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Cru Insas 2016

Publié le 07/07/2016 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Chaque année, au mois de juin, c'est une tradition, Bozar accueille les films de fin d'études des étudiants de l'INSAS, l'école supérieure des arts du spectacle et des techniques de diffusion et de communication de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Au programme 2016, 12 films dont 6 documentaires et 6 fictions. Etrange de constater combien chaque année une teinte semble émerger, une sorte de tonalité dominante comme si une idée traversait les esprits pour se déployer d'une manière ou d'une autre dans les films. Ce sont les limites que les étudiants de cette promotion sont surtout partis explorer, et notamment le thème de l'inceste qui ne se dit pas que l'on a pu voir dans beaucoup de travaux.

Première partie consacrée au désormais traditionnel Regards croisés qui, depuis 2004, permet à un étudiant de faire ses classes à l'étranger, de se confronter à l'inconnu culturel, géographique ou linguistique. Cette année, les étudiants ont rejoint trois destinations, Hanoi au Vietnam (l'école SKDA), Lodz en Pologne et enfin plus proche, Aubagne en France (Université SATIS). On le sait, l'inconnu inspire ou paralyse. Si l'on a pu constater, au cours des dernières années, des projets bancals qui cherchaient désespérément leur sujet, la promotion 2016 sort son épingle du jeu. Une mention spéciale pour Léopold Legrand qui, en 14 minutes, nous propulse avec Angelika dans un orphelinat de Lodz en compagnie d'une fillette de 7 ans, une enfant placée pour des raisons qui ne sont jamais clairement nommées mais que l'on devine terribles.
Un documentaire coup de poing, tragique autant que vivant, filmé avec une sensibilité qui ne cède jamais au pathos. Léopold Legrand construit une dramaturgie faite d'ellipses et de non-dits sans perdre une miette de l'attention du spectateur. Son personnage, à la fois perdue et révoltée, moteur crépitant de tous les plans du film crève l'écran par son énergie, le cœur par son esbroufe. Un film bouleversant dont on entendra parler dans les prochains mois et qui devrait faire le tour des festivals.
Plus près de la Belgique, Unisson réalisé par Jérôme Erhart à Aubagne, ville française connue pour son régiment de la légion étrangère, dressait un portrait sans paroles de la ville, confrontant les chants militaires et ceux des religieuses d'un cloître. Le film évitait habilement l’écueil terrible de la voix off, tout comme le film d'Aline Magrez, No'i autre portrait de ville assez joliment inspiré.

Les étudiants qui n'ont pas bénéficié d'un voyage à l'étranger se sont tournés davantage vers la fiction que vers le documentaire pour pouvoir peut-être s'évader un peu, même si la plupart des scénarios imaginés n'étaient pas à proprement parler exotiques ou dépaysants. Deux documentaires contre six fictions ont été présentés.
Trois fictions interrogeaient, avec plus ou moins de bonheur, la fragile frontière entre l'amour fraternel ou paternel et l'amour charnel. Histoire fusionnelle entre un frère et une sœur qui a grandi trop vite dans Etreinte sur le vide de Sébastien Perée ; Père plus qu'encombrant dans Paul est là de Valentina Marel ou encore rapport tendancieux entre frère et sœur dans la fable surréaliste et souvent désarmante du film de Roxanne Gaucherand, Les incapables. Si ce dernier méritait plus de simplicité, il fait toutefois figure d'exception dans cette série de film aux histoires relativement sages et classiques. Et si l'accumulation maladroite des éléments finissait par lasser et gâcher un peu le plaisir, Roxane Gaucherand avait le mérite d'inventer un univers très personnel et une narration qui éclatait joyeusement dans tous les sens. Deux projets plus « expérimentaux » exploraient d’autres voies Pavillon n°7 de Jeanne Cousseau et Forum de Joachim Soudan mais prouvaient aussi, hélas, que l’originalité n’est pas toujours la meilleure idée.

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