Cinergie.be

Binti de Frederike Migom

Publié le 02/04/2019 par Adrien Corbeel / Catégorie: Critique

Il est facile de sombrer dans le pessimisme en regard de l’actualité. Qu’ils soient climatiques ou humanitaires, on ne compte plus les problèmes qui menacent notre avenir. Mais de-ci de-là, des raisons de garder espoir subsistent, comme l’engagement dont la nouvelle génération fait preuve. C’est à cette jeunesse prête à s’investir dans les luttes sociales que s’adresse Binti, le premier long-métrage de la réalisatrice Frederike Migom, qui offre aux spectateurs, adultes comme enfants, la vision d’un monde où il est encore possible de faire une différence.

Le pied bien ancré dans son époque, Binti s’ouvre avec un vlog, une de ces vidéos personnelles qui pullulent sur YouTube. La vlogueuse en question est Binti, une petite fille de 12 ans (interprétée par la très charismatique Bebel Tshiani Baloji), qui avec franc-parler et inventivité raconte sa vie pour ses mille et quelques abonnés. Elle est, jusqu’à preuve du contraire, une enfant insouciante.

Mais si elle n’hésite pas à s’exprimer sur de multiples sujets, un aspect plus tragique de son quotidien est occulté de ses vidéos. Née au Congo, Binti vit en Belgique sans papier, avec son père Jovial, lui aussi “illégalement” présent sur le territoire. Lorsqu’une rafle policière les oblige à quitter le sympathique squat où ils résidaient, le duo se retrouve sans domicile et en grand danger d’être expulsé du pays. Pour le parent inquiet, la situation est angoissante au possible (où passer la nuit ?), mais pour la jeune fille, il s’agit d’une aventure de plus, prompte à faire l’objet d’une nouvelle entrée sur son vlog. Heureusement pour eux, une rencontre fortuite avec un garçon du même âge, et la mère de celui-ci, change la donne, bouleversant le quotidien de tout le monde pour le meilleur.

Cette heureuse rencontre n’est qu’un des nombreux coups de chance qui parsèment le film. Mieux vaut être averti : suspendre son incrédulité est une nécessité pour apprécier ce film qui ne résiste pas à quelques raccourcis scénaristiques pour arriver à ses fins. Mais ce sont des facilités qu’on lui pardonne bien volontiers, tant ce long-métrage grand public aux couleurs chatoyantes et aux musiques entraînantes se regarde avec plaisir. Avant tout destiné aux enfants, Binti s’adresse à eux avec les technologies de maintenant, dans un langage cinématographique inventif, accessible et touchant.

Binti n’édulcore pas tout pour autant, comme on peut le voir dans son dernier acte, qui prend une saisissante tournure dramatique. Avec une certaine justesse, le film nous met face aux peurs très légitimes de ses personnages. Celle de chaque policier que l’on croise. Celle de ne pas savoir où l’on va passer la nuit. Celle des centres fermés. Celle du “retour” dans un pays qu’on n’a jamais connu ou dont on n’a jamais voulu.

Il y a une vocation pédagogique derrière ce film, et on ne peut que saluer son message de solidarité dépourvu de cynisme, et l’énergie communicative qu’il nous transmet. Tant qu’il y a de la jeunesse, il y a de l’espoir, et Binti en regorge.

Tout à propos de: