Pas seulement pour les cinéphiles nostalgiques...
Certains cinéphiles l'auront sans doute remarqué, la RTBF, via sa troisième chaîne,(re)diffuse chaque vendredi Cinéscope, une émission dédiée au septième art ayant marqué l'histoire de la télévision belge et animée - la plupart du temps - par l'un des papes de la critique de cinéma en Belgique: Sélim Sasson.
En cette époque guettée par une surinformation croissante et dans laquelle tout semble aller toujours plus vite, les (re)diffusions hebdomadaires de l'émission Cinéscope, ce programme historique d'une heure consacré à une personnalité du cinéma, semblent presque trancher avec le temps.
D'une part, par la renommée de ses invités d'alors (Gérard Depardieu, Jeanne Moreau, Michèle Morgan, Jean Rochefort...), chose impensable de nos jours pour une telle durée sur le petit écran, belge de surcroît.
Mais d'autre part et surtout, pour l'aspect particulièrement instructif de ce programme qui aura marqué les téléspectateurs des années 70, 80 et 90, durant lequel les invités se livraient comme rarement. Autour de (longs) extraits de films choisis par l'émission elle-même, les droits de ceux-ci étant encore abordables...
"Messieurs, voici le journaliste le plus intelligent..."
S'il s'agit évidemment d'une toute autre époque, sans doute moins oppressante médiatiquement, il n'en demeure par moins que son présentateur-phare, Selim Sasson - qui l'animait en alternance avec Philippe Longtain, Réné Michelems, Arlette Vincent... - réussissait, grâce à une passion doublée d'une culture - Sasson était historien de l'art - et d'un important travail de documentation en amont, à mettre en valeur des invités, apparaissant dès lors complices et décontractés à l'écran, eux qui arrivaient parfois plusieurs heures avant le début de l'enregistrement.
Le tout, face à des journalistes qui parvenaient à jouer leur rôle, en s'effaçant. Un autre paradoxe, à l'heure où, trop souvent encore, certains présentateurs télé ont ce fâcheux réflexe de vouloir trop se mettre eux-même en vedette, au détriment de ceux qu'ils reçoivent.
Cinéscope nous offre ainsi des moments souvent étonnants, marquants voire émouvants. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Jean-Pierre Melville, l'un des réalisateurs les plus importants du cinéma français (L'Armée des ombres, Le Samouraï...), dit un jour de celui qui fut une institution chez nous, cette fameuse phrase: "Messieurs, voici le journaliste le plus intelligent que j'ai rencontré", face à un parterre de professionnels.
Le journalisme lent
Bref, à l'heure où le journalisme poursuit sa vaste remise en question, le retour de Cinéscope, rendu aussi possible grâce au vaste travail d'archivage de la SONUMA, épouse finalement les quelques retours actuels aux fondamentaux du journalisme - culturel, mais pas seulement - souhaités par certains, avec ce qu'on nomme désormais le "slow journalisme" - le journalisme lent -, et qui se matérialise notamment dans l'écrit, avec l'apparition des magalivres (mooks), et des titres en vogue comme Médor, 24h01, Wilfried ou encore, Appren-tissages.
Puisse un jour un programme télévisuel s'en inspirer et trouver la clé pour nous proposer un nouveau produit de cette facture. Il est encore permis de rêver...
Cinéscope. Sur la RTBF (La Trois) et disponible sur Auvio.
Prochaines rediffusions: Annie Girardot (2/3), Raymond Bussières (9/3), Nathalie Baye (16/3), Claude Zidi (23/3), Louis Malle (30/3), Yves Boisset (20/4), Laurent Malet (27/4), Francis Huster (4/5), Jean Yanne (11/5), Guy Marchand (18/5), Lambert Wilson (25/5), Mel Ferrer (1/6), Richard Anconina (8/6), Roland Giraud (15/6), Darry Cowl (22/6) et Robin Renucci (29/6).
