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Ceci n'est pas de la cohésion sociale de Christian Van Cutsem

Publié le 15/01/2014 / Catégorie: Critique

Dans Ceci n'est pas de la cohésion sociale, Christian Van Cutsem et David Richardier retrouvent douze cinéastes amateurs avec lesquels ils ont, quelques années auparavant, réalisé 6 documentaires d'atelier-vidéo (Plus belle ma rue, Paroles de Flouze, Vu d'Ici, Liberté, Et demain, on sera où et Qu'est-ce qui est grand, rectangulaire et bleu). 

Entre interviews et extraits de leurs réalisations, ces apprentis cinéastes partagent leurs découvertes, l’importance des pratiques créatives, et le dialogue interculturel suscité par leurs documentaires.

Ceci n'est pas de la cohésion sociale de  Christian Van Cutsem

À l'époque du tournage de Plus belle ma rue de David Richardier, des enfants du centre Amos de Schaerbeek nous emmenaient à la découverte de leur quartier et tentaient de nous en décrire les différents aspects, qu'ils soient positifs ou négatifs. À présent, ces enfants ont bien grandi et sont devenus de jeunes adolescents avec des préoccupations différentes et un regard plus critique sur leur environnement. Leur vision actuelle diffère d'il y a quelques années, et les côtés négatifs du quartier (violences physiques et verbales, accidents, trafics de drogues,...) semblent avoir pris le dessus. Cependant, quand on leur demande ce qu'ils n'aiment pas dans le quartier, ils nous répondent que ce n'est pas le quartier en lui-même qui leur déplaît, mais plutôt les gens qui y habitent.
Lors du tournage de Paroles de Flouze, les jeunes du foyer de Molenbeek-Saint-Jean se sont rassemblés devant et/ou derrière la caméra pour nous parler de « tune, d'oseille, de fric, bref, de flouze ». Parmi la multitude de sujets possibles et imaginables, ils ont choisi ce thème car ils pensent qu'à l'heure actuelle, l'argent est à la base de tout et au centre de toutes les conversations (crises économiques, fraudes,...). La réalisation du film fut une expérience riche en découvertes pour ces jeunes. Elle leur a permis de s'exprimer librement, de montrer leur véritable personnalité, mais aussi de s'intégrer davantage et de prendre conscience de la signification des termes "cohésion sociale" et "vivre ensemble".
Aujourd'hui, quand on leur parle de Paroles de Flouze de David Richardier, ils se disent très surpris de voir l'ampleur que le film a pris. Au départ, ils se le représentaient comme une sorte de divertissement, de jeu, mais lorsque l'émission Coup de Pouce (TéléBruxelles) les a contactés pour faire une interview télévisée, ils se sont rendu compte du réel impact qu'un documentaire amateur pouvait avoir.
Dans Vu d'ici de Gypsy Haes & Mélanie Le Clech , les jeunes du CASI-UO (Centre d'Action Social Italien à Anderlecht) tentaient de construire, ensemble, leur ville idéale à l'aide de boîtes en carton.
A priori, cet exercice semblait plutôt simple, mais lorsqu'il fut question d'installer un CPAS dans la ville, les choses se compliquèrent. D'un côté, il y avait ceux qui considéraient qu'il est important d'avoir un CPAS dans une ville, et de l'autre, ceux qui refusaient d'en avoir un, de peur de voir arriver des "clochards" et "soûlards" dans leur quartier.
Pour Ceci n'est pas de la Cohésion sociale, Christian Van Cutsem et David Richardier sont revenus sur cet exercice avec un des jeunes du CASI-UO. Après avoir pris un certain recul par rapport à l'exercice, ce dernier nous explique en quoi la construction d'un CPAS a été à la source de telles discordes. Il raconte qu'il y a encore, à l'heure actuelle, de nombreux clichés véhiculés autour du CPAS. Pour certains, ville idéale dit, nécessairement, bien-être des citoyens et donc absence de CPAS : l'hypothèse d'une ville dans laquelle chacun se sent à sa place et soit heureux, leur semblait complétement utopique.
Dans Liberté de Christian Van Cutsem, des femmes d’ici et d’ailleurs abordaient les difficultés d'intégration au sein d'un pays dont on ne partage pas la culture. Ensemble, elles plongeaient dans leurs vécus pour y définir leurs libertés d’hier et d’aujourd’hui, et revendiquaient leurs choix d'être des femmes libres et leur droit, en tant qu'humains, de vivre ensemble sur un même territoire. Aujourd'hui, ces femmes ont une vision précise de la manière dont nous devons cohabiter en dépit de nos différences de couleur, de nationalité, de langue, de religion,... Elles décrivent la Belgique comme une mère ayant des enfants d'origines différentes et mettent en lumière les contradictions entre ce que la loi belge dicte (égalité entre tous les hommes) et la réalité. Grâce aux ateliers-vidéos, elles ont non seulement appris à maîtriser le français, mais aussi à communiquer.
Dans Et demain, on sera où ? de Christian Van Cutsem & David Richardier , 13 jeunes adultes revenaient sur leurs parcours professionnels et exprimaient la difficulté à s'intégrer dans le marché du travail lorsqu'on n'a pas de diplôme valable.
Dans Ceci n'est pas de la Cohésion sociale, un de ces jeunes hommes nous explique comment, à défaut d'avoir un travail dans lequel il se sent bien, il utilise des moyens d'expression puissants tels que l'écriture, le dessin et la photographie, pour se sentir vivant, exister et être en paix avec lui-même.
Range ta chambre ! Va dormir ! Fais tes devoirs ! ... À travers Qu'est-ce qui est grand, rectangulaire et bleu ? de Gypsy Haes, les enfants de l'espace Senghor (centre culturel d'Etterbeek) expriment leur ras-le-bol face aux injonctions permanentes qu'ils reçoivent tant à la maison qu'à l'école. Aujourd'hui encore, l'atelier-vidéo reste le seul endroit dans lequel ils se sentent écoutés, et où ils ont l'impression que leur avis est réellement pris en compte.
La réalisation du documentaire a été un moyen pour eux de fuir leur quotidien, d'échapper à la réalité et de prendre leur envol.
Tant dans ces 6 documentaires que dans Ceci n'est pas de la cohésion sociale, Christian Van Cutsem et David Richardier donnent libre cours à ces enfants ou adultes, hommes ou femmes afin qu'ils s'expriment sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Leur but n'est pas de leur faire endosser un rôle d'acteur, mais de les faire parler d'eux et de ce qui les touche. Le tout sans aucune gêne.
À travers ces différentes retrouvailles, Christophe Van Cutsem et David Richardier  nous démontrent que peu importe notre âge, notre origine, notre milieu socio-culturel et les outils dont nous disposons pour faire passer notre message. Chacune de nos voix compte et vaut la peine d'être entendue. Son impact pouvant s'exercer bien au-delà des limites de notre quartier. 

 

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