Cinergie.be

Angèle Paulino : le court sur TV 5

Publié le 12/09/2007 par Katia Bayer / Catégorie: Entrevue

À l’inverse de France 2, de France 3 ou encore d’Arte, les courts métrages ne s’affichent pas de façon hebdomadaire sur TV5. Ils sont pourtant très présents à l’antenne puisqu’ils escortent les longs et bénéficient d’une visibilité internationale à l’instar des autres programmes. Francophone et généraliste, la chaîne mise plus que jamais, depuis le développement de sa case cinéma, sur la transversalité et la multiculturalité. Angèle Paulino, responsable du court à TV5, était aussi présente au festival de Bruxelles. Entretien.

Cinergie : Quelle est la politique de TV5 en matière de court métrage ?
Angèle Paulino :
Le court métrage est apparu sur TV5 avec une place de choix au moment de l’émission « Les yeux tout court ». Cette case a ensuite disparu après le départ de Frédéric Mitterrand, mais le court s’est maintenu puisqu’on a continué à en diffuser ponctuellement après les longs métrages. Aujourd’hui, la case cinéma a pris plus d’ampleur sur la chaîne, donc le temps alloué au court métrage est forcément plus important. On peut considérer que, statistiquement, on diffuse un court métrage pour un long métrage. Les films passent en journée comme en soirée. Il faut savoir qu’un long est parfois rediffusé dans la semaine, donc le court qui l’accompagne est présenté à des horaires différents. On n’a donc pas un rendez-vous pendant lequel on aurait une heure de courts, mais le choix des longs associés aux courts permet d’avoir une visibilité cinématographique intéressante.

C. : Essayez-vous de créer une continuité entre le long et le court au niveau de la thématique, du pays d’origine ou de l’œuvre d’un réalisateur ?
A.P. : Tout à fait. On collabore avec Marjorie Vella qui est responsable du cinéma et de l’acquisition des longs métrages. J’essaye de coller le plus possible à la programmation et de proposer des courts liés à une thématique, un genre ou un réalisateur. Cela permet de concevoir une unité entre les métrages.

C. : Dans la tradition de la salle de cinéma, le court passait avant le long. Ici, la formule est inversée…
A.P. : Oui. Le long métrage est une acquisition et un rendez-vous attendu. Après le film, les téléspectateurs peuvent donc découvrir soit un jeune réalisateur, soit une thématique équivalente, soit un court du même auteur que le long.

C. : Comment vous positionnez-vous par rapport aux autres chaînes quant au soutien à la jeune création ?
A.P. : Il n’y a pas de règles définies. TV5 est une chaîne généraliste avant tout mais je cherche vraiment des films dans tous les secteurs. Je ne regarde pas du côté des réalisateurs confirmés. D’ailleurs, c’est tout l’intérêt du court métrage : il englobe énormément de nouveaux réalisateurs qui peuvent nous offrir une œuvre intéressante. Notre appui se définit ainsi, mais il n’y a pas de politique qui va au-delà. Pour le moment, on ne fait pas de préachat de courts métrages sur TV5, mais on reste présente et vigilant, en allant dans les festivals, par exemple, pour déceler des nouveautés.De plus, on n’est pas forcément les premiers acheteurs puisque les grandes chaînes hertziennes françaises ou les chaînes du câble payantes ont souvent la primauté par rapport aux courts métrages : ils sont coproducteurs ou pré-acheteurs. Il n’empêche qu’on est un réel complément par rapport à la diffusion et à l’exposition pour les jeunes talents.

C. : De quelle façon ?
A.P. : Les chaînes hertziennes et du câble diffusent principalement en France alors que les courts métrages que nous achetons sont diffusés à l’internationale. TV5 touche énormément de foyers, et est capté partout dans le monde ce qui permet à un jeune réalisateur francophone de voir son film exposé largement. Ça peut être pour lui une opportunité de se faire remarquer, de montrer son travail, ce qui est le but de la plupart des réalisateurs. Le soutien se conçoit aussi dans la diversité par rapport à la francophonie puisqu'on montre des courts français mais également belges, suisses, africains et québécois.

