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De Leider komt de Michiel Geluykens et Manuel Janssens

Publié le 28/07/2025 par Malko Douglas Tolley, Cyril Desmet et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Un film entre chaos, engagement et humour grinçant (Spécial BIFFF)

Pour la première fois, Cinergie.be a eu l’honneur de constituer un jury au sein du Festival International du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF), qui s’est tenu au Palais 10 de Brussels Expo. À travers une sélection de courts métrages belges d’une remarquable diversité et d’une grande exigence formelle, le BIFFF a une nouvelle fois démontré son engagement en faveur d’un cinéma de genre audacieux et inventif.

Le Jury Cinergie, composé de cinq critiques de cinéma, a décerné son tout premier Prix à De Leider Komt (The Leader Will Come) de Michiel Geluykens et Manuel Janssens. Une œuvre percutante, à la fois politique, cinématographiquement ambitieuse, et profondément inscrite dans l’esprit du festival. Retour, avec ses réalisateurs, sur la genèse d’un film qui frappe fort.

Cinergie : Pouvez-vous nous parler de la genèse du film ? Comment avez-vous élaboré le concept de votre film ?

Michiel Geluykens : L’idée du film est née à une période où l’on a vraiment constaté que l’extrême droite devenait encore plus populaire qu’elle ne l’était déjà. Ce mouvement se présente aux gens comme sympathique et normal, mais il cache des intentions loin d’être bienveillantes, utilisant les gens à son avantage. C’est quelque chose que nous avons vu, en Belgique comme ailleurs. Cela a mené à l’idée de montrer comment certains politiciens, de manière très habile, manipulent les gens pour atteindre leurs objectifs. Ce genre de figures politiques émerge un peu partout dans le monde.

 

C. : Vous avez travaillé ensemble sur le concept et les idées du film ? Vous étiez tous les deux impliqués dès le départ ?

Manuel Janssens : On a passé beaucoup de temps dans la phase d'idéation. Après un premier court-métrage ensemble, l’idée est venue de travailler sur la polarisation, en restant proches de choses qu’on connaissait, comme un cercle étudiant de droite. L’idée d’un leader maléfique était déjà là sous différentes formes.

Et puis un jour, le titre "Le Leader viendra" s’est imposé. À partir de là, tout s’est construit autour de cette idée : un groupe de gens qui attend l’arrivée de quelqu’un dans un centre communautaire typique de Flandre. C’est ainsi que le film a commencé à prendre forme.

 

C. : Vous avez dit que ce mouvement émergeait en Flandre, mais aussi un peu partout dans le monde. Qu’est-ce qui, selon vous, est vraiment typique de la Flandre dans le film — quelque chose que seuls des Belges peuvent vraiment reconnaître ? Et à l’inverse, qu’est-ce qui vous semble plus universel, plus international dans votre idée ?

M.G. :  C’est un mélange d’éléments très locaux et d’aspects plus universels. Ce qui est typiquement flamand dans le film, c’est ce grand dîner dans un centre communautaire, un cadre familier où l’on entend parfois des propos racistes ou déplacés. Plus la soirée avance, plus les discours deviennent choquants. C’est une situation que beaucoup de Belges reconnaîtront.

À un niveau plus global, le personnage du politicien incarne une figure contemporaine : celle d’un leader aux idées extrêmes, parfois fascistes, mais qui se présente comme irréprochable. Il manipule les autres pour atteindre ses objectifs, tout en leur laissant faire le sale travail. Il suffit de regarder l’actualité pour constater que ce type de dérives apparaît un peu partout dans le monde.

Le film s’inspire aussi d’un fait réel en Belgique : l’incendie criminel d’un futur centre pour réfugiés, à la suite de protestations locales. Cet événement nous a poussés à en proposer une interprétation fictionnelle.

 

C. : Le film aborde des thèmes politiques, mais c’est aussi un film de genre, avec des références au cinéma de genre et d’action. Est-ce que vous êtes fans de ce type de cinéma ? Et pouvez-vous nous en dire plus sur cet aspect plus ludique du film, qui est aussi très plaisant à regarder ?

M.J. : C’est toujours agréable de voir les réactions du public en salle. On sent que les gens comprennent le film, qu’ils s’y engagent, surtout vers la fin. Pour nous, c’était important de proposer quelque chose d’un peu cathartique, que les spectateurs puissent quitter la salle avec un sentiment positif, malgré les thèmes sombres abordés. On ne voulait pas non plus se prendre trop au sérieux ni faire la leçon. Le but n’était pas d’imposer un message ou de dire : « voilà ce que vous devez penser ». C’est là que le cinéma de genre est un excellent outil : il permet de traiter de sujets graves sans adopter une posture moralisatrice, sans jouer au professeur.

 

C. : Qui vous a accompagnés sur les effets spéciaux et la mise en scène technique ? Quels ont été les principaux défis pour atteindre ce résultat final, qui flirte avec le film d’action burlesque, presque à la manière des Monty Python — un humour absurde mis au service d’une critique politique claire ?

