Cinergie.be

Vertige des plaines de Moana Son et Hugo Willocq

Publié le 27/03/2023 par Gauthier Godfirnon / Catégorie: Critique

Le court métrage documentaire Vertige des plaines des cinéastes Moana Son et Hugo Willocq porte bien son nom. Les paysages boisés se dessinent dans une ambiance teintée de mystère, de fantasy, voire de féérie. Dans le nord de la République tchèque, les villages (quasi) fantômes où évoluent ce couple de retraités et ce prêtre donnent a priori presque froid dans le dos. Mais l’humanité glorifiée des intervenants met du baume au cœur…

Vertige des plaines de Moana Son et Hugo Willocq

Le film dévoile les conséquences d’un pan d’histoire peu connu : celui des Allemands malmenés et exclus de la Tchécoslovaquie après la Seconde Guerre mondiale en 1945. Sur les 3,2 millions d’Allemands alors présents dans les Sudètes, zone à majorité germanophone du pays, ils furent environ trois millions à être expulsés et d’après les historiens, environ 20 000 d’entre eux dépérirent durant la déportation et près de 7000 autres moururent dans des camps d’internement. Ils furent privés de leur nationalité tchécoslovaque et tous leurs biens furent confisqués. En 1946, environ 1,3 million d’Allemands furent amenés en Allemagne de l’Ouest et 800 000 en Allemagne de l’Est.

Si les quelques images a priori futiles du quotidien de ces trois personnes âgées peuvent paraître superflues, le caractère sacré du film prend rapidement le dessus. En effet, le prêtre explique aussi la crise de foi dans la région, conséquence de ce dépeuplement et partage ses considérations sur le lien inextricable entre religion et communauté. Il démontre la force inébranlable du communautarisme et prouve que l’union peut toujours faire la force, même dans un lieu abandonné, désolé. Il s’investit corps et âme dans la rénovation de l’église de son village pour permettre au plus grand nombre de la fréquenter et par la même occasion, pour susciter l’optimisme de ses paroissiens.

En outre, les témoignages et réminiscences de la vieille dame d’origine germano-tchèque laissent un arrière-goût proustien, bucolique et attendrissant. Le spectateur est, malgré tout, confronté au caractère doux-amer de l’après-guerre, de l’espoir et du revers de la médaille. Loin de nous inciter au pessimisme, le court métrage dévoile la face sombre d’une déshumanisation puérile pour nous encourager à questionner la légitimité de la guerre, ses excès et ses conséquences.

Tout à propos de: