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En Télé : Naissance d'Arte Belgique

Publié le 06/10/2006 par Matthieu Reynaert / Catégorie: Événement

Née des amours annoncés depuis treize ans de la RTBF et d’Arte, et accouchée par la Communauté Française, Arte Belgique a vu le jour le 25 septembre. Félicitations, c’est un décrochage ! Et il pèse vingt minutes ! Vingt minutes quotidiennes à 20h15, plus une soirée documentaire tous les derniers jeudi du mois. La mère se porte bien, nous dit-on.
Paradoxalement, c’est au Théâtre National et non pas à Flagey où sont enregistrées les émissions, qu’a eu lieu le baptême, en présence du président d’Arte France, Jérôme Clément, et de notre Ministre de la culture. Alors, sous quels auspices est-il né, ce bébé ?

En tant qu’hôte, c’est à Jean-Louis Colinet, directeur du Théâtre National, qu’incomba la tâche d’ouvrir le bal des discours officiels. Il a souhaité que cette nouvelle fenêtre télévisuelle qui s’annonce entièrement dédiée à la promotion des productions culturelles en Communauté Française de Belgique, « démocratise davantage encore la culture » et, surtout qu’elle « génère un désir de culture ». Petit bémol toutefois, il ne faudrait pas qu’Arte Belgique serve d’excuse à la RTBF pour amenuiser son contenu culturel. Une crainte que voudra d’emblée dissiper Fadila Laanan, tout en soulignant le prestige acquis par la RTBF du fait de la confiance que lui accorde Arte, « une référence culturelle majeure ».
Le Théâtre Natioanal aux couleurs d'Arte - Photo : M. R.
La culture était donc sur toutes les lèvres, et c’est bien légitime si l’on considère la difficulté de l’accès aux médias, en ce compris la télévision publique, pour les créateurs francophones. 50° Nord, l’émission phare - qui doit son titre au parallèle qui traverse notre pays et la France - annonce donc son ambition de devenir un carrefour inévitable du petit monde de la création et des tendances. Le champ est large (du théâtre à la BD, en passant par la mode ou, bien sûr, le cinéma), mais le rendez-vous est quotidien, une initiative qu’on ne peut que saluer, d’autant que le besoin de contenu nous garantit de ne pas retrouver sur le banc des invités les éternelles mêmes têtes ! Le lieu qui accueille le rendez-vous n’est ni plus ni moins que l’ancienne maison de la radio, Flagey, qui avait bien faillit devenir, il y a peu, « le temple de la culture flamande »…
Du côté de Jérôme Clément, le président d’Arte France, une vraie figure des médias outre-quiévrain, on accueille la petite nouvelle avec « joie et fierté ». « Arte est une utopie » a-t-il déclaré, « celle d’une chaîne culturelle européenne ». La collaboration avec la RTBF serait donc le premier pas vers un élargissement du couple franco-allemand. « Ce lancement est la preuve que l’Europe avance et j’espère que cela continuera ». Dommage alors que ni 50° Nord ni Quai des Belges (la soirée thématique d’Hadja Lahbib) n’aient trouvé une petite place sur la grille française. La belgitude se partagera en famille.
Pour le grand parrain de la soirée, « il n’y a pas de fatalité à l’uniformisation de la télé. La télé culturelle trouve son public, comme l’a prouvé Arte ». Il semble que cette affirmation n’ait pas encore convaincu à Reyers, où l’on dispose pourtant de deux chaînes de télévision. La culture en acces prime-time ? Ce ne sera ni sur La Une, ni sur La Deux ! Par contre, rediffuser 50° Nord passé 23 heures sur La Une c’est possible, comme le prouve une annonce faite peu après le lancement officiel… On s’y perd un peu !
Espèrons juste que cette nouvelle production ne servira pas d’alibi aux chaînes « généralistes » du service public pour tenter d’imiter à nouveau leur envahissant voisin privé. Autre petit cafouillage: l’insistance de Jean-Paul Philippot à souligner que « ce lancement a été réalisé dans les temps, ce qui est aussi une utopie » ! C’est gentil pour les équipes concernées, mais ça laisse rêveur sur l’état des autres projets de la RTBF.
Jérôme Clément et Jean-Paul Philippot - Photo : M.R.
Mais, las de jouer les mauvaises langues, qu’en est-il du programme lui-même ?
La première de l’émission quotidienne avait de quoi convaincre. Un petit manque de rythme peut-être, que l’on mettra sur le compte du stress ou bien de l’étrangeté du choix du décor. En effet, on était certes à Flagey… mais dans un couloir ! On a vu plus convivial. Fort heureusement, depuis, l’émission a pris place dans un vrai studio; ce qui laisse espérer qu’un jour, Screen, le rendez-vous cinéma de La Une, ne sera plus tourné à côté des toilettes d’un multiplexe bruxellois !
A la tête de l’émission, on retrouve Eric Russon, ancien de Télé Bruxelles, installé depuis quelques saisons maintenant en radio sur La Première. Jouissant à la fois de la crédibilité et du talent, le souriant journaliste se révèle un excellent meneur. Autour de lui, une équipe roulante de chroniqueurs, souvent représentatifs du milieu dont ils se feront tantôt les porte-parole tantôt les critiques. Russon veut créer une petite famille que l’on prendra plaisir à retrouver, dont on apprendra à connaître les goûts et les coups de gueule… On ne doute pas qu’il puisse y arriver.
Le rendez-vous peut paraître court (vingt minutes bien tassées) mais, comme on l’a dit, à un rythme quotidien, c’est une vraie gageure. Et puis, le format court est le meilleur antidote à tout risque d’ennui. Ainsi comprimée et programmée à l’heure où s’achève le JT de la RTBF, l’émission a toutes ses chances d’attirer son public. Sur la grille d’Arte, elle se retrouve entre le Journal franco-allemand de la Culture et le début des soirées, Théma entre autres, qui ont fait la renommée d’Arte.
Au vu de ses premiers jours d’existence, on a envie de croire en Arte Belgique. Les programmes proposés - ou faut-il dire le programme ? - sont de qualité et représentatifs du spectre culturel à couvrir. On espère juste qu’en cas de succès d’audience (même si une partie de la stratégie de « délocalisation » est sans doute d’en faire un souci mineur), il s’avèrera qu’il ne s’agissait que d’un début. Autrement, on se demandera toujours s’il n’y avait vraiment pas vingt minutes déblocables par la RTBF ailleurs que sur une autre chaîne.

 

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