M.G. : Pour les éléments horrifiques, nous avons dû faire fabriquer certaines choses spécialement, et c’est le studio Squid Lab qui s’en est chargé. Ils ont l’habitude de travailler sur ce type d’effets pour des films avec une composante fantastique ou horrifique. Ils ont fait un excellent travail en réalisant des éléments assez sanglants, qui — on l’espère — surprendront le spectateur à un moment du film. À l’écran, le résultat est vraiment saisissant, voire dérangeant, et visuellement très efficace.

 

C. : Et pour les autres aspects techniques du film, notamment le casting et les comédiens, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Comment s’est fait le choix des acteurs, comment avez-vous géré tout ça, et combien de temps cela vous a pris ?

M.J. : Le casting est assez conséquent pour un court-métrage. On avait établi de longues listes d’acteurs qu’on souhaitait, et il y a eu pas mal de discussions, parfois même des désaccords, car c’était un choix crucial. Il y a beaucoup de scènes où des personnages sont simplement assis autour d’une table à tenir des propos racistes, et on ne voulait surtout pas tomber dans la caricature. Il fallait donc de très bons comédiens pour porter ces dialogues avec justesse. On a contacté ceux en haut de notre liste ; certains ont refusé, ne voulant pas jouer des personnages racistes. Mais heureusement, ceux qu’on voulait vraiment ont accepté, car ils ont compris l’intention du film. La plupart viennent d’ailleurs de séries télé comiques.

 

C. : Vous avez déjà répondu à pas mal de choses, mais on peut aussi parler de la bande-son si vous le souhaitez. Est-ce que l’un de vous peut nous en dire un mot ?

M.G. : La bande-son a été composée par Sven Faulconer, un Belge qui vit à Los Angeles. On savait dès le départ que la musique allait jouer un rôle essentiel, surtout pour un film avec des éléments horrifiques. On se demandait qui pourrait s’en charger, et par un ami d’ami, on est tombés sur lui. En découvrant qu’il avait composé la musique du dernier Scream, on a commencé à écouter son travail, puis on l’a contacté. On ne savait pas s’il accepterait de travailler sur un court-métrage belge avec un petit budget, mais il a tout de suite été très enthousiaste. Comme beaucoup d’autres personnes qu’on a sollicitées, il a compris ce qu’on voulait faire. Ça nous a vraiment motivés à poursuivre : on sentait que le projet parlait aux gens.

 

C. : Y a-t-il des films ou des réalisateurs qui vous ont inspiré ? Des œuvres qui vous ont donné l’envie d’entrer dans le monde du cinéma et l’énergie de réaliser un film comme celui-ci ?"

M.G. : Oui, je suis un grand fan — comme beaucoup, je pense — du travail de David Lynch. Pour ce film, il m’a certainement influencé, même si je ne saurais pas citer une œuvre précise sur le moment. Mais il y a aussi The Fly, qui est l’un de mes films préférés. Ce genre de cinéma, où l’on part d’une situation apparemment normale qui devient de plus en plus étrange, voire dérangeante, m’inspire beaucoup. J’aime aussi énormément les films avec Nicolas Cage. Sa manière de jouer, très extrême, très libre, me fascine. C’est une énergie que j’ai essayé de transmettre dans ce film : un glissement vers quelque chose de plus fou, en laissant aussi les acteurs aller dans cette direction. D’ailleurs, j’espère pouvoir tourner un jour avec Nicolas Cage.

 

C. : Qu’est-ce que ça vous a fait de présenter votre film au BIFFF et d’y recevoir un prix ? Et quelle a été votre réaction face à l’accueil du public ?

M.G. : On adore tous les deux le BIFFF, vraiment. C’est un festival qu’on connaît bien, où plusieurs de nos films ont déjà été projetés — des projets qu’on a faits chacun de notre côté, ou ensemble. Mais au-delà de ça, c’est un endroit où on aime simplement aller pour découvrir plein de choses. Je suis vraiment heureux qu’un festival comme le BIFFF existe à Bruxelles.

 

C. :  Le film a un ton assez radical, parfois dérangeant, est-ce que ça a été difficile de le financer ? Est-ce que le genre et le sujet ont posé un problème ?

M.J. :  Oui, ça n’a pas été simple. Le film a reçu le soutien du gouvernement flamand, mais au départ, on avait un peu peur — c’était un pari, autant pour nous que pour la production. La première demande de financement a été refusée, mais à la deuxième, ils ont accroché et sont devenus très enthousiastes par rapport au scénario. Il faut juste persévérer, croire à fond en son projet, et à un moment, ça passe.

 

M.G. :  On a aussi eu la chance d’avoir un producteur qui a compris tout de suite le film et qui aime sincèrement le cinéma de genre. Il a été passionné dès le départ, et ça a vraiment aidé à faire avancer le projet. De mon côté, je travaille en ce moment sur une série télé d’animation avec un artiste visuel. C’est un univers très différent, ce qui est aussi agréable : ça permet de se renouveler, même si faire exister un projet reste toujours un parcours difficile.

 

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https://www.youtube.com/@Cinergiebe-cp7oe

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