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Agnès Bovet - Acquisition et distribution - Adavision et Adav

Publié le 15/12/2012 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Réunis dans le cadre du Festival des Libertés, sous la supervision de Thierry Detaille, distributeur des documentaires du CBA et du WIP, des professionnels belges et étrangers se sont penchés sur la diffusion numérique et alternative du film documentaire. Agnès Bovet, responsable de l'achat et de la distribution de films pour l'ADAV et ADAVISION, est venue présenter l'expérience française, simple et efficace : mettre indifféremment, côte à côte, productions connues et moins connues faisant partie du patrimoine ou de l'actualité immédiate, suivant des thématiques, tout en épinglant un sujet avec présentation et analyse par un historien du cinéma. Bref, rendre attractive la connaissance. 

Agnès Bovet : ADAVISION est une filiale de l'ADAV, une association créée en 1984 qui fait de la distribution de films pour les organismes publics, les bibliothèques, médiathèques, écoles, lycées, collèges, et aussi tous les centres de documentation… Tous les lieux où l’on travaille avec les films dans un but éducatif ou culturel. Un groupe de professionnels s’est réuni pour réfléchir à la façon de mettre en place des vidéothèques de prêt dans les bibliothèques publiques. À l'origine, l'ADAV a été financée par un fond interministériel piloté par le Ministère de la Culture, avec le Ministère de la Jeunesse et des Sports et l'INA. Le premier travail a été de faire une étude sur les droits, et d'asseoir, autour de la table, des producteurs, des éditeurs (de VHS à l'époque), et des distributeurs pour réfléchir au moyen de faire entrer des VHS dans les bibliothèques de la même façon que les livres, et de pouvoir les prêter. En 1985, le premier catalogue a été monté, extrêmement sélectif, avec des films de patrimoine, l'association ayant pour vocation de valoriser le film et d'aider à sa diffusion. En 1985, il y a eu un changement de pouvoir en France, l'ADAV a cessé d'être subventionnée à cette date-là, et s'est transformée en centrale d'achat pour des bibliothèques. Depuis, elle se finance sur les ventes de programmes qu'elle négocie auprès des éditeurs et des producteurs.

Agnes Bovet chargée de l'acquisition et de la distribution auprès d' AdavisionCinergie : Les professionnels qui se sont réunis en 1984 sont-ils issus de la culture et de l'enseignement ou de la distribution ?
A. B. : Les deux ! Il y a eu des responsables de la culture, des administrateurs de théâtres et de l'animation culturelle et des producteurs, principalement de documentaires. Aujourd'hui, nous avons un très gros catalogue qui regroupe à la fois des films que l'on peut trouver dans un magasin, avec les grosses sorties, les blockbusters américains ou français, toute l'édition commerciale, et à côté de cela, tout ce qu'on ne trouve pas, des films négociés avec des producteurs indépendants, des films qui sont édités en microédition. C’est important pour nous, pour pouvoir exister dans des réseaux, pour pouvoir atteindre le public des bibliothèques et des centres de documentation.

Pour trouver ce que l’on cherche dans le catalogue, et parce que c'est notre mission, nous avons fait un très gros travail de valorisation avec ce que l’on appelle des « thémathèques » où l’on travaille sur un sujet. Ça peut être "psychanalyse et cinéma", "la problématique de l'eau dans le monde" etc. On va proposer, sur ce sujet, des films qui peuvent être à la fois des films de fiction, des documentaires, voire des animations jeune-public qui nous semblent pertinents à partir d'un angle qu'on a défini. À côté de cela, nous sortons, tous les trimestres, des affiches pédagogiques sur des genres cinématographiques où l’on explore les grands genres : le western, la comédie musicale. On est en train d'en préparer une sur "De cap et d'épée". Une personne de l'ADAV propose aussi des formations, à la fois pour le public ou pour des gens dont c'est le métier d'accueillir le public et de travailler autour des films. Il fait des présentations, des séminaires sur des genres filmiques. Ce sont principalement les bibliothèques qui organisent des manifestations autour d'un thème et invitent leurs adhérents à participer à ces séminaires.

C. : Votre catalogue est proposé aux structures du non-marchand, soit bibliothèques, médiathèques, centres de documentations, mais qu’en est-il des ciné-clubs ?

A. B. : Les ciné-clubs doivent adhérer à une fédération de ciné-clubs qui négocient des droits de diffusion de copies auprès des distributeurs de cinéma. Ce que nous faisons est un peu différent : on négocie, auprès des éditeurs de support ou des producteurs indépendants, le droit de prêt ou de consultation sur place, qui est un droit restreint par rapport à un droit de projection publique. Notre catalogue est formé de VHS, au départ, et actuellement de DVD, mais pas de copies qui permettent des projections publiques, sur grand écran, de bonne qualité. Aujourd'hui, se pose la question du numérique. Que vont devenir ces bibliothèques à l'heure du numérique, alors que déjà les jeunes sont déjà plutôt absents de ces structures, et qu'on peut trouver, sur Internet, un très grand nombre de films ?

