Displaced de Volkan Üce

Documentaire choral étonnant et nécessaire, Displaced de Volkan Üce suit le parcours d'une migration peu courante et peu visible, du Nord vers le Sud de l'Europe, et plus particulièrement de la diaspora turque, irrémédiablement attirée par Istanbul. Ainsi, chaque année, des familles entières retournent dans leur pays d’origine. Désormais, leur Eldorado ne se situe plus en Europe, mais bien à Istanbul, où de jeunes Belges et Hollandais partent à la recherche de leurs racines, de leur identité, de leurs grands-parents, immigrés turcs en Belgique ou aux Pays-Bas. Ce nouvel idéal marque aussi, pour certain.e.s l’échec d’une réelle rencontre et d’une réelle compréhension avec le « pays d’accueil ». Renvoy.é.e.s sans cesse à leur origine et leur religion, leur statut d’étranger ou d’enfants d’immigré.e.s, elles et ils se sentent considéré.e.s comme des citoyen.ne.s de seconde zone à l’instar de Şule qui ne trouve pas de travail en Belgique malgré ses diplômes, et qui part tenter sa chance à Istanbul. Capitale jeune, moderne et addictive, Istanbul se situe également à la croisée de l’Orient et l’Occident, déroulant son Bosphore sublime et son dynamisme économique. Si la forme du film reste assez classique, alternant entretiens avec plusieurs personnages et regards sur la ville, le cinéaste construit un état des lieux nuancé. L’espoir de ces nouveaux migrant.e.s est en effet souvent déçu : l’émerveillement du début fait très vite place aux difficultés. Les différences culturelles avec celles et ceux qui ont toujours vécu à Istanbul ainsi que la situation politique est souvent source d’un malaise et d’une difficulté d’intégration. Eternel.le.s déplacé.e.s, leur combat pour vivre sereinement leur identité multiple est décrit avec pudeur et générosité.