C. : Y a-t-il des contraintes qui t’empêchent de diffuser des courts que tu juges intéressants ?
A.P. : TV5 est une chaîne généraliste qui s’adresse au monde entier. Quand on travaille à TV5, on apprend très vite à comprendre les particularités de cette diversité culturelle. On doit donc essayer de s’adresser au plus grand nombre pour toucher les gens, pour les intéresser. Le public est varié. Mais quand on diffuse du cinéma francophone, cela sous-tend déjà un effort de la part du téléspectateur pour accepter la multiculturalité. Pour un Africain qui voit un court québécois ou pour un Asiatique qui voit un court belge, des différences se sentent. C’est un pari pour la chaîne de promouvoir cette multiculturalité et de sensibiliser tous ces publics francophones.

C. : Quels genres la chaîne privilégie-t-elle ?
A.P. : En complément de longs, on achète essentiellement de la fiction pendant l’année et un peu d’animation en période de fêtes. On n’entre pas dans le court documentaire puisque TV5 diffuse déjà énormément ce type de programmes. On ne fait pas dans l’expérimental non plus. Non, on reste vraiment dans le cinéma de fiction.

C. : Et en ce qui concerne les durées ?
A.P. : C’est difficile de trouver une place pour les très courts. Par contre, il y a un vrai travail de développement pour eux sur notre site Internet, notamment à travers les courts de la Fémis et les Talents Cannes. Dans l’autre sens, on a la possibilité de diffuser des courts relativement longs, allant jusqu'à 30 minutes. Ce n’est pas forcément évident pour les réalisateurs de courts métrages de cette durée de pouvoir les faire diffuser sur d’autres chaînes.

C. : Les courts à la carte apparaissent dès la page d’accueil du site. Est-ce un complément à l’offre télévisuelle ?
A.P. : Oui. À vrai dire, aujourd’hui, toutes les chaînes sont sensibilisées aux nouvelles technologies et à leur évolution. Chacune aura, dans un avenir proche, une banque de programmes à la demande accessible sur Internet. TV5 ne déroge pas à la règle : on travaille activement sur ces nouvelles technologies. Bien entendu, le court métrage aura sa place. La difficulté réside dans les questions de droits ; les législatures doivent se mettre en place. Tout se construit : cela prend du temps pour les œuvres qui drainent des budgets importants tandis que pour les programmes courts, les financements ne sont pas les mêmes. Ce sera peut-être les premières œuvres qui bénéficieront de ce type de technologie.

C. : Tu vois beaucoup de courts métrages. Quels sont les critères qui t’incitent à en remarquer certains plus que d’autres ?
A.P. : Enormément de courts métrages sont réalisés chaque année et on cherche les meilleurs. J’ai le souci d’offrir quelque chose qui va plaire aux téléspectateurs de TV5 ; la qualité peut se trouver dans n’importe quel type de sujet traité, il n’y a pas réellement de tabou. Moi, je suis assez sensible à plusieurs éléments tels que la qualité d’écriture et de scénario, l’image, la réalisation, le sujet traité et bien sûr le jeu des comédiens. On ne peut pas se permettre de proposer aux téléspectateurs des choses mal construites. Le court métrage reste du cinéma.
Je m'intéresse à ce qui est nouveau, à ceux qui ont une vision différente du monde. Quand un court m’intéresse, je me renseigne sur le réalisateur ou la réalisatrice. C’est un peu normal : la personne est entrée dans la famille du court métrage, on a vraiment envie qu’elle en fasse quelque chose et on a envie de l’aider à progresser.

C. : Comment perçois-tu dès lors le court belge ?
A.P. : Ce qui m’intéresse dans le court métrage belge comme canadien, c’est qu’il a vraiment une particularité culturelle. Ce qui est positif à TV5, c’est de mettre en connexion des cultures francophones mais différentes, de les montrer et de les faire partager. Il y a une complémentarité entre les cultures ; les sensibilités sont différentes et se ressentent entre un court métrage français, belge et canadien. Il n’y a pas de niveau supérieur : ce sont des choses différentes. En mettant en parallèle cette culture et cette diversité, on s’ouvre à d’autres visions du monde et à d’autres richesses.

Le site de TV 5 : http://www.tv5.org/