C. : Que mettez-vous en place concrètement pour pallier à cela ?
Agnès Bovet, chargée de l'acquisition et de la distribution auprès d'ADAVISIONA. B. : Partant de notre expérience, nous savons que les fonds d'une bibliothèque ne ressemblent pas aux fonds d'une autre bibliothèque, les fonds d'une bibliothèque à Lille sont totalement différents de ceux de Lyon ou Marseille, surtout au niveau des documentaires. Chaque bibliothèque va s'intéresser à la culture régionale, aux questions de société qui sont pertinentes dans sa région. D'autre part, on s'adresse à des établissements qui peuvent être très différents; une bibliothèque, un centre de documentation à l'intérieur d'un centre de formation ou à l'intérieur d'un musée, ou encore une école ou une université. On s'adresse à des organismes qui attendent de trouver, dans notre catalogue, des choses très particulières. Quand on a réfléchi au passage du support DVD au support numérique, on s'est dit qu'il fallait proposer quelque chose qui soit à la fois très souple pour les bibliothèques et à la fois qui préserve le cœur de leur métier. Cela n'avait pas de sens que les bibliothèques deviennent des fournisseurs d'accès, soit un énorme site où chacun viendrait piocher. Il valait mieux proposer à ces institutions qu'elles puissent venir choisir leurs propres films de la même façon qu'elles le font avec le DVD. Chaque institution peut acquérir, de façon forfaitaire, des films. Les droits sont achetés pour 5 ans. Chaque établissement organise sa propre VOD, se dote de ses propres serveurs, et devient ainsi un portail qui s'adresse à ses usagers. On s'est concentré sur la constitution d'un catalogue, de négocier les droits pour un catalogue différencié, dans lequel on puisse trouver de la fiction, du documentaire, des conférences ou des films jeune public, pour pouvoir satisfaire les demandes. ADAVISION existe depuis deux ans seulement, on démarre à peine : trois clients ont constitué des fonds avec nous et nous ont beaucoup aidé à faire progresser la réflexion, mais on a une centaine d'établissements, en France, qui nous demande un accès.

On a, par exemple, équipé les bibliothèques de la Ville de Grenoble. Elles ont trouvé des subventions pour se doter d'un serveur, d'une interface pour héberger les films qu'elles ont acquis et avoir de la bande passante pour faire de la VOD à destination de leurs usagers. Ces bibliothèques ont acquis des films de notre catalogue, mais elles ont aussi acheté des droits à des producteurs locaux de documentaires. La question technique a été un frein et l'est souvent dans les discussions avec nos interlocuteurs. C'est pour cela que l'on travaille actuellement avec une société qui nous propose une solution technique qui nous permettra de proposer à une toute petite structure de pouvoir réaliser son propre site VOD et de pouvoir faire du prêt à distance et de la consultation sur place.

C. : Combien de films y a-t-il au catalogue ?
A. B. : Le catalogue actuel d'ADAVISION, c'est 3.575 films dont la moitié sont des documentaires.

C. : Comment faites-vous pour faire connaître des titres plus spécifiques auprès de vos clients ?
Agnès Bovet, chargée de l'acquisition et de la distribution auprès d'ADAVISIONA. B. : C'est surtout l'ADAV qui fait un gros travail d'éditorialisation sur le catalogue de DVD. Sur le film documentaire, nous avons un magazine en ligne qui sort tous les mois. Un magazine papier est édité chaque trimestre, avec la présentation, à chaque numéro, d'un producteur, d'un éditeur, ou d'un distributeur. On fait aussi une sélection de films, parmi les nouveautés du trimestre, des films qui nous semblent plus intéressants pour notre réseau et une sélection de films pour ADAVISION, en format numérique. On ne peut pas créer la notoriété d'un film, mais on essaie de faire un accompagnement. Ce sont les films les plus connus qui sont le plus demandés, mais connus ne veut pas dire qu'ils ont eu leur succès en salles. Pour le documentaire, il s'agit de films qui ont été remarqués dans les festivals.

C. : Votre catalogue n'est pas constitué uniquement de films français ?
A. B. : Principalement, mais pas uniquement. Nous avons un grand nombre de films belges, par exemple. On travaille avec des producteurs et des distributeurs belges en direct, mais on a aussi des films anglais, américains. La difficulté avec ces films, c'est la négociation de droits, parce que chaque pays a une conception très différente du droit de diffusion.