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BXL - Ish et Monir Aït Hamou - 2024

Publié le 09/10/2024 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Présenté en première mondiale au Festival de Gand, BXL de Ish Aït Hamou et Monir Aït Hamou signe la première réalisation des frères, une puissante ode à Bruxelles et à sa diversité, mais aussi un pamphlet brûlant à l’encontre des détracteurs de cet “enfer”, comme ont aimé la qualifier certaines voix politiques nationales et internationales.

BXL - Ish et Monir Aït Hamou - 2024

Tandis que Monir Aït Hamou brillait dans Les Barons de Nabil Ben Yadir, avant une nomination aux Magritte, Ish Aït Hamou se révèle à la même période en tant que danseur et chorégraphe de hip-hop à l’international, mais également écrivain publié à maintes reprises en néerlandais. Aujourd’hui, c’est en duo que les frères vilvordois passent derrière la caméra pour mettre en images une ville qui - cela se ressent dès les premiers plans - leur tient à cœur, avec tous ses paradoxes et ses spécificités.

Et ce, dès cette introduction mêlant pirouettes verbales de Brel avec gastronomie bruxelloise contemporaine au cours d’une virée à vélo somme toute quotidienne, mais transformée en odyssée dans les ruelles de notre capitale par la belle mise en scène des cinéastes, la photo de Maximiliaan Dierickx (Grond) et le montage dynamique de Nico Leunen (Home).

Mais si BXL, qui narre la vie bruxelloise de deux frères - Tarek, 26 ans, aspirant champion de MMA et Fouad, 12 ans, jeune élève en pleine recherche de lui-même - est directement inspirée de la jeunesse des réalisateurs, le film dépeint également la réalité de personnes non-blanches dans une ville pas toujours aussi cosmopolite que l’on voudrait bien le croire. Car en opposition aux façades du vivre ensemble, les frères Ait Hamou n’hésitent pas à nous rappeler les phrases et tirades cinglantes de nos politiques à l’encontre des communautés immigrées, premières cibles des quolibets et sorties racistes post-attentats de 2015.

Sans révéler trop du film, ce traumatisme bruxellois transpire également dans BXL, judicieusement amené par les cinéastes pour dépeindre avec force les ressentis et les difficultés quotidiennes des communautés qu’ils représentent. Et le film de ne pas voiler le racisme plus ou moins ordinaire de certains de ses protagonistes blancs, des policiers aux délits de faciès faciles, à l’enseignante (subtilement incarné par Ruth Becquart) au dédain plus pernicieux, mais tout aussi brutal.

Un cinéma qui dérange? Peut-être, mais qui déboulonne aussi, démet les figures de l’institution pour remettre en question cette immigration bienveillante où tombent les masques lorsque le racisme refait surface. Derrière la subjectivité de leur propos renforcée par le langage cinématographique, Ish Aït Hamou et Monir Aït Hamou parviennent à nous faire ressentir un peu de la violence d’un système qu’il est toujours difficile de remettre en question au travers d’un médium aussi large que le cinéma : le nôtre.

Un film bien huilé qui prend à bras-le-corps son sujet et raconte, au travers d’un récit intime et touchant, l’universalité d’un quotidien qui doit disparaître de notre capitale pour que la réalité ne dépasse plus la fiction.

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BXL