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Chantal Myttenaere

Publié le 01/02/1997 / Catégorie: Entrevue

Tantôt cinéaste (Le Moulin de Dodé), tantôt réalisatrice télé (Strip-Tease), tantôt romancière (Le Voleur de fenêtres), tantôt nouvelliste, Chantal Myttenaere manie avec autant de bonheur la caméra et le stylo. Actuellement, dans une école d'éducateurs, elle enseigne la psycho, donne un cours d'initiation à l'audiovisuel et participe à un atelier d'écriture.

Chantal Myttenaere

Cinergie : D'abord, il y a quoi? L'écriture? le cinéma?
Chantal Myttenaere 
: Au début, il y a la psychologie. Après mes études, j'en ai eu marre de la Belgique et je suis allée faire mes stages en France, chez Felix Guattari et Maud Manonni. Je faisais partie du mouvement de l'antipsychiatrie. Revenue en Belgique, je suis entrée à la Petite Maison qui était le seul endroit où l'on faisait de la psychiatrie infantile à peu près intéressante. Avec d'autres, nous sommes partis en dénonciation et avons quitté le lieu. J'ai alors décidé de passer à autre chose.

Par hasard, je me suis retrouvée au premier Festival du film de femmes qui se passait dans un garage à Ixelles et je me suis dit : pourquoi pas le cinéma? J'ai été m'inscrire à l'IAD. Plus tard, je me suis fâchée avec Harry Kümel et j'ai claqué la porte en affirmant que ce n'était pas cela qui m'empêcherait de faire du cinéma. Je n'avais toujours rien tourné mais je savais au moins ce qu'était un plan.

 

C. :Vous réalisez alors Le Moulin de Dodé.
C.M.
 : Je me disais que si je tournais un premier film, je le ferais dans un coin que je connais bien, le sud-ouest de la France. C'est comme cela que j'ai adapté l'une de mes nouvelles, Le Moulin de Dodé - car j'écrivais depuis longtemps. Ce scénario a reçu des aides en France et en Belgique et j'ai obtenu l'accord de Jacques Dufilho. Le film a été tourné en 35 mm avec une équipe tout à fait extraordinaire. On travaillait dix-huit heures par jour pour arriver à faire ce dont j'avais rêvé. Il reste de ce tournage, pour les gens que je continue à voir, quelque chose d'assez merveilleux.

 

C. : Ce court métrage a-t-il eu une bonne diffusion?
C.M.
 : Dans le Gers, en tout cas, tout le monde le connaît. Tous les touristes qui fréquentent le bled où il a été tourné y ont droit. A part cela, il a fait le circuit des festivals. Et j'ai appris dernièrement qu'il passait en ciné-club, sans que je sache d'où vient la copie. Par ailleurs, il sert aux étudiants de l'INSAS. Je me dis qu'il y a suffisamment d'erreurs et de matière pour qu'ils puissent apprendre quelque chose. La nouvelle, quant à elle, avait été publiée dans une revue et je crois qu'elle se trouve dans un recueil qui sort en avril aux éditions de l'Hêfe.

 

C. : Vous avez ensuite réalisé des reportages pour Strip-tease.
C.M.
 : Cela me donnait l'impression de faire de l'image. Mon premier reportage, Femme entre chien et chat, était l'histoire d'un couple de pensionnés qui hébergeait trois cent cinquante chats. J'avais en effet accepté de travailler à Strip-tease, d'autant plus qu'il n'y a pratiquement pas de femme, à condition de faire un sujet sur les chats et je m'étais mise à chercher des gens qui en avaient beaucoup. Après, j'ai tourné l'histoire d'une chanteuse zaïroise vivant avec un boucher belge. J'ai arrêté de travailler pour cette émission depuis un certain temps car mes derniers projets ont été refusés. Mais si j'en trouve un qui plaise aux producteurs...

 

C. : Et l'écriture? Vous avez publié plusieurs textes.
C.M.
 : J'écrivais bien avant de faire du cinéma mais, entre l'écriture et l'édition, il y a une marge. Or j'écris pour pouvoir poursuivre, donc il me faut un minimum de reconnaissance qui passe obligatoirement par la publication. Entasser des manuscrits, ça n'a pas beaucoup de sens, j'ai besoin d'un retour. En 1988, mon roman, L'Ancre de Chine, a été très bien accueilli par la critique, s'est très bien vendu, battant, m'a-t-on dit, des records, et a reçu le prix RTL-TVI.

Une telle unanimité, sans critique négative, c'était presque gênant. L'éditeur, Paul Legrain, un véritable marchand de soupe, a fait faillite sans avoir jamais payé ses auteurs. D'ailleurs, la seule remarque qu'il m'avait faite, à la lecture du manuscrit, concernait sa longueur qu'il jugeait excessive. Mais rien sur le style. J'ai ensuite écrit des nouvelles et puis un autre roman, Le Voleur de fenêtres, dont l'accueil a été partagé, ce qui me semblait plus intéressant. Et, actuellement, plusieurs choses sont prêtes mais rien ne paraît.

 

C. : Vous écrivez : " Attendre est un métier. "
C.M.
 : Oui, c'est quelque chose que l'on apprend quand on veut faire des métiers dit "artistiques". Sinon, on est foutu. Cette attente, ce fut quelque chose de très pénible pour moi qui ai une impatience terrible à faire des choses, elle a été extrêmement dure à vivre. J'ai, par exemple, énormément souffert d'attendre les réponses des éditeurs à qui j'avais envoyé mon texte. Mais cela m'est passé.

 

C. : Vos deux romans s'ouvrent sur la peur.
C.M.
 : Elle est quelque chose de tout à fait réel dans le monde où l'on se trouve. La peur de ne pas comprendre... C'est un doute permanent... Je crois que j'écris pour m'y retrouver, pour construire un monde dans lequel j'arrive à me retrouver. Mais ce n'est pas un monde marrant [Gigantesque éclat de rire].

 

Michel Paquot

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