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Rencontre avec Frédéric Castadot et Lauren Nancelle, pour la formation en écriture de séries ("FEST") de l'INSAS.

Publié le 23/11/2023 par David Hainaut et Antoine Phillipart / Catégorie: Entrevue

"Quand on écrivait Ennemi public, il n'y avait pas de formation comme celle-ci"

Depuis cinq ans, Frédéric Castadot, l'un des auteurs d'Ennemi public, est l'enseignant d'une formation donnée à l'INSAS, spécifiquement dédiée à l'écriture de séries et soutenue par le Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel.

Après avoir longtemps œuvré pour la professionnalisation du métier de scénariste en Belgique francophone, l'ancien président de l'Association des Scénaristes (ASA) nous en parle, avec Lauren Nancelle, la responsable en relations extérieures de l’école, qui coordonne ce cursus intitulé FEST (Formation en Écriture de Séries TV).

Cinergie: Tout d'abord, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette formation FEST?

Frédéric Castadot: Tout est parti en 2016 et d'un consortium de cinq écoles issues du bassin méditerranéen – oui, avec la ...Belgique, curieusement! -, financé par l'Union européenne, dans l'idée de dynamiser les formations en écriture de séries. L'INSAS a surtout été sollicité pour son expertise. Depuis, on reçoit chaque année de 50 à 60 candidatures d'étudiants motivés, et on sélectionne neuf profils. Notre formation se donne en trois modules: un premier pour la création d'un concept de série, un deuxième pour la création de sa bible et un troisième pour développer le pilote. Et à l'issue du premier module, on convie un jury de diffuseurs (de la RTBF) pour garder un concept. La première formation a été donnée en 2018/2019, mais vu le succès, on réitère chaque année l'opération. Que l'INSAS est d'ailleurs la dernière école à poursuivre, pour une question de moyens humains et financiers.

 

C.: À quoi attribuez-vous ce succès «belge», dès lors?

F.C.: À plusieurs choses. D'abord, à l'engouement pour les séries belges, qui est plus ou moins arrivé au même moment que la création de cette formation. Puis, il y a nos étudiants, et le fait qu'on aille chercher des profils pas souvent mis en valeur ailleurs, voire même rejetés. Car lorsqu'on lance notre appel à candidatures, des dizaines de profils se présentent, et avec Laureen, on choisit ceux qui retiennent plus l'attention. Qui sont des gens compétents, qui ont du vécu, des caractères particuliers et des histoires à nous raconter. Donc, dans ce cadre-là, force est de constater, vu l'ambiance, qu'on va chercher des profils un peu à part.

 

C.: La formation est bien ouverte à tout le monde?

F.C.: À tout le monde, excepté une condition...

L.N: ...oui, on demande soit d'avoir un diplôme dans l'audiovisuel plutôt tourné vers l'écriture, et éventuellement d'avoir quelques années de métier – par exemple, dans la réalisation - ou encore, d'avoir déjà travaillé dans l'écriture, sous n'importe quelle forme. Bref, des personnes qui ne partent pas totalement de rien, car la formation ne dure qu'un an. Mais les élèves peuvent aussi être de purs autodidactes.

 

C.: Comment se déroule une année de FEST?

F.C.: Il y a 36 jours de cours, principalement le lundi, mais les étudiants doivent travailler autant de jours de leur côté via des ateliers. Car ensemble, par groupe de trois en général, ils développent des projets de séries sur le long terme.

Le but est aussi de choisir des profils qui vont nous amener un autre type de projets. On s'est par exemple rendu compte que le Centre du Cinéma organise beaucoup de formations en comédie, mais dans les écoles, on a peu de profils de ce genre-là. En cela, FEST peut donc être utile. Puis, en cinq ans, on a déjà pu voir que nos anciens étudiants continuaient de travailler ensemble, en recréant parfois de nouveaux groupes. Preuve que tout cela a du sens, ce qui est forcément encourageant pour nous.

 

C.: Ce métier de scénariste, en Belgique francophone, il se professionnalise réellement?

F.C.: En fait, il se structure de mieux en mieux depuis une dizaine d'années, avec de plus en plus de profils se destinant exclusivement à l'écriture. Avant, la plupart des gens cumulaient la casquette de réalisateur et de scénariste pour pouvoir joindre les deux bouts. Mais on remarque de plus en plus que nos étudiants en scénario n'ont plus honte de dire qu'ils sont «juste» des scénaristes. Ils se développent comme tels. Plusieurs de nos anciens étudiants sont actuellement en contrat avec des chaînes et des producteurs, en Belgique et en France, et on a pu présenter des projets dans certains festivals reconnus, comme Série Séries ou Séries Mania.

 

C.: Tout cela, on le doit donc à la création du Fonds Séries, en 2013?

F.C.: Clairement! Le succès de nos séries a permis de mettre en lumière le métier. C'est ce Fonds des Séries qui fait entrer la série dans notre environnement audiovisuel. J'ai eu la chance de faire partie de l'équipe d'Ennemi public, mais quand on a commencé, il n'y avait pas nécessairement de formation spécifique. On a donc dû se former seuls, en faisant autant de belles choses que ...d'erreurs! Et on a parfois dû chercher des infos à l'étranger. Une formation comme celle-ci permet d'aider concrètement des gens en Belgique, pour qu'ils soient directement plongés dans la réalité de ce métier. Et on n'est pas juste dans de la théorie. On évoque le quotidien d'un atelier d'écriture et la vie d'un scénariste: comment établir un contrat, comment se vendre, comment créer un réseau. Car tout cela est aussi important que l'écriture elle-même.

 

C.: Est-ce que vous commencez à percevoir que la culture des jeunes générations est plus «sérielle» que cinématographique ?

L.N.: Les étudiants qui arrivent à l'INSAS restent tout de même encore axés cinéma. Mais certains, apprenant qu'il y a une formation en séries, cumulent parfois les deux.

F.C.: Selon moi oui, de plus en plus d'étudiants ont la capacité de faire la différence entre cinéma et télé. Quand mes collègues scénaristes et moi étudiions, c'était nettement moins le cas. Or, on voit bien que ce sont des métiers différents. Et en effet, avec le temps, une culture générale de séries s'est développée. La série n'est plus un vilain mot, il n'y a plus ce regard snob sur elles. Aujourd'hui, on ne les regarde plus de la même façon. Car on peut être auteur de série et quand même faire un travail artistique et créatif digne de ce nom.

 

C.: Quelque chose à rajouter?

F.C.: Qu'on est fiers de nos étudiants ! En tout cas, dans le milieu des auteurs, on voit après cinq ans que l'existence de la formation est connue dans le milieu. Y compris du côté des diffuseurs comme la RTBF, et même de plus en plus des producteurs, sans oublier le Centre du Cinéma ou les Fonds régionaux. On continue notre évolution, pas à pas.

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