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Sur le tournage du long-métrage flamand "Binti"

Publié le 23/10/2018 par David Hainaut et Tom Sohet / Catégorie: Tournage

Binti, plus qu'un premier film belge

Un premier long-métrage mis en boîte. C'est ce que vient d'accomplir la réalisatrice bruxelloise Frederike Migom qui, après une belle reconnaissance dans le court-métrage, a tourné Binti, cet été. Un film dans lequel on retrouvera entre autres Baloji, un comédien belge quasi-débutant, jusque là surtout connu dans le monde musical. Et qui, en attendant à son tour la réalisation d'un premier long-métrage, vient d'obtenir le prix spécial du Jury au Festival du Film Francophone de Namur pour Kaniama Show, un court-métrage. Double-rencontre, sur le plateau. 

Duffel, au beau milieu de la campagne anversoise, à la fin de cet été. Légère effervescence logique, en ce dernier jour (ensoleillé) de tournage pour la petite équipe de Binti qui, autour d'une énigmatique cabane construite spécialement pour le film, a tout juste le temps de garder à l'œil le trio d'intrus que nous sommes, puisqu'à cette occasion, la production a délégué une attachée de presse.
Après l'habituelle observation de quelques scènes, nous conversons avec la réalisatrice, Frederike Migom. Connue au nord du pays comme comédienne, cette native anversoise de 32 ans a, depuis plusieurs années, fait ses preuves également comme réalisatrice, tournant quatre courts-métrages, tant en néerlandais qu'en français. Si-G, le dernier d'entre eux, s'est ainsi baladé dans une quarantaine (!) de festivals, trustant au passage le Prix de la Critique, lors du dernier Festival du court-métrage de Bruxelles.

Des thèmes en vogue

Pour ce premier film, qu'elle a elle-même écrit pendant quatre ans, Migom aborde des thèmes en vogue, puisque son histoire raconte celle de Binti (interprétée par une débutante, Bebel Tshiani), une fille de 11 ans d'origine congolaise ayant grandi en Belgique et rêvant d'une carrière comme Youtubeuse. Préoccupée par l'expulsion imminente de son père Jovial, elle croise par hasard un jeune garçon, Elias (Mo Bakker, à l'affiche de Niet Schieten), qui, après une dispute avec sa mère, a fugué dans une cabane. Binti a alors l'idée de marier son père avec la mère d'Elias. "Au-delà d'imaginer un film mettant en scène des enfants", détaille Migom, "J'avais envie de parler des sans-papiers et surtout, de ceux qui voient leurs rêves brisés. Plus jeune, j'avais les utopies les plus folles. Mais bien d'autres enfants sont tellement occupés par leur survie qu'ils n'ont plus le temps de rêver. Notre héroïne a par exemple grandi en Belgique, parle la langue et a de nombreux amis, mais sa famille vit dans une incertitude extrême, avec le risque permanent d'être renvoyé dans un pays inconnu. Et là, nous nous situons donc dans la cabane où les deux enfants du film se retrouvent pour la première fois, après une tempête."

Un premier rôle pour Baloji, ex chanteur de Starflam...

Quelques mètres plus loin, toujours entre deux prises, nous abordons Baloji - alias Jovial -, qui complète un casting dans lequel on retrouve des valeurs sûres comme Joke Devynck (Het Vonnis) ou Caroline Stas (la série Unité 42). Bien connu du monde musical, l'ex chanteur du groupe Starflam obtient à 39 ans son premier rôle significatif au cinéma. Il explique le paradoxe d'un tournage avec des enfants. "En règle générale, jouer un rôle, c'est accepter sa part d'enfance et faire semblant. Et pour ça, les enfants sont experts en la matière" (sourire). "Ils ne se posent pas de questions et sont donc naturellement justes. Ce sont en fait eux qui portent ce projet !" Entre le 4e et à présent le 7e art, qu'il a appris à connaître en vivant au-dessus d'un... vidéo-club à Liège, cet autodidacte évoque un soulagement à jouer dans le projet d'un(e) autre. "C'est le seul moment où l'on peut se détacher. Sur mes clips ou sur mes films, je travaille de façon obsessionnelle et passionnée. J'ai tendance à apprendre par moi-même, que ce soit aussi ici ou comme modeste assistant pour Michaël R.Roskam (Le Fidèle). Ces métiers s'apprennent aussi de l'intérieur. Si on a un jour quelque chose à raconter, c'est essentiel de connaître le terrain.

...en attendant la réalisation d'un premier long-métrage.

Depuis ses débuts, cet artiste d'un mètre nonante-huit, qui a lui-même été un sans-papiers pendant trois ans, a toujours prétendu être victime du syndrome de l'imposteur. Et aujourd'hui ? "Je l'ai encore, car je songe toujours aux gens qui n'ont pas ces opportunités-là. Mais grâce à cela, je me bats peut-être plus. Pour mon court Kaniama Show, nous avons nous-même trouvé le financement. Comme disait si bien Jacques Brel, le talent, c'est d'abord l'envie. Personne n'est là pour nous offrir les choses, il faut toujours aller les chercher!" Chapeauté par Versus, l'une des principales sociétés belges de production, pour la longue préparation de Mama Nzinga, son premier long-métrage qui évoquera une histoire de sorcellerie au Congo, que pense-t-il de cette belle marque de confiance ? "Cela s'est fait progressivement, mais Jacques-Henri Bronckaert est un producteur qui suit bien ses films et ses réalisateurs. Et c'est encourageant de bosser avec quelqu'un d'impliqué, tant dans le scénario que pour la direction.

"Tout doucement, des choses bougent..."

Quant à l'évolution du cinéma belge, il la commente ainsi : "Tout doucement, on sent que des choses bougent bien. Mais à part quelques acteurs comme Marc Zinga, on a encore peu de comédiens d'origine africaine, subsaharienne ou du Maghreb. Et quand ils ont des rôles, ça reste encore extrêmement stéréotypé. Après, c'est vrai qu'on trouve peu de gens de ces communautés dans nos écoles de cinéma. Peut-être parce dans certaines familles subsiste encore une perception méconnue de ce qu'est ce milieu." On risque en tout cas de reparler de cet artiste complet, vivant aujourd'hui à Gand.

Un film à portée universelle

Initié par Bulletproof Cupid, Binti, qui sortira en 2019, est coproduit avec Kwassa Films, tout en bénéficiant de financements traditionnels belges: le Fonds audiovisuel flamand, Flanders Image, la Fédération Wallonie-Bruxelles, BNP Paribas Fortis Film Finance, le Tax Shelter du gouvernement fédéral belge et la chaîne VRT, via Ketnet. "Dans ce film, le français se mélange au flamand", conclut Migom. "J'espère qu'il parlera au plus de monde possible, et qu'il sortira tant au nord qu'au sud du pays. On y parle quand même de rêves d'enfance. C'est universel, non ?"

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