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Titina de Kajsa Naess

Publié le 29/03/2023 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Titina, premier long-métrage de la réalisatrice norvégienne Kajsa Naess, sort en salles, après avoir fait la clôture de la 42e édition du festival Anima. Une douce histoire toute de blanc vêtue, directement inspirée du récit de la conquête des pôles, et des personnalités qui se sont affrontés sur ces étendues gelées.

Titina de Kajsa Naess

Titina, c’est le toutou témoin de cette histoire. Celle qui a réellement accompagné Umberto Nobile, pilote et ingénieur d’aérostat italien, dans son épopée vers le pôle en compagnie de Roald Amundsen, explorateur norvégien connu pour avoir été le premier à atteindre le Pôle Sud. Et c’est au travers du point de vue de Titina que nous allons vivre cette aventure, ajoutant une dimension innocente et espiègle et quelque peu fantastique à ce récit qui aurait pu être bien plus sombre. Car on sent, derrière le vernis de l’animation enfantine choisie par la cinéaste, une histoire dure et rugueuse sur fond de fascisme italien et de batailles d’ego violentes entre les humains qui habitent le film. Des turbulences que l’on perçoit au détour d’un regard ou d’un dialogue, menés avec subtilité par la réalisatrice et qui donnent toute leur profondeur à ces personnages.

En faisant le choix d’un récit encadré, Kajsa Naess utilise le cinéma et l’archive pour ancrer son histoire dans le réel, en sublimant les images manquantes par la poésie de son animation. Les aplats blancs qui envahissent rapidement l’écran sont autant de plaines enneigées rempies de promesses et de dangers, alors que l’on revit au travers des bobines de Nobile lui-même l’aventure que fut cette expédition. De quoi contraster avec les images colorées et chaudes de l’Italie natale de l’ingénieur, où débute et se termine ce récit entre ciel et terre. Dans ces paysages, les personnages de Naess sont façonnés par le point de vue de la narratrice, à la fois riche d’émotions mais aussi caricaturés dans leurs excès. Comme ce petit dictateur colérique facilement identifiable, mais aussi Amundsen, qui cache bien son jeu derrière son flegme et sa moustache abondante. Un univers riche et plein de nuances comme de clins d'œil dans lequel on aime s’abandonner, au rythme de ces aventures d’un autre temps.

Résumer Titina à une simple aventure pour enfants serait un raccourci risqué. Au-delà d’être un dessin animé facile d’accès, la réalisatrice tisse avec son film une histoire pleine de contrastes, qui ne gomme pas les facettes les plus dures de son récit originel ni ne les aplanit. Au contraire, Kajsa Naess semble avoir choisi cette histoire pour - comme on l’a dit - ses aspérités et sa texture. Nous plongeant, petits et grands, dans la geste de cette conquête polaire à la fois course effrénée pour l’Histoire mais aussi fable de camaraderie et aventure épique vers un monde nouveau et fascinant.

Et le film de nous offrir, dans ses plus belles envolées, des scènes de voyage en plein ciel d’une grande poésie, où le temps semble se suspendre. Et une mélancolie douce nous emporte, alors que l’on dérive aux côtés de ces héros des siècles passés qui renaissent le temps de cette peinture en mouvement qu’est Titina, guidée par le trait d’une cinéaste de talent.

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