sa manière de ne raconter les confrontations qu'à travers des ententes cordiales qui poussent par la force de son propos à l'espoir d'une union sans heurts mais questionne aussi l'importance de la sainte carte de séjour. (Elle rend à elle seule légal un voyage qui ne l'était pas quelques années plus tôt). C'est aussi une façon de démontrer sa confiance en l'intelligence et aux connaissances du spectateur concernant les tensions, hélas, inhérentes à ce genre de thématiques. Par exemple, la critique des décisions politiques et voix populaires craintives qui tendent à fermer les frontières là où les mafias humanitaires ont tout à gagner dans l'illégalité (faire passer dans le danger et exploiter dans l'infamie) et qui fragilisent l'équilibre mondial tant d'un point de vue démographique que culturel.
Et le film de dérouler son émouvant propos jusqu'à son aboutissement sous forme de questionnement, l'un des plus essentiels de notre époque : pourquoi s'embourbe-t-on dans une politique migratoire aussi maladivement fascisante ? Il suffirait, pourtant, de faire ce à quoi l'humanité est régulièrement contrainte depuis des millénaires et qui l'enrichit tant : ouvrir les frontières